Asnières-sur-Seine, Auguste Thin et le Soldat Inconnu.

Publié le 10 Octobre 2018

Le caporal Auguste Thin déposant le bouquet de roses. A droite, le ministre André Maginot.

Le caporal Auguste Thin déposant le bouquet de roses. A droite, le ministre André Maginot.

La guerre de la famille Thin.

 

Auguste Thin nait le 12 juillet 1899 à Cherbourg. Dernière année du siècle… La France est à la fois portée vers son empire colonial (l’affaire de Fachoda vient d’avoir lieu) et la récupération de l’Alsace-Lorraine. L’esprit de revanche est dans toutes les têtes. 1899, c’est aussi la création de L’Action Française par Henri Vaugeois, le général Gallieni est gouverneur de Madagascar et l’Olympique de Marseille est portée sur les fonds baptismaux ! Emile Loubet est président de la République. Des tracts le disent « élu des juifs » car Loubet soutient Alfred Dreyfus.

 

Auguste Thin est le fils de Louis Jules Adolphe Thin, né le 21 août 1876 à Port-en-Bessin, dans le département du Calvados. La Première Guerre mondiale est déclarée en août 1914, alors que le jeune Auguste est commis épicier. Son père est rappelé sous les drapeaux. Il est sergent au 274e régiment d’infanterie. Il trouve la mort aux combats du Fort de Vaux le 23 mai 1916. Son fils s’engage à son tour. Il le fait à Lisieux le 3 janvier 1918, à l’âge de 19 ans.

 

Il est versé au 132e régiment d’infanterie. Unité plusieurs fois décorées, elle a fait preuve tout au long de la guerre de courage et d’un sacrifice inouï, faisant montre de sa devise : « Un contre huit » !

 

Au printemps 1918, l’unité se porte en Picardie pour participer à la bataille de Montdidier et sauve la situation. Il en est de même quelques semaines plus tard : le Grand Etat-major donne l’ordre à la 56e division (dont le 132e fait partie) d’attaquer Mont-d’Origny, en traversant l’Oise, et de marcher sur Guise, dans le nord du département de l’Aisne. Après la première attaque, le 132 atteint ses objectifs et conserve le terrain conquis. Contraint d’attendre les renforts, pendant 8 jours, le régiment résiste à toutes les attaques ennemies. Le 8 octobre, une attaque générale réussit enfin et aboutit à la prise de Mont-Origny. D’une charge, le 132 s’élance vers Guise. L’unité progresse tellement rapidement qu’elle rejoint les avant-postes allemands : le corps à corps s’engage, terrible. Le 3e bataillon du 132 prend la place, assurant ainsi le succès de l’attaque de Guise.

 

Quelques semaines plus tard, un nouvel ordre porte la 56e division sur l’Alsace. La marche est arrêtée par l’armistice du 11 novembre alors que les premiers hommes pénètrent dans cette région.

 

Le 27 janvier 1919, le 132e régiment d’infanterie rejoint sa garnison provisoire de Vitry-le-François, puis de Reims et de Verdun. Son comportement pendant la Grande guerre lui vaut d’avoir le privilège de faire choisir par l’un de ses soldats, dans la citadelle de Verdun, le 10 novembre 1920, le Soldat Inconnu qui repose sous l’Arc de Triomphe.

 

Le Soldat Inconnu.

 

Ce 10 novembre 1920, le soldat Auguste Thin est à la citadelle de Verdun. Devant lui huit cercueils en ligne, anonymes, venant des différents secteurs de l’ancien front militaire (Chemin des dames, Somme, Verdun…). En vérité, le front contenait neuf secteurs, mais l’un des responsables de l’enquête ne peut certifier que le dernier corps proposé est bien celui d’un Français.

 

Le jeune caporal de 21 ans, pétrifié par l’émotion, tient dans sa main un bouquet d’œillets blancs et rouges que vient de lui donner le ministre des Pensions, André Maginot. Le ministre sait-il qu’il vient de désigner un Pupille de la Nation ? Un jeune homme dont le père a fait la même guerre, comme c’est le cas dans de nombreuses familles de France… Auguste Thin avance lentement, passant en revue ces soldats sans noms, morts pour la France. Auguste Thin se retourne, revient devant le sixième cercueil et y dépose le bouquet, désignant ainsi le soldat inconnu qui devra rejoindre son dernier tombeau, sous l’Arc de Triomphe.

 

Plus tard, le caporal explique son choix : «Il me vint une pensée simple. J’appartiens au 6ème corps. En additionnant les chiffres de mon régiment, le 132, c’est également le chiffre 6 que je retiens. La décision est prise, ce sera le 6ème cercueil que je rencontrerai.»

 

Dés 1916, François Simon, Président du Souvenir Français à Rennes, avait évoqué l’idée d’inhumer un soldat anonyme pour rendre hommage à tous les disparus: «Pourquoi la France n’ouvrirait-elle pas les portes du Panthéon à l’un de ses combattants ignorés, mort bravement pour la patrie ?».

 

Des combattants ignorés, la Première Guerre mondiale en voit des mille et des cents… Sur les un million-quatre-cents-mille morts des seuls rangs français, les corps de trois-cents-mille victimes officiellement déclarées décédées ne seront jamais restitués aux familles. Et il y a plus de trois-cent-cinquante-mille disparus, «pulvérisés sur le champ de bataille» comme l’écrit l’historien Jean-Yves Le Naour.

 

Même si une proposition de loi est déposée en ce sens à la fin de la guerre, soulevant une vive polémique, il faudra attendre l’automne 1920 pour que le parlement, poussé par une campagne de presse intensive en particulier de l’Action Française, décide du choix d’un soldat inconnu et de son inhumation sous l’Arc de Triomphe. Le Panthéon est également évoqué mais, comme l’écrit le journaliste du Matin Henry de Jouvenel : «Ne l’enfermez pas au Panthéon. Portez-le au sommet de l’avenue triomphale, au milieu de ces quatre arches ouvertes sur le ciel. C’est lui, l’inconnu, l’anonyme, le simple soldat, qui donne tout son sens à l’Arc de Triomphe.»

 

Dans la nuit du 10 au 11  novembre 1920, par le train, la dépouille du Soldat inconnu arrive à Paris. Après un passage au Panthéon, son cercueil emprunte la rue Soufflot, en direction de l’Arc de Triomphe, monté sur un canon de 155 dominant la foule. «Ce mort qui va passer, c’est l’enfant de tout un peuple en larmes», écrit l’envoyé spécial de l’hebdomadaire l’Illustration.

 

Le Soldat inconnu est solennellement enterré sous l’Arc de Triomphe le 28 janvier 1921.

 

Plus tard, l’Angleterre, la Roumanie, la Belgique, les Etats-Unis, l’Australie (…) désigneront également leur soldat inconnu pour l’inhumer avec éclat. En 2000, c’est le Canada qui enterre le sien. Son corps avait été exhumé dans le Pas-de-Calais, tout proche de la crête de Vimy.

 

Auguste Thin reprendra sa vie civile quelques temps plus tard. En 1982, peu de temps avant sa mort, le soldat fameux est décoré de la Légion d’honneur par le Président de la République François Mitterrand. La cérémonie se déroule à l’Arc de Triomphe.

 

A l’occasion du centenaire de l’Armistice de 1918, le Souvenir Français a décidé d’honorer 100 soldats de la Première Guerre mondiale. La cérémonie pour Auguste Thin à Asnières se déroulera le 15 octobre 2018, à 17h00, au cimetière ancien d'Asnières, division 46 - 6, rue du Ménil - 92600 Asnières.

 

Les président, les porte-drapeaux et les membres des Comités des Hauts-de-Seine sont tous conviés pour participer à cette commémoration. La Flamme sacrée arrivera vers 16h45.

 

 

 

 

Sources :

 

  • «Le Soldat inconnu, la guerre, la mort, la mémoire», de Jean-Yves Le Naour (éditions Découvertes Gallimard, 2008).
  • "Le Soldat inconnu, invention et postérité d’un symbole» (éditions Imago, 2005), Jean-François Jagielski.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Site Internet : www.appli-lachaise.net
  • Archives du Souvenir Français – Délégation des Hauts-de-Seine.
  • Reprises d’éléments biographiques écrits par Antoine Junqua, membre du Souvenir Français.
Asnières-sur-Seine, Auguste Thin et le Soldat Inconnu.

Rédigé par Souvenir Français des Hauts-de-Seine

Publié dans #Témoignages-Portraits - 1914-1918

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