De Colombes à la Victoire : souvenirs du sergent Mias.
Publié le 14 Juillet 2012
Après cet intermède, nous montons sur Saint-Avold, puis sur Freyming et Merlebach pour prendre possession des mines de charbon, avant un éventuel sabotage des Allemands, en retraite. Pour cette mission, trois détachements sont formés. Celui du 16ème BCP du sous-lieutenant Quintrand passe le premier, suivi par celui du 30ème BCP et celui du 8ème BCP.
Avec les GI'S de la 80ème DI-US, nous occupons Freyming et Merlebach. Nous déplorons hélas, la perte du médecin auxiliaire, tué à Merlebach, alors que l'ennemi occupe toujours Forbach et y restera jusqu'en mars 1945. Suite à changement de secteur, nous sommes passés en revue par les généraux américains : Patton, Walker, et français : Koeltz et Dody, le 11 mars 1945 à Luxembourg (au Grand Duché).
Puis, retour en position de soutien, à Vaudoncourt, où l'aspirant de Saulnay est tué. Nous déplorons également la mort du sergent Clouet, à Varize. Peu après, le sous-lieutenant Quintrand est tué avec deux chasseurs en franchissant la frontière allemande.
En ce qui me concerne, je pénètre en Sarre avec le 8ème BCP et la 3ème DI.US, jusqu'à Merzig - trois blessés graves chez nous et un américain - attaque de harcèlement de notre cantonnement. Après cette mission, je retrouve mon 16ème à Baumholder où nous participons au nettoyage de la région et faisons des prisonniers. Le sergent Thibaut est blessé. Pendant que les Américains vont faire leur jonction avec les Russes, nous restons en Rhénanie, conformément aux ordres reçus, dans le but d’intégrer une nouvelle division : la 2ème DB. Mais les combats cesseront avant. Le 8 Mai 1945, c'est la Victoire !
Quelle a été notre vie pendant cette période ? Celle de tous les Combattants : progressions, coups durs, patrouilles, défense de positions, repos, changements de secteur, des joies, des peines, des moments de cafard, de peur, dont on parle rarement, mais aussi des instants exaltants, malgré la crainte des mines et des gardes statiques de nuit, seul à veiller sur la vie des copains qui dorment. A ce propos, je me souviens d'une nuit, sur les bords de la Nied gelée, dans mon "trou Gamelin" au FM, avoir été alerté par des craquements répétés et à force de fixation dans le noir, avoir cru discerner des ombres en mouvement, à l'abri des saules bordant la rivière.
Patrouille ennemie et risque de jets de grenades ? Faut-il effectuer un tir d'interception, peut-être prématuré, ou observer encore ? Moments intenses d'anxiété, se terminant fort heureusement, dans le cas présent, par un constat risible : la glace craquait suivant les variations de température.
Il est vrai que l'hiver 1944/45 fut particulièrement rude, la neige dépassait 60 centimètres et le thermomètre marquait -15 à -20° en Lorraine et en Alsace ; nous ne le savions pas, faute de thermomètre. Cette situation climatique difficile et les circonstances nous obligeaient un jour, à faire du café avec de la neige fondue dans le casque lourd, par manque d'eau.
Il me reste en souvenir être resté 25 jours équipé, sans pouvoir me dévêtir, même la nuit, lors des périodes de repos sur la paille humide, afin de ne pas se laisser surprendre.
Puis, vint le dégel et la boue, et d'autres problèmes. Une seule chose était immuable : les repas froids des "fameuses" rations.
Au milieu de ces épreuves, une grande camaraderie, un partage fraternel, une amicale solidarité et une grande cohésion régnaient, sans doute engendrés par les joies, les peines, les efforts consentis ensemble et les risques encourus. De cette période subsistent des amitiés durables.
Puis vint la récompense, une sorte d'apothéose : le Défilé de la Victoire, du 18 Juin 1945, sur les Champs-Elysées, à Paris, où chaque Unité Combattante était représentée.
Hommage suprême, nous sommes passés sous l'Arc de Triomphe, comme nos Pères, les Poilus, en 1919.
Ensuite, nous sommes allés porter le légendaire béret des Chasseurs sur les rives allemandes de la Moselle, en occupation, de Trèves à Coblence, en passant par Bernkastel, Wittlich et Cochem, comme infanterie portée de la 2ème DB du général de Langlade, ce qui m'a permis de retrouver trace de camarades du Bataillon 12/22 "Liberté" à Diez-Oranienstein (près de Limbourg), incorporés au 46ème RI. - Régiment de La Tour d'Auvergne (10ème DI du général Billotte), qui tiendra garnison jusqu'en 1994, à Berlin et sera prochainement recréé comme régiment de Réserve au Fort de Vincennes. La boucle était bouclée.
En ce cinquantenaire, chacun se remémore sa petite expérience personnelle et doit penser intensément à nos glorieux Morts pour que vive la France. C'est la noble tâche permanente du Souvenir Français. Rejoignez-nous, pour perpétuer leur souvenir ».
Claude MIAS
Vice-Président du Comité de Colombes du Souvenir Français
NDLR : ces souvenirs ont été écrits en 1995 ; la Délégation générale du Souvenir Français des Hauts-de-Seine remercie le lieutenant-colonel Patrice Fichet, président du Comité de Colombes, pour nous avoir permis de diffuser cet article.