"A moi les gardes !"
Publié le 15 Janvier 2012
Bagneux : monument à la mémoire du comte de Dampierre.
Anne Marie André Henri Picot, comte de Dampierre.
Dans le cimetière de Bagneux, avant même de pénétrer dans les carrés militaires, le visiteur est arrêté par un monument imposant, dédié à la mémoire d’Anne Marie André Henri Picot, comte de Dampierre, commandant le 1er Bataillon des Gardes mobiles de l’Aube et mort à Bagneux le 13 octobre 1870.
La « dépêche d’Ems ».
Alors que Guillaume Ier de Hohenzollern, régent de Prusse depuis 1861 en raison de la maladie mentale de Frédéric-Guillaume IV, remporte une victoire décisive sur les Autrichiens à Sadowa le 3 juillet 1866, en France, après la chute de la monarchie orléaniste de Louis-Philippe, la Deuxième République est proclamée et son premier président est Louis-Napoléon Bonaparte.
Le neveu de Napoléon 1er est élu en décembre 1848. Cette république n’accorde que peu de pouvoirs à son représentant. Dans le but de diviser ses opposants, de mener librement la politique qu’il pense correcte pour le pays et d’accroître son prestige personnel, Louis-Napoléon Bonaparte provoque un coup d’Etat le 2 décembre 1851. Un an plus tard, jour pour jour, il est proclamé Empereur des Français.
Les craintes françaises d’une hégémonie allemande se trouvent rapidement validées par le désir de Bismarck, ministre-président de Prusse, de renforcer l’unité des Etats d’Allemagne du Sud et de l’Ouest (Bavière, Bade, Wurtemberg et Hesse) dans une grande épreuve nationale. En 1870, la candidature au trône d’Espagne du prince Léopold de Hohenzollern-Sigmaringen provoque une crise. Il n’est pas question que la France se trouve au nord, à l’est et au sud, entourée d’Etats pro-allemands. A l’occasion d’une rencontre entre la France (représentée par son ambassadeur Benedetti) et la Prusse, dans la ville d’eau d’Ems, Guillaume Ier accepte que le prince retire sa candidature. Mais Napoléon III veut plus et exige des garanties à cette renonciation. Ce qu’il finit par obtenir. Malheureusement, Bismarck publie un compte-rendu de cette réunion, mais avec une traduction pro-prussienne : l’attitude « arrogante » de l’Empire français est brocardée.
Piqué au vif, l’Empereur, plutôt d’abord hostile à un conflit, est vite débordé par un entourage et un parlement favorables à l’ouverture des hostilités. Napoléon III déclare la guerre à Guillaume Ier le 19 juillet 1870. A sa grande surprise, l’empereur français découvre que les Etats de l’Allemagne du sud se rangent du côté de la Prusse, dans une sorte d’enthousiasme guerrier, contre l’ennemi héréditaire.
La guerre moderne…
Les armées françaises sont portées rapidement aux frontières grâce au chemin de fer, issu de l’extraordinaire développement industriel voulu par l’empereur. Ces armées, qui n’ont connu que des guerres de conquêtes coloniales, sont impréparées à un conflit européen, face à un adversaire riche d’un enseignement sur les guerres modernes, recueilli par des observateurs militaires envoyés étudier les nouvelles techniques et notamment celles employées au cours de la Guerre de Sécession en Amérique : évolutions de l’armement, les obus, les canons, le chargement par la culasse, les premières armes à répétition. Un enseignement qui manque aux troupes françaises dont le commandement est l’héritier des stratégies du 1er Empire.
L’offensive victorieuse prussienne est menée par Von Moltke et l’on voit l’armée française s’effondrer en quelques jours en dépit de violents combats, comme à Gravelotte, et une résistance acharnée de plusieurs unités. Il est vrai que dans le même temps des armées entières se laissent enfermer dans des places fortes, sans munitions et sans ravitaillements. Les places de Toul, de Strasbourg et de Metz se rendent rapidement. Dans cette dernière ville, où il s’est laissé enfermer, le maréchal Bazaine livre, sans combats, près de 173.000 soldats, 3 maréchaux, 50 généraux, 53 drapeaux et plus de 200.000 fusils. Un anéantissement…
La ville de Paris assiégée.
Le 4 septembre 1870, la IIIème République est proclamée sur l’initiative de Léon Gambetta et commence le siège de Paris, qui dure tout l’hiver. Retranchés derrière leurs « fortifs » les Parisiens connaissent misère et famine, mangeant les chevaux, les chiens jusqu’aux animaux du Jardin des Plantes. Sur les étals des bouchers sont vendus chats et rats.
Plusieurs tentatives pour déloger l’étreinte de la capitale sont alors réalisées. Il s’agit d’aller vite, avant que le reste des Prussiens n’arrive sur la capitale. D’abord, en septembre 1870, à plusieurs reprises, les troupes françaises tentent d’empêcher l’encerclement. Si Versailles se rend sans combattre, ce n’est pas le cas des communes de Clamart et de Châtillon où les Français essaient de se maintenir dans les ouvrages fortifiés. Le général Ducrot fait faire mouvement à près de 45.000 soldats, les plaçant d’un côté vers Bagneux et Montrouge, de l’autre dans le bois de Clamart et Meudon. Les Prussiens seront alors pris dans la tenaille. Mais les troupes françaises croulent devant un ennemi plus nombreux et surtout bien mieux armé.
Le 7 octobre, Léon Gambetta sort de Paris grâce à un ballon monté et s’en va chercher des renforts. Le 13 octobre, des troupes se hasardent à attaquer l’ennemi entre Clamart et Bagneux pour reprendre le plateau de Clamart. C’est à ce moment que le comte de Dampierre trouve la mort au milieu de ses hommes.
Le 8 février 1871, les élections donnent la majorité aux conservateurs favorables à la cessation de la guerre. Adolphe Thiers ouvre les préliminaires de paix à Versailles. La France perd l’Alsace et la Lorraine, et doit payer 5 milliards de francs or d’indemnités. En gage, l’est de la France est entièrement occupé. Il le sera jusqu’en 1873.
Le 1er mars 1871, les Prussiens entrent dans Paris.
Sources :
· Ville de Bagneux : www.bagneux92.fr
· Henri Guillemin, Cette curieuse guerre de 1870, Gallimard, 1956.
· Pierre Milza, L’année terrible – La guerre franco-prussienne, septembre 1870-mars 1871, Perrin, 2009.
· Pierre Miquel, La Troisième République, Fayard, 1989 ; Le Second Empire, Plon, 1992.