Publié le 27 Avril 2014

 

Tranchee de Calonne

 

Isabelle Moity-Legrand a eu une remarquable idée : placer dans un ouvrage destiné à sa famille et ses amis, les récits et lettres de trois de ses aïeux, trois « morts pour la France ». Il s’agit de Julien Sandrin (se reporter à l’article intitulé « La victoire de Coulmiers »), oncle de son grand-père, mort en 1871, de Joseph Legrand, son grand-père, mort lors de la Première Guerre mondiale et de son père, Raoul Legrand, mort en déportation à Buchenwald.

 

Cet ouvrage a été publié par les Editions Lacour, installées à Nîmes, en décembre 2010.

 

 

Les Eparges.

 

« Joseph Legrand nait le 15 février 1889 à Noyon, dans l’Oise, où réside sa famille. Après une scolarité picarde et un apprentissage effectué dans une imprimerie, Joseph devient typographe à Paris. Il épouse en 1913 Cécile Thiercelin, dont la famille est installée à Malakoff. Un fils, Raoul, nait de cette union le 15 mai 1914.

 

Au déclenchement de la guerre, Joseph est incorporé au 54ème régiment d’infanterie qui tient caserne à Compiègne. L’unité fait partie de la 12ème division d’infanterie et de la 23ème brigade. Elle participe à la prise de Mulhouse (perdue deux jours plus tard) puis retraite face à la poussée allemande. Du 5 au 12 septembre, Joseph contribue à la bataille de la Marne, puis à la « course à la mer ».

 

En 1915, le 54 est envoyé dans la Meuse, à la Tranchée de Calonne, qui doit son nom à Alexandre de Calonne, ministre de Louis XVI, qui fit cette route forestière pour desservir directement son château. Elle forme une ligne de vint-cinq kilomètres située à égale distance des villages de Mouilly, des Eparges et de Saint-Rémy-la-Calonne. Alain Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes, y a trouvé la mort le 22 septembre 1914.

 

En l’absence de son mari, Cécile s’occupe seule de son fils. En février 1915, le petit Raoul a neuf mois et se tient debout. Elle se fait photographier avec lui et envoie la photo à l’absent. Elle a le même air triste et résigné que toutes ces très jeunes femmes devenues, à cause de la guerre, chefs de famille malgré elles. En retour, elle en reçoit une de Joseph, dans la tranchée. Il a tracé une croix au crayon au-dessus de sa tête pour qu’on le reconnaisse sous son passe-montagne. Au verso de la photo, il a noté : « A mon petit gars, ce souvenir de la campagne 1914-15. Son papa qui l’aime très fort. Joseph ».

 

L’attaque sur les Eparges débute le 17 février par des sapes que font sauter les hommes du génie. Les premières positions allemandes sont facilement conquises par les 23ème et 24ème divisions. Mais la riposte ne se fait pas attendre. Dès le lendemain, les nouvelles positions françaises sont pilonnées par des milliers d’obus. Après près de trois heures d’un matraquage inouï de violence, ayant perdu une grande partie des officiers, les soldats français se retirent sur leurs positions initiales.

 

Un autre régiment se trouve tout à côté du 54. Il s’agit du 106ème RI, qui fait partie de la même division. Le 106 est resté célèbre, outre ses exploits, par le récit du grand écrivain Maurice Genevoix, futur secrétaire perpétuel de l’Académie française, et qui a raconté sa guerre dans Ceux de 14.

 

Maurice Genevoix : « Et toujours les obus pleuvaient. Les canons-révolvers de Combres démolissaient les parapets que nous refaisions, inlassables, avec les mêmes sacs à terre. Par crises, les gros arrivaient. Il en tombait cent, deux cents, qui ne faisaient point d’autre mal qu’ensevelir quelques hommes, vite dégagés. Mais tout d’un coup, il y en avait un qui trouvait la tranchée, et qui éclatait, en plein dedans : alors c’étaient les mêmes cris que naguère, les mêmes hommes qui couraient, ruisselants de sang frais et rouge ; et, tout autour de l’entonnoir brûlé, empli encore de fumée puante, les mêmes cadavres déchiquetés… Les autres restaient là, les jambes prises dans ce ruisseau lourd, profond, glacé, les jambes engourdies et mortes. »

 

Le 24 avril, une énième attaque allemande surprend le 54ème RI par sa rapidité et son intensité. Maurice Genevoix écrit : « Dans une des guitounes délabrées monte une voix : « Oui, les pièces sont perdues… Nous avons été surpris… par l’infanterie allemande, oui… Il a fallu se battre au mousqueton. Le capitaine a une balle dans la tête… Mes hommes ? Non, mon général, je suis seul… Si nous avons eu le temps de faire sauter les pièces ? Deux seulement : des grenades dans les tubes… ».

 

Le lendemain, alors qu’il s’apprête à sortir du boyau à la tête de sa compagnie, le lieutenant Genevoix reçoit deux balles au bras gauche et une troisième vient lui entailler le torse : « Il faut me lever, me traîner ailleurs… Est-ce Sansois qui parle ? Est-ce qu’on me porte ? Je n’ai pas perdu connaissance ; mon souffle fait un bruit étrange, un rauquement rapide et doux ; les cimes des arbres tournoient dans un ciel vertigineux, mêlé de rose et de vert tendres ». Puis le 26 avril, à quelques mètres de là, le soldat Joseph Legrand est tué à l’ennemi. Il avait 26 ans.

 

Maurice Genevoix : « Notre guerre… Vous et moi, quelques hommes, une centaine que j’ai connus. En est-il donc pour dire : « La guerre est ceci et cela » ? Ils disent qu’ils comprennent et qu’ils savent ; ils expliquent la guerre et la jaugent à la mesure de leurs débiles cerveaux.

 

On vous a tué, et c’est le plus grand des crimes. Vous avez donné votre vie, et vous êtes les plus malheureux. Je ne sais que cela, les gestes que nous avons faits, notre souffrance et notre gaîté, les mots que nous disions, les visages que nous avions parmi les autres visages, et votre mort.

 

Vous n’êtes guère plus d’une centaine, et votre foule m’apparaît effrayante, trop lourde, trop serrée pour moi seul. Combien de vos gestes passés aurai-je perdus, chaque demain, et de vos paroles vivantes, et de tout ce qui était vous ? Il ne me reste plus que moi, et l’image de vous que vous m’avez donnée.

 

 

Presque rien : trois sourires sur une toute petite photo, un vivant entre deux morts, la main posée sur leur épaule. Ils clignent des yeux, tous les trois, à cause du soleil printanier. Mais du soleil, sur la petite photo grise, que reste-t-il ? »

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Publié le 17 Avril 2014

 

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Les vendredi 4, samedi 5 et dimanche 6 avril 2014, s’est déroulé le congrès national du Souvenir Français.

 

Ce congrès a commencé le vendredi 3 avril par une cérémonie du culte israélite à la Maison Moadon, dans le 17e arrondissement de Paris. Il s’est poursuivi le lendemain par une session de travail dédiée aux Délégués généraux puis une seconde session ouverte aux présidents de comités et aux adhérents. Enfin, le dimanche, il s’est clôturé par une messe solennelle en l’église Saint-Louis des Invalides.

 

De nombreux sujets ont été abordés :

 

  • Présentation des rapports financier et moral.
  • Présentation du parrainage et des actions de communication entre le Souvenir Français et la Patrouille de France.
  • Indication sur les thèmes à venir concernant la communication, les objets publicitaires afin que chaque adhérent puisse porter les « couleurs » de l’association.
  • Création d’un nouveau site Internet.
  • Revitalisation de la Revue.
  • Présentation du nouveau logo (cela fera l’objet d’un futur article relatif aux explications de ce nouveau logo).
  • Nouvelle carte d’adhérent ; nouveau bulletin d’adhésion ; nouveaux diplômes…

 

Bien entendu, un hommage a été rendu aux adhérents, aux présidents et aux délégués généraux disparus cette année. Nous tenons une nouvelle fois à exprimer toute notre sympathie aux familles de Michel Leclercq, qui fut président du Comité de Châtillon et de Jean-Louis Monnin, qui lui fut président de Courbevoie.

 

Traditionnellement, le samedi soir a eu lieu le ravivage de la Flamme avec de très nombreux porte-drapeaux et une imposante délégation, qui a remonté les Champs-Elysées depuis la rue Balzac. Le général Bruno Dary, président du Comité de la Flamme, et le contrôleur général Delbauffe, président-général de notre association, en compagnie de Madame Anne Hidalgo, maire de Paris, ont procédé au ravivage de la Flamme du Soldat inconnu.

 

Retrouvez toutes les photographies du congrès national, dans l’album intitulé « 2014-04-05, congrès national » ; vous y verrez, entre autres, les délégations des comités des Hauts-de-Seine. Bonne visite !

 

 

 

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Publié le 15 Avril 2014

 

Rangoon 2

 

Il y a peu, le Délégué général du Souvenir Français pour la Chine et l’Asie, Monsieur Claude Jaeck, alors en mission professionnelle à Rangoon en Birmanie, découvrait avec étonnement la tombe d’un soldat français au beau milieu du cimetière militaire anglais de la ville.

 

Il s’agit du caporal Philibert Methia, du 10e RICM, mort pour la France le 27 octobre 1945 (parcelle 2 – Rangée A – Tombe n°4). Pourquoi un Français là ?

 

 

Une province de l’Empire des Indes.

 

En 1886, la Birmanie devient une province des Indes britanniques et sa capitale est Rangoon. Le pays se transforme en une société coloniale orientée vers son puissant voisin indien : les liens étroits entre le pouvoir civil et religieux, existants depuis des siècles, sont distendus ; l’agriculture, première économie locale, se tourne vers l’exportation et les élites se mettent à la langue anglaise. Les plus riches envoyant même leurs rejetons faire des études au Royaume-Uni. L’émancipation de 1937, avec la création d’une nouvelle constitution et une assemblée élue, distincte de l’Inde, permet de préserver une paix relative pendant quelques années. Bien entendu, comme dans chaque situation similaire, certains étudiants rentrés au pays tentent de monter des organisations de libération du joug colonial.

 

 

La Seconde Guerre mondiale.

 

Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les événements vont s’amplifier. En décembre 1941, les Japonais déclarent la guerre au Royaume-Uni. Dès le mois de janvier de l’année suivante, ils envahissent la Birmanie par le sud et expulsent les troupes anglo-indiennes qui s’y trouvent. Ces dernières reculent vers le nord et se réfugient en Chine ou en Inde. Les Japonais sont appuyés par les hommes d’Aung San, un nationaliste birman, qui a formé l’Armée pour l’indépendance birmane, avec l’appui logistique et financier de l’Empire du soleil levant. Comme en Indochine française, les Japonais cherchent à favoriser l’émancipation du peuple afin qu’il se retourne contre le colon européen.

 

Pour les Anglais, la défaite est cuisante : ils assistent, au fur et à mesure de leur retraite, à l’effondrement de leur administration birmane. De plus, à l’est, l’armée thaïlandaise pénètre en territoire birman et occupe en quelques semaines tout la partie orientale du pays. Les combats sont très meurtriers ; focalisés pendant la période sèche (hors du temps de la mousson), des milliers de villages sont entièrement détruits.

 

Les deux années suivantes sont particulièrement difficiles pour le Royaume-Uni : il doit défendre son île contre les bombardements nazis, entretenir la guerre au Moyen-Orient et en Afrique (Egypte, Territoires palestiniens, Syrie, Jordanie) et faire face à de nombreux soulèvements en Inde, qui connait une famine retentissante, notamment dans la province du Bengale. Avec l’aide d’observateurs et d’instructeurs américains (cette notion n’est donc pas récente…), les Anglo-indiens montent quelques opérations le long de la frontière birmane. Elles ont pour but de montrer que la guerre n’est pas terminée et d’entretenir la foi dans les combats pour les soldats.

 

Par ailleurs, pour affirmer que leurs hommes sont tout aussi capables que les Japonais de se battre dans la jungle, les Anglais envoient plusieurs milliers de commandos au cœur de la Birmanie afin d’y créer des situations de déstabilisation : dynamitage et destruction de ponts, de voies ferrées, attentats dans les villages et les villes, attaques surprises dans la jungle… Toutes ces opérations ne sont pas couronnées de succès, mais là encore, elles redonnent le moral aux hommes restés en Inde ou dans la Chine de Tchang Kaï-chek. Elles permettent aussi de démontrer une certaine insécurité : les Birmans ont bien souvent accueillis les Japonais en libérateurs. Au bout de quelques mois, ils s’aperçoivent que leur condition ne s’améliore pas forcément et qu’une insécurité permanente demeure, là où les Anglais faisaient régner un certain ordre.

 

A la fin de l’année 1943, les choses commencent à changer : avec un commandement nouveau et soudé autour de Lord Mountbatten (oncle du duc Philippe d’Edimbourg, futur époux de la reine Elisabeth II), commandant en chef des forces alliées en Asie du Sud-est, avec l’utilisation de moyens dus à la puissance industrielle et économique des Etats-Unis comme par exemple une aviation considérable, le cours de la guerre s’inverse réellement. De plus, les Anglais reçoivent l’appui d’unités chinoises (Force X et Force Y) et de commandos de plusieurs armées alliées (australiennes, néo-zélandaises…).

 

Les Japonais ne restent pas sans rien faire et décident une attaque éclair sur l’Inde orientale au début de l’année 1944. Des batailles comme celles d’Imphal ou de Kohima font des milliers de victimes. A la fin de l’offensive, on relève près de 55.000 morts chez Les Japonais et environ 17.000 chez les alliés. Pour beaucoup, les soldats sont décédés de leurs blessures auxquelles se sont ajoutées les maladies tropicales.

 

L’offensive victorieuse de 1945.

 

L’offensive victorieuse de 1945 vient de deux fronts : au nord, les divisions chinoises et anglo-indiennes enfoncent les lignes japonaises en quelques semaines. Au centre du pays, les troupes alliées provenant d’Inde immobilisent à Mandalay de nombreuses divisions japonaises. Ces derniers se battent avec une ardeur désespérée. Ils profitent de la situation pour détruire une grande partie des édifices religieux de la ville. Bientôt, à cours d’artillerie et de munitions, laissant des milliers de morts, ils se retirent vers l’est.

 

Une nouvelle fois avec l’appui de l’aviation américaine, Winston Churchill, Premier ministre britannique, ordonne à Lord Mountbatten d’envoyer des milliers de soldats à la reconquête de la capitale Rangoon. Des commandos, ceux de la Force 136 (principalement des Anglais, mais aussi plusieurs dizaines de Français), participent à cette offensive. Il s’agit d’être à Rangoon avant la mousson. Par ailleurs, le nationaliste Aung San change de camp et prend contact avec les alliés. Il s’agit maintenant de l’appuyer, après l’avoir combattu…

 

Au cours du mois d’avril 1945, les Japonais décident de quitter Rangoon. Il n’est que temps : les troupes alliées sont à 30 kilomètres de la ville. Le 2 mai, la mousson débute vraiment, rendant impossible toute manœuvre militaire d’importance.

 

Au total, plus de 144.000 Japonais trouvent la mort dans ces campagnes, soit deux fois plus que les Alliés. Ils sont enterrés dans de nombreux cimetières militaires, dont celui de Rangoon.

 

 

 

Sources.

 

  • Souvenir Français – Délégation de Chine / Asie.
  • Site web de cette délégation : www.souvenir-francais-asie.com
  • Encyclopédies Larousse, Hachette, Wikipédia.
  • Allen, Burma : The Longuest War.
  • Bob Maloubier, L’espion aux pieds palmés, Rocher, 2013.
  • Colonel Jean Sassi, Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes, Nimrod, 2009.
  • Pierre Yanic-Laquerre, La Force X, Revue 2e Guerre mondiale, oct.-nov. 2010.

 

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Publié le 14 Avril 2014

 

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Le bureau du Souvenir Français du Comité d’Asnières-sur-Seine a le plaisir de vous convier à son assemblée générale qui se déroulera le samedi 26 avril 2014, à 11h00, en salle de l’ancien tribunal, au rez-de-chaussée du CAS : 16 place de l’Hôtel de Ville 92600 Asnières-sur-Seine.

 

Vous pouvez retrouver toute les informations ainsi que l’actualité du comité sur le site Internet : www.souvenir-francais-asnieres.fr

 

Thierry Le Gac

Secrétaire du Comité

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