De Colombes à la Victoire : souvenirs du sergent Mias.

Publié le 14 Juillet 2012

 
SGT-MIAS-2
1945 : le sergent Mias en tenue de combat.
 
« Période de guerre, la France était occupée, la vie était difficile pour la grande majorité de nos compatriotes. Heureusement, il restait l'espoir et beaucoup d'exaltation patriotique, notamment chez les jeunes.
C'est ainsi, qu'après un scoutisme semi clandestin (interdit par l'occupant) et une participation aux équipes d'urgence de la Croix Rouge lors des bombardements, je me suis dirigé tout naturellement vers un Groupe FFI de Colombes, du mouvement MNPGD, dirigé par le commandant Favart, dit "Roger-Colombes", ce qui m'a permis de prendre part à la libération de Paris et de Colombes. Mais la tâche n'était pas terminée pour autant.
Après une démarche infructueuse en direction de la 2ème DB du général Leclerc, j'ai rejoint, début septembre 1944, avec une quarantaine de camarades FFI, dont Clouet, Decan, Entringer, Mouttet et bien d'autres, une unité FFI en formation : le Bataillon 12/22 "LIBERTE", au château de Madrid, à l'orée du Bois de Boulogne, à Neuilly. Ce Bataillon du Mouvement MNPGD était commandé par le colonel Patrice (Pelat) et le commandant Champarneau. Il était composé de volontaires issus des FFI de la Région parisienne.
 
L'entraînement était intensif dans le Bois de Boulogne, mais en contrepartie, il y avait également les gardes statiques de points sensibles à Paris et en banlieue. Nous ne pouvions nous satisfaire longtemps de cette inaction ; nous ne nous étions pas engagés pour rester l'arme au pied.
 
Aussi, avons-nous, un peu, forcé le destin. Un premier groupe est parti vers les Commandos d'Afrique du colonel Bouvet, un autre à la Brigade "Alsace-Lorraine" du colonel Berger (Malraux), au moment de la Campagne d'Alsace de la 1ère Armée du général de Lattre de Tassigny.
 
Le mien a quitté la Caserne Dupleix, avec 3 jours de vivres, pour se diriger sur la 1ère Demi-brigade de Chasseurs de Lorraine du colonel Pochard, pendant la Campagne de Lorraine de la 3ème Armée US du général Patton, au sein du "Corps d'Armée fantôme" du général Walker, le 20ème CA-US.
 
Le reste du Bataillon a rejoint le front de l'Atlantique, dans le cadre du Détachement d'Armée de l'Atlantique du général de Larminat, devant les poches de Royan, La Rochelle et Pointe-de-Grave. C'est ainsi qu'éclata dans plusieurs directions le Bataillon de Marche 12/22.
 
Mais bien que dispersés, ses éléments allèrent tous, avec le même esprit, vers un seul but : la Victoire !
En ce qui me concerne, j'étais devenu chasseur à pied, à la 1ère Demi-brigade, qui se composait des 8ème BCP du commandant Pugliesi-Conti, 16ème BCP du commandant Aubry et 30ème BCP du commandant du Pavillon. Incorporé au 16 (mais détaché au 8 pendant une certaine période), je me suis fondu, avec notre groupe de Parisiens, dans le noyau de base du Bataillon, composé de maquisards de l'Aube.
Ensuite, des Lorrains sont venus nous rejoindre. Nous avons débarqué à Hayange, devant Metz, après un parcours sinueux. Nos patrouilles s'infiltrent avec les Américains entre les forts et pénètrent dans la ville. Celle du sous-lieutenant Hugel, du 16ème, parvient au Palais du Gouverneur et le chasseur Weltz hisse le drapeau tricolore sur l'édifice. Petit à petit, Metz est libérée, bien que des coups de feu claquent encore dans les rues et que la ceinture des forts résiste toujours.
 
Nous montons en soutien à Fort-Moselle, puis nous partons à Marange, en position. Retour impromptu à Metz, pour participer à une revue et à un défilé devant les généraux de Gaulle, Giraud, Juin et Dody (ce dernier : Gouverneur Militaire de Metz) et Monsieur Diethelm, ministre de la Guerre.
 
  SGT-MIAS-7
 

Après cet intermède, nous montons sur Saint-Avold, puis sur Freyming et Merlebach pour prendre possession des mines de charbon, avant un éventuel sabotage des Allemands, en retraite. Pour cette mission, trois détachements sont formés. Celui du 16ème BCP du sous-lieutenant Quintrand passe le premier, suivi par celui du 30ème BCP et celui du 8ème BCP.

 

Avec les GI'S de la 80ème DI-US, nous occupons Freyming et Merlebach. Nous déplorons hélas, la perte du médecin auxiliaire, tué à Merlebach, alors que l'ennemi occupe toujours Forbach et y restera jusqu'en mars 1945. Suite à changement de secteur, nous sommes passés en revue par les généraux américains : Patton, Walker, et français : Koeltz et Dody, le 11 mars 1945 à Luxembourg (au Grand Duché).

Puis, retour en position de soutien, à Vaudoncourt, où l'aspirant de Saulnay est tué. Nous déplorons également la mort du sergent Clouet, à Varize. Peu après, le sous-lieutenant Quintrand est tué avec deux chasseurs en franchissant la frontière allemande.

 

En ce qui me concerne, je pénètre en Sarre avec le 8ème BCP et la 3ème DI.US, jusqu'à Merzig - trois blessés graves chez nous et un américain - attaque de harcèlement de notre cantonnement. Après cette mission, je retrouve mon 16ème à Baumholder où nous participons au nettoyage de la région et faisons des prisonniers. Le sergent Thibaut est blessé. Pendant que les Américains vont faire leur jonction avec les Russes, nous restons en Rhénanie, conformément aux ordres reçus, dans le but d’intégrer une nouvelle division : la 2ème DB. Mais les combats cesseront avant. Le 8 Mai 1945, c'est la Victoire !

 

Quelle a été notre vie pendant cette période ? Celle de tous les Combattants : progressions, coups durs, patrouilles, défense de positions, repos, changements de secteur, des joies, des peines, des moments de cafard, de peur, dont on parle rarement, mais aussi des instants exaltants, malgré la crainte des mines et des gardes statiques de nuit, seul à veiller sur la vie des copains qui dorment. A ce propos, je me souviens d'une nuit, sur les bords de la Nied gelée, dans mon "trou Gamelin" au FM, avoir été alerté par des craquements répétés et à force de fixation dans le noir, avoir cru discerner des ombres en mouvement, à l'abri des saules bordant la rivière.

 

Patrouille ennemie et risque de jets de grenades ? Faut-il effectuer un tir d'interception, peut-être prématuré, ou observer encore ? Moments intenses d'anxiété, se terminant fort heureusement, dans le cas présent, par un constat risible : la glace craquait suivant les variations de température.

Il est vrai que l'hiver 1944/45 fut particulièrement rude, la neige dépassait 60 centimètres et le thermomètre marquait -15 à -20° en Lorraine et en Alsace ; nous ne le savions pas, faute de thermomètre. Cette situation climatique difficile et les circonstances nous obligeaient un jour, à faire du café avec de la neige fondue dans le casque lourd, par manque d'eau.

 

Il me reste en souvenir être resté 25 jours équipé, sans pouvoir me dévêtir, même la nuit, lors des périodes de repos sur la paille humide, afin de ne pas se laisser surprendre.

Puis, vint le dégel et la boue, et d'autres problèmes. Une seule chose était immuable : les repas froids des "fameuses" rations.

 

Au milieu de ces épreuves, une grande camaraderie, un partage fraternel, une amicale solidarité et une grande cohésion régnaient, sans doute engendrés par les joies, les peines, les efforts consentis ensemble et les risques encourus. De cette période subsistent des amitiés durables.

Puis vint la récompense, une sorte d'apothéose : le Défilé de la Victoire, du 18 Juin 1945, sur les Champs-Elysées, à Paris, où chaque Unité Combattante était représentée.

Hommage suprême, nous sommes passés sous l'Arc de Triomphe, comme nos Pères, les Poilus, en 1919.

 

Ensuite, nous sommes allés porter le légendaire béret des Chasseurs sur les rives allemandes de la Moselle, en occupation, de Trèves à Coblence, en passant par Bernkastel, Wittlich et Cochem, comme infanterie portée de la 2ème DB du général de Langlade, ce qui m'a permis de retrouver trace de camarades du Bataillon 12/22 "Liberté" à Diez-Oranienstein (près de Limbourg), incorporés au 46ème RI. - Régiment de La Tour d'Auvergne (10ème DI du général Billotte), qui tiendra garnison jusqu'en 1994, à Berlin et sera prochainement recréé comme régiment de Réserve au Fort de Vincennes. La boucle était bouclée.

 

En ce cinquantenaire, chacun se remémore sa petite expérience personnelle et doit penser intensément à nos glorieux Morts pour que vive la France. C'est la noble tâche permanente du Souvenir Français. Rejoignez-nous, pour perpétuer leur souvenir ».

 

 

Claude MIAS

Vice-Président du Comité de Colombes du Souvenir Français


SGT-MIAS

 

 

NDLR : ces souvenirs ont été écrits en 1995 ; la Délégation générale du Souvenir Français des Hauts-de-Seine remercie le lieutenant-colonel Patrice Fichet, président du Comité de Colombes, pour nous avoir permis de diffuser cet article.