Publié le 18 Janvier 2015

Ceux qui font la guerre, et ceux qui la remportent...

 

 

 

De « l’espion aux pieds palmés » au mercenaire en Afrique.

 

Novembre 2013 – Salons du gouverneur militaire de Paris : à l’invitation de Monsieur le général Hervé Charpentier, gouverneur militaire de Paris, nous nous rendons à l’après-midi du livre de l’association des Ecrivains-Combattants. Nous y rencontrons un personnage haut en couleurs et charismatique : Robert, dit Bob, Maloubier.

 

Né à Neuilly-sur-Seine en 1923, Robert Maloubier commence son expérience militaire en 1940, en s’enrôlant dans l’armée d’armistice, créée après l’effondrement de la France face à l’Allemagne hitlérienne. Attaché à l’armée de l’air, on l’envoie à Bizerte où sa mission consiste à surveiller la base aérienne. Deux années plus tard, alors que se profile le débarquement allié en Afrique du Nord, Maloubier, qui a passé sa jeunesse aux Etats-Unis et en a conservé une bonne pratique de la langue, est recruté comme espion par les services secrets britanniques. Après une formation commando et à la guérilla en Angleterre, il est parachuté en France pour organiser des missions de sabotage puis former des maquisards au maniement des armes, comme dans le Limousin mi-1944. A plusieurs reprises, il se sort miraculeusement de situations où d’aucun aurait abdiqué ou ne serait pas rentré vivant…

 

Général de Gaulle : « Capitaine Maloubier Robert, répondant à l’appel de la France en péril de mort, vous avez rallié les Forces Françaises Libres. Vous avez été de l’équipe volontaire des bons Compagnons qui ont maintenu notre pays dans la guerre et dans l’honneur. Vous avez été de ceux qui, au premier rang, lui ont permis de remporter la Victoire ! Au moment où le but est atteint, je tiens à vous remercier amicalement, simplement, au nom de la France ! »

 

Après la Seconde Guerre mondiale, il rejoint la Force 136 et reste plus d’une année en Indochine. De retour en France, il participe à la création des services secrets français puis des premières unités de nageurs de combat. Pendant près de quinze, il se donne corps et âme au service de la France. Mais il est dans ces métiers à hauts risques des amitiés qui sont parfois à réprouver, même si la République, sur le coup, s’en accommode très bien. Bob Maloubier entame alors une nouvelle carrière, en Afrique, au service de compagnies pétrolières comme la Shell puis Elf où il terminera sa carrière. En parallèle de ses activités, il ne rechigne pas à donner parfois des coups de mains à Jacques Foccart, le « Monsieur Afrique » sous les présidences du général de Gaulle et de Georges Pompidou.

 

Retiré des affaires, il se lance dans l’écriture et participe à de nombreux débats et émissions télévisées.

 

Bob Maloubier est chevalier de la Légion d’honneur, Croix de guerre 39-45, médaillé de la Résistance, des Evadés, de la  coloniale agrafe « Extrême Orient », de la France Libre, des blessés militaires. En outre, il a reçu de nombreuses distinctions au Royaume-Uni ainsi qu’au Laos. En 2014, il a reçu des mains de Sa Majesté la reine Elisabeth l’ordre de l’Empire britannique.

 

La Force 136.

 

Revenons à la fin de la Seconde Guerre mondiale. En Indochine, le Gouvernement de Vichy est en pleine déconfiture : le coup de force des Japonais a sapé ce qui restait de l’autorité de l’Etat français. Des places sont à prendre. Les communistes et les indépendantistes n’ont pas tardé à se manifester. De plus, faisant fi de l’autorité française, en 1942, l’état-major allié (dominé par les Américains) décide du partage du Vietnam en deux zones d’influence : au nord les Chinois de Tchang-Kai-Chek auront à désarmer les Japonais, quand les Anglais s’en occuperont au sud du 16e parallèle.

 

Il convient pour le Gouvernement provisoire de la République française et son chef, le général de Gaulle, de restaurer la France dans ses prérogatives. Pour se faire, il va utiliser plusieurs moyens : il faut d’un côté monter un corps expéditionnaire. Mais cela prend du temps, aussi bien pour l’équiper que pour l’acheminer. Deuxième axe : le 24 mars 1945 ; Il envoie trois représentants de Gouvernement provisoire de la République : Pierre Mesmer, Jean Sainteny et Paul Mus. Les deux premiers sont faits prisonnier. Ils réchapperont par miracle des Japonais et des communistes. Paul Mus réussit à se réfugier au Yunnan, en Chine.

 

Troisième élément : la Force 136. Il s’agit d’une unité des Opérations spéciales des Services secrets de Grande-Bretagne (Special Operations Executive). Créée en 1941, elle a pour but d’appliquer en Asie la tactique qui réussit en Europe : former des soldats d’élite qui encadreront des maquis locaux pour organiser la guérilla et les actions de sabotage contre l’ennemi japonais. Les soldats de la Force 136 permettent donc non seulement une reconnaissance des groupes de résistance, mais aussi servent de liaison avec les forces alliées (anglaises, françaises, américaines) pour recevoir les équipements, les armes et les munitions. Dès sa création la Force 136 est composée non seulement d’Anglais, mais aussi de nombreux étrangers. Parmi les Français, on compte le colonel Jean Sassi, qui sera l’un de ses meilleurs éléments, Pierre Boulle (qui plus tard écrira Le Pont sur la rivière Kwaï), Jean Deuve, Jean Le Morillon et bien entendu Bob Maloubier.

 

Jean Sassi : « La Force 136 a été montée en Angleterre, mais nous sommes rapidement partis pour Ceylan où des instructeurs nous ont formé à la survie et au combat dans la jungle. Très difficile de se battre dans la jungle : vous n’y voyez rien ! Nos instructeurs avaient combattu contre les Japonais en Birmanie et nous montraient des trucs indispensables. Même chose pour leurs homologues indiens, qui connaissaient tout de la faune et de la flore. Ils nous montraient comment grimper aux arbres les plus hauts. En brousse, si on veut observer et surveiller le terrain, il faut se hisser au-dessus de la canopée, sur les cimes ».

 

En Malaisie, la Force 136 se révèle redoutable à partir de 1943 : profitant de la chute de Singapour, des Chinois se fédèrent pour combattre les Japonais. Les Anglais envoient plus de 30 commandos pour infiltrer les groupes ennemis. Les équipes sont composées de militaires britanniques et d’agents chinois. Cette stratégie s’avère payante : en 1945, la défaite nippone doit beaucoup aux actions de groupes gérés par la Force 136. Elle se voit d’ailleurs décerner fin 1945 la Malayan Command Service and Burmese Medal. Mais l’année suivante, les commandos sont démobilisés.

 

En Indochine, la tactique est la même. Bob Maloubier est parachuté au Laos en 1945. Il doit rejoindre la résistance locale mais est rapidement blessé dans des échanges de tirs contre les Japonais. Jean Sassi : « Maloubier tirait depuis sa fenêtre. Il s’est retourné vers moi : « Je suis touché ». Sa chemise était ensanglantée. Mais il restait debout. Je me suis approché de lui, j’ai dégrafé sa chemise, touché la plaie, senti une protubérance : en fait, la balle avait dû ricocher avant de le toucher et avait été stoppée au niveau du sternum. Je la lui ai retirée avec les doigts. Quand il l’a vue, il s’est évanoui. Pas longtemps : Maloubier n’était pas une fillette. Il avait été laissé pour mort pendant le débarquement de Normandie et un projectile allemand se promenait toujours quelque part du côté de son cœur ».

 

Remis sur pied également grâce aux médecines locales, Bob Maloubier devient administrateur d’une province du Laos. Pour autant, les choses ne sont pas simples : au Laos, la Force 136 doit s’organiser pour combattre les Japonais, mais aussi les maquis communistes du Vietminh qui ont profité de l’offensive japonaise de mars 1945 pour récupérer les armes prises aux soldats français. Parfois, ils sont même aidés de commandos américains, à l’époque premiers supporters du Vietminh ! En fait, la Force 136 permet d’éviter le pire et d’attendre l’arrivée des premiers régiments du Contingent Français en Extrême-Orient. Ils débarquent à Saigon en septembre 1945. La reprise de l’Indochine française par une force armée digne de ce nom peut alors commencer.

 

Quand Bob Maloubier revient en métropole, il est convoqué par « Morlane », chef du Service Action dans les Services secrets français. L’entretien se déroule au siège de l’organisation :

 

-       Dis donc Maloubier, t’en as mis du temps pour rentrer !

-  Désolé commandant. J’avais des petits problèmes à régler. Des séquelles d’une balle japonaise par-ci, un paludisme à traiter par-là, des bises aux miens qui ne m’ont pas beaucoup vu en quatre ans…

-       C’est çà ! Et une douzaine de petites amies à réconforter…

 

 

 

Sources :

 

Encyclopédies Larousse, Universalis, Wikipedia.

Portrait de Bob Maloubier dans la revue Octopus, n°7 Avril-juin 2011.

Bob Maloubier, L’espion aux pieds palmés, Rocher, 2013.

Colonel Jean Sassi, Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes, Nimrod, 2009.

Remerciements spéciaux et amicaux à Jean de Saint-Victor de Saint-Blancard.

 

 

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