Gustave Durassié, maître-imprimeur à Malakoff.

Publié le 30 Octobre 2018

Gustave Durassié, maître-imprimeur à Malakoff.

Le carré militaire de Malakoff dédié à la Première Guerre mondiale comporte 120 sépultures. Parmi elles, figure celle de Gustave Durassié (1887-1986), adjudant puis lieutenant au 95e R.I., combattant à Fleury-devant-Douaumont en 1916, maître imprimeur à Malakoff, président national de l’association Ceux de Verdun de 1951 à 1974, commandeur de la Légion d’honneur.

 

« Debout les morts ».

A son arrivée au 95e, Gustave Durassié se lie d’amitié avec un autre adjudant, Jacques Péricard. L’unité a quitté Bourges et le camp d’Avord en août 1914. Partie de la 16e division d’infanterie et du 8e corps d’armée, formée de Berrichons, de Bourguignons et de Nivernais, elle est rattachée à la 1ère Armée du général Dubail.

Depuis, le 95e est de tous les fronts : en Lorraine, où il perd 500 soldats, puis dans la Woëvre en 1914 ; sur les secteurs de la forêt d’Apremont et de Bois-Brûlé l’année suivante. A cette occasion, au cœur des tranchées du saillant de Saint-Mihiel, où les hommes se battent au corps à corps pour chaque mètre de terrain, l’adjudant Jacques Péricard hurle à ses hommes épuisés, abrutis par tant de sauvagerie « Debout les morts ! ».

Publié anonymement après la guerre, la Campagne 1914-1918 du 95e régiment d’infanterie (librairie Chapelot à Paris) indique ceci : « Du 19 au 31 janvier 1916, le 95e est relevé et quitte ce secteur où, depuis quinze mois, il combat avec un courage qui ne s'est jamais démenti, et où, gradés et soldats ont prouvé surabondamment, sous des bombardements effroyables et dans des attaques meurtrières leur grand cœur, leur stoïque ténacité et leur absolu mépris de la mort. »

Puis, le 95e est dirigé sur Fleury-devant-Douaumont le 24 février 1916. Il doit relever les 51e et 72e divisions d’infanterie, laminées par le rouleau compresseur ennemi. Le 25, « les soldats du 95e ont l’impression d’être seuls, abandonnés du reste de l’Armée, holocaustes choisis pour le salut de Verdun. Vers le milieu de l'après-midi, le bombardement cesse et l'attaque se produit. Des masses, jaillies du bois d'Haudremont, submergent le malheureux 1er bataillon mais se brisent contre nos mitrailleuses et nos feux de salve, à nous. Les Allemands s'aplatissent, se terrent. Et le bombardement reprend. Il est de courte durée, cette fois. La fumée qui couvrait le fort se dissipe et, de sentir cette force si près, cela rassure nos hommes. Ils sont tous à leurs postes, attentifs à l'assaut que ce calme présage. Soudain, un cri : « Les voilà ! » ... J'ai dit que le 3e bataillon occupait les tranchées autour du village. Ces tranchées formaient un angle droit. Sur la plus grande branche, parallèle à la rue et face à la cote 347, les 9e, 10e et 11e compagnies. Sur la plus petite, face au fort, la 12e compagnie ou, plus exactement, un peloton de la 12e compagnie : la 4e section que je commande en qualité de lieutenant, la 3e section sous les ordres de l'adjudant Durassié. Avec nous, la section de mitrailleuses du 3e bataillon, sous les ordres du capitaine Delarue. Delarue et Durassié sont toujours vivants. Et vivants également une quinzaine d'hommes qui étaient avec nous ce jour-là...Perte du village de Douaumont qu'occupait le 3e bataillon du 95e RI.  La nuit vient. Il neige. Le combat continu. Le 26, le 2e bataillon en réserve dans le ravin de Thiaumont reçoit, sans bouger d’une semelle, un bombardement terrible de 9h du matin à 5h du soir. A 16h30, nouvelle attaque allemande sur la route Douaumont – Bras ; elle est repoussée après un corps à corps furieux. Des tirailleurs qui fléchissaient à notre droite, reviennent à la charge sous l’énergique intervention du capitaine Ferrère. Le régiment a subi de grosses pertes. Il a été pendant deux jours le bouclier de la France, et a écrit une des plus belles pages de son histoire.»

Le 95e est relevé. A Verdun, la très grande majorité des régiments ne reste en ligne que quelques jours ou plus rarement quelques semaines. Ces relèves maximisent la diffusion des informations et des images de « l’enfer de Verdun » au sein de toute l’armée française. Dans les semaines qui suivent, Fleury-devant-Douaumont est pris et repris seize fois. Chaque assaut donne lieu à un bombardement d’une intensité prodigieuse. A Verdun, 80 % des tués le sont du fait des bombes.

Le 95e va continuer la guerre en Argonne en 1917, puis en Champagne l’année suivante. Durassié et Péricard terminent la guerre avec le grade de lieutenant.

 

« L’Almanach du Combattant ».

Jacques Péricard et Gustave Durassié sont devenus amis. On l’a vu. Ils ne se quitteront plus.

Jacques Péricard est né le 17 décembre 1876 à Saint-Florentin, dans le département de l’Indre. Il épouse en premières noces Marguerite Leroux à Paris, puis se remarie en 1917 avec Alice Ritte, à Vierzon, et sera père de onze enfants, parmi lesquels le journaliste et homme politique Michel Péricard (député des Yvelines entre 1978 et 1999). Jacques Péricard mourra le 18 mars 1944 dans l’Allier. Il aura droit à des obsèques nationales, avec la présence du maréchal Pétain.

Après la guerre donc, Gustave Durassié reprend son métier d’imprimeur et Jacques Péricard devient un journaliste et un écrivain connu et reconnu du monde combattant. Le premier va alors imprimer ce qu’écrira le second.

Péricard est prolixe en idées et suggestions pour animer le Devoir de Mémoire : en 1921, il propose que la Flamme sous l’Arc de triomphe soit ravivée chaque soir ; l’année suivante il sort l’Almanach du Combattant qui devient une publication maîtresse du monde du combattant. Cette revue existera entre 1922 et 1993 et publiera des milliers d’articles sur des batailles de la Première Guerre mondiale, des récits, des carnets de bord, des biographies de combattants, mais aussi des contes, des poésies et des pièces de théâtre

Mais Péricard et Durassié ne vont pas en rester là.

Les deux hommes travaillent sur Verdun : la bataille doit rester dans la mémoire collective française. Des entreprises de tourisme, comme Michelin, s’en emparent et créent des guides. De même, les cars Citroën déversent chaque mois des centaines de visiteurs sur le site. Quant à l’ossuaire de Douaumont, conçu au lendemain de l’armistice de 1918 à l’initiative de Monseigneur Charles Ginisty, évêque de Verdun, il est inauguré le 7 août 1932 par le Président de la République, Albert Lebrun.

De leur côté, Durassié et Péricard lancent l’idée d’un volume souvenir qui serait construit à partir de témoignages de poilus de Verdun. Leur appel rencontre un large écho, et ils reçoivent plus de 5.000 réponses. Le gros volume illustré qu’ils en tirent est un succès. Cette affaire contribue à conférer à Verdun une valeur symbolique éminente.

Une association est aussi créée. Il s’agit de Ceux de Verdun.

 

« Ceux de Verdun ».

L’association  Ceux de Verdun est donc créée en 1923 par Gustave Durassié et Fernand Ducom, lui aussi ancien combattant. L’idée étant de regrouper tous les soldats qui s’étaient battus sur les terres sacrées de Meuse. Le premier président de l’association est Jacques Péricard.

En 1938, à Paris, les Anciens de Verdun officialisent cette association par la création de la Fédération Nationale de Ceux de Verdun. Cet organisme central fédère les amicales siégeant dans chaque région de France. L’ensemble étant régi par la loi de 1901. Il en existe toujours et certaines ont des sites Internet très actifs comme celle de Lyon, d’Orléans ou encore de Nice (…).

Trimestriellement paraît le journal de la fédération intitulé « le Combattant de Verdun », dans lequel les articles des écrivains, des historiens, des carnets d’anciens et des récits de descendants, portent témoignage de cette Bataille. La page « Vie des amicales » relate l’activité des différentes représentations régionales, comme les commémorations locales, les voyages sur les terres de Meuse, les assemblées générales, etc…

En 1951, Gustave Durassié, alors âgé de 64 ans, prend les rênes de Ceux de Verdun et devient président national. Il laissera sa place 23 ans plus tard et décèdera en 1986. Auparavant, il aura été un membre actif du conseil d’administration de l’association Le Souvenir Français.

 

A l’occasion du centenaire de l’Armistice de 1918, le Souvenir Français a décidé d’honorer 100 soldats de la Première Guerre mondiale. Gustave Durassié est l’un d’eux.

 

 

 

Sources :

 

  • Joffre, Arthur Conte, Ed. Olivier Orban.
  • Les Poilus, Pierre Miquel, Ed. Terre Humaine Plon.
  • Pétain, Marc Ferro, Fayard.
  • 1918 : la victoire, Pierre Miquel, Tallandier.
  • 1916, l’année de Verdun, Service historique des armées, Ed. Lavauzelle.
  • Site « Wikipedia ».
  • Campagne 1914-1918 du 95ème régiment d’infanterie, librairie Chapelot.
  • Journal de Marche et des Opérations du 95ème régiment d’infanterie.
  • Centre de Recherche Internationale et de Débats sur la Guerre 1914-1918 ; travaux de Stéphan Agosto et Jean-Claude Poncet.
  • Site Internet sur Verdun : www.verdun-meuse.fr

 

Gustave Durassié, maître-imprimeur à Malakoff.

Rédigé par Souvenir Français des Hauts-de-Seine

Publié dans #Témoignages-Portraits - 1914-1918

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