En plongée avec les légionnaires du 1er REG.
Publié le 2 Février 2014
Est-ce le ciel assombri par de sombres nuages menaçants ?
C’était le 5 décembre 2013, température fraîche, de la neige visible sur des sommets, je faisais route vers « Le Bourget-du-Lac » (73) pour rejoindre une équipe de Légionnaires-plongeurs du 1er REG. Je me suis alors souvenu de la légende de Sainte-Barbe, vers l’an 230. Barbe la fille d’un riche seigneur fut enfermée dans une tour tandis que son père partait en expédition. A son retour son père découvrit que sa fille s’était convertie au christianisme et tenta en vain de lui faire renoncer à sa foi. Jugée, torturée, condamnée à mort, Barbe eut la tête tranchée par son père qui avait tenu à être le bourreau pour accomplir cette immonde besogne. Mal lui en a pris car il fut frappé immédiatement par la foudre qui réduisit son corps en cendres et précipita son âme en enfer. Sainte-Barbe s’était révélée puissance de feu et devint la patronne de tous ceux qui présents et à venir manieraient la poudre ou les explosifs…
Sainte-Barbe patronne de l’arme du Génie fêtée comme il se doit à la Légion étrangère en associant l’image du légionnaire combattant et celle du légionnaire sapeur. Grandeur des soldats et bâtisseurs un état d’esprit résumé par l’exécution d’un ordre célèbre au Maroc à la fin du XIXème siècle pour creuser un tunnel : « La montagne barrait la route. L’ordre fut donné de passer. La légion l’exécute ! ». Au Bourget-du-Lac en ce mois de décembre pas de tunnel à creuser mais un site naturel propice à des entraînements pour des « Plongeurs de Combat du Génie » (PCG) pour des Légionnaires-plongeurs du 1er REG.
Les « PCG » sont les plongeurs de l’Armée de terre française autrefois appelés « SAF » (Spécialistes de l’Aide au Franchissement) puis « PAT » (Plongeurs de l’Armée de Terre). A leur création, leur mission principale était l’aide au franchissement des véhicules blindés. Ils sont toujours formés et entraînés à la reconnaissance des berges et des zones de franchissement possibles et en se tournant vers les interventions offensives. Les « PCG » évoluent dans les milieux d’eau douce, lacs, fleuves, rivières, étangs, réseaux souterrains inondés, etc… Evoluer en milieu difficile avec de l’eau froide, turbide, du courant peu ou pas de visibilité, de jour comme la nuit, nécessite une compétence technique et une condition physique irréprochable. Le légionnaire est avant tout un combattant avant d’être un spécialiste et donc apte à remplir des missions militaires classiques comme celles qui exigent des savoirs faire reconnus dans le domaine de l’amphibie. Une mission amphibie est exigeante, délicate pour combiner les difficultés du milieu maritime, aérien et terrestre. Maîtriser l’environnement pour garantir la sécurité des forces engagées et la coordination des manœuvres parfois dans un cadre international sous commandement de la Marine Nationale pendant la phase de débarquement. Appréhender les conditions météorologiques est essentiel pour la réussite d’une action amphibie.
Pour percer un dispositif ennemi au meilleur endroit et au meilleur moment il faut tenir compte de multiples paramètres tactiques et terrestres en exploitant les atouts d’une force amphibie : furtivité, mobilité, endurance et puissance de feu en synergie avec les moyens terrestres à débarquer sur une côte défendue mais reconnue car contrôlée et préparée par l’action de forces avancées le renseignement est initié en amont par les FS (Forces Spéciales). Commandos marine et plongeurs démineurs, spécialistes de la guerre des mines planifient et conduisent des raids nocturnes de reconnaissance offensive pour donner au Commandant du groupe amphibie une solution de débarquement tout en préservant un effet de surprise capital pour la suite des opérations et la conquête des objectifs.
Commandos marine, nageurs de combat, membres des forces spéciales, spécialistes de la guerre des mines, renforts souhaitables de « PGC » de l’Armée de terre, ils participent tous lors d’opérations amphibies à des actions de forces avancées, à la lutte contre les mines pour renseigner, reconnaître des itinéraires pour atteindre des points clefs, déminer, neutraliser des défenses, réussir les missions assignées par l’Etat-Major… La plongée est un vecteur pour accomplir la mission assignée aux Légionnaires-plongeurs du 1er REG. Les PGC peuvent jouer un rôle d’interface pour collecter les renseignements au sein des Forces avancées avec une mission de transmission des renseignements au commandement des opérations pour faciliter la prise de décision stratégique au bon moment.
Le savoir faire dans l’ amphibie devient de plus en plus important au vu d’interventions pouvant être menées sur des côtes pour évacuer des ressortissants, débarquer en premier, participer à l’action de forces avancées à plusieurs composantes… En matière de combat en zone urbaine les capacités du génie participent à l’action des appuis pour réussir des opérations quelque soit le contexte offensif ou défensif en apportant une réponse à la question de la vitesse de mise en œuvre et de la réactivité des forces interarmes : ouverture de portes, mise en œuvre d’explosifs, déminage, ouverture de brèches d’itinéraires… Le 1er REG au sein de la 6e Brigade Légère Blindée (BLB) – Brigade à vocation amphibie – conduit par ailleurs l’expérimentation de la numérisation de l’espace de bataille pour le génie : intranet tactique, communication de manière optimale l’ensemble des systèmes d’informations entre eux…
Laissons les défis technologiques relevés par le 1er REG pour revenir à la plongée militaire et aux cursus « Plongeurs de Combat du Génie » de l’Armée de terre. Le CTE (Certificat Technique Elémentaire) de « Plongeur de Combat du Génie » (PGC) donne par divers modules de stage une formation permettant d’exercer un rôle de plongeur de combat en quartier comme en opération associant pratique intensive à théorie détaillée. C’est une formation obligatoire pour les officiers, sous-officiers militaires du rang pour des volontaires aptes médicalement et…parachutistes. La formation « Spécialiste des techniques subaquatiques » a pour but de former de jeunes plongeurs sortant de la formation de base à la plongée militaire en eaux intérieures (AIRBASE 40).
La formation « Réseaux suburbains » a pour but de former les plongeurs de l’armée de terre à réaliser des missions d’appui en zone urbaine et elle est ouverte aux brevetés « STS » (Spécialiste Technique Subaquatique) donnant ainsi une qualification pour évoluer en réseau suburbain.
La formation « Chef d’équipe Plongeurs de l’Armée de Terre » (PAT) a pour but de former des officiers et des sous-officiers plongeurs de l’armée de terre qualifiés TECHPAT au commandement d’une équipe de plongeurs dans le cadre des missions communes des PAT.
La formation « Directeur de plongée » a pour but de former les responsables plongeurs de l’armée de terre à la direction des activités nautiques pour la partie sécurité. Elle est ouverte aux officiers qualifiés STS ou sous-officiers BSTAT et qualifiés STS.
La formation « Reconnaissance à l’oxygène » ou module de formation de « chef de mission de plongée à l’oxygène » a pour but de donner aux officiers et sous-officiers une formation leur permettant de diriger un groupe de plongeurs à l’oxygène engagés dans une mission de type intervention offensive en totale discrétion, dans la frange des contacts. Elle est ouverte aux officiers qualifiés STS ou sous-officiers qualifiés STS.
Notons que pour les sous-officiers des spécialisations supplémentaires sont ouvertes dans d’autres cursus :
- CT1 plongeur de combat du génie : formation des sous-officiers au commandement d’une équipe de plongeurs dans le cadre de toutes leurs missions en opération.
- FS2 plongeur de combat du génie : formation permettant d’exercer un rôle de directeur de plongée et de chef de détachement au quartier comme en opérations.
- Dépollution subaquatique : il s’agit d’un stage ayant pour but de donner aux plongeurs de combat du génie (PGC) une formation leur permettant d’éliminer les munitions immergées en opération.
- OXYBASE : Pour les spécialistes militaires de travaux subaquatiques : formation aux recycleurs (appareils à circuit fermé) dans le cadre d’une infiltration subaquatique, en toute sécurité.
Les PCG utilisent le matériel en service au sein de l’armée française, ainsi que divers matériels spécifiques : kayaks, recycleurs à O2 à circuit fermé pour la discrétion dans l’approche tactique, pistolets mitrailleurs HK MP5, MINI UZI avec modérateur de son en arme d’auto défense pour les PAT, lot de rappel hélicoptère et lot d’escalade permettant des franchissements verticaux sur des ouvrages d’art ou en suburbain…
Mais avant de suivre les différents cursus il faut au préalable suivre volontairement une formation élémentaire qui se déroule à l’Ecole de Plongée de la Marine Nationale - BCRM TOULON - à Saint-Mandrier (83).
Un candidat apte médicalement et apte à la plongée, breveté parachutiste après la réussite de tests de sélection va pouvoir suivre une formation « plongeur de bord » puis une formation de « travaux sous-marins », un stage de spécialiste de techniques subaquatiques (STS), des modules Tech PAT et Tech PCG (Techniques plongeurs de l’armée de terre - Techniques plongeurs de combat du génie). Un PCG (Plongeur de Combat du Génie) peut servir en tant que PCG dans les régiments du génie mais aussi en tant que PAT (Plongeur de l’Armée de Terre) dans les régiments des forces spéciales.
Signalons que la Division Formation Plongeurs (DFP) à l’ESAG (Ecole Supérieure et d’Application du Génie) d’Angers dispensait un stage de qualification Intervention Offensive (plongée à l’oxygène) pour développer un savoir-faire en reconnaissance de zone à différentes profondeurs et en réseaux suburbains et exfiltration en toute discrétion. Le stage en Intervention Offensive (I.O) pour enseigner la technique et la maîtrise parfaite de l’appareil 02 en circuit fermé se déroule à l’Ecole de Plongée de la Marine Nationale.
Au sein du Génie la formation militaire à la plongée « réseaux suburbains » est propice à des échanges avec d’autres armées en Europe compte tenu de la maîtrise reconnue des plongeurs de l’armée de terre formés au combat en zone urbaine. Rappelons que les plongeurs de l’armée de terre participent à de nombreuses missions. L’intervention offensive : c’est le cœur du métier et le plus dur. Après une infiltration en zone hostile à l’aide de « FROGS » (appareil de respiration à l’O2 en circuit fermé) ils doivent être en mesure, en toute discrétion, de réaliser des destructions d’infrastructures, le minage et le déminage de sites aquatiques. L’Aide au déploiement : mission typique du génie, les plongeurs effectuent toute une série de travaux subaquatiques comme la soudure, le découpage ou encore le sciage. Ils sont capables, également de dégager des obstacles par utilisation d’explosifs. L’Aide au franchissement : ils assurent la formation des équipages dans l’apprentissage du franchissement amphibie ou submersibles. Ils assurent la reconnaissance des berges ainsi que la sécurité pendant le franchissement. Faire face à des missions de type : attaque et destruction d’objectifs fluviaux et/ou terrestres, reconnaissances et renseignements dans la profondeur, actions commando par voie aquatique, assaut de réseaux souterrains en zone urbaine, débarquement de force amphibie, mobilité, intervention sur objectif, évacuation de ressortissants, assistance à la force, missions du service public, missions en protection et en défense civile lors d’opérations intérieures…
Depuis sa création le 1er REG a été engagé sur tous les territoires se forgeant une solide expérience opérationnelle. Le monde est complexe, surprenant et versatile et de nouvelles menaces exigent des adaptations pour des forces militaires qui s’efforcent d’aller de l’avant. Les Légionnaires sont volontaires pour servir la France avec honneur et fidélité. Chaque légionnaire est un frère d’armes, quelle que soit sa nationalité, sa race ou sa religion. En manifestant toujours à son frère d’armes la solidarité étroite qui doit unir les membres d’une même famille le légionnaire sait que la mission est sacrée qu’il lui faut l’exécuter jusqu’au bout et, s’il le faut, en opérations au péril de sa vie. Cela résume l’esprit de la Légion étrangère, institution et société militaire d’exception. En son sein se côtoient des héros et des oubliés de l’Histoire : c’est un univers modèle d’intégration. A la Légion, il est interdit d’interroger un homme sur son passé. L’engagement est à cette condition. C’est un pacte, comme celui qui lie un prêtre au pénitent. On oublie tout, pour pouvoir tout exiger. Le secret est une possibilité acceptée, une condition de la liberté avec l’effacement proposé pour une autre histoire, une autre vie au service de la France. Les « Français par le sang versé » ne vivent que pour leurs idéaux…
Jean de Saint-Victor de Saint-Blancard (cet article a été publié dans la revue Plongée Octopus).
Remerciements :
Monsieur Jean Yves Le Drian - Ministre de la Défense - Le SIRPA Terre – Monsieur le général de division Christophe de Saint-Chamas – Monsieur le commandant la Légion étrangère – Monsieur l’Officier presse de la DCILE – Relations médias-presse – Monsieur le Colonel Coulet, Chef de corps du 1er REG – Monsieur l’Officier de communication du 1er REG – Monsieur le Capitaine de Frégate Frédéric Morio, commandant l’Ecole de Plongée de la Marine Nationale - BCRM Toulon - http://www.defense.gouv.fr/marine - Monsieur le Lieutenant-colonel Pascal Jeanmougin - Monsieur le Chef du Département Eaux Intérieures - Ecole de Plongée de la Marine Nationale Saint-Mandrier / Angers.
Tous les Légionnaires rencontrés au Bourget-du-Lac (73) les 5 & 6 décembre 2013 et à l’Ecole de Plongée de la Marine Nationale les 21 & 22 janvier 2014 sans oublier les Instructeurs du Département Eaux intérieures - Ecole de Plongée de la Marine Nationale - BCRM Toulon.