La lettre de Gaston Biron.

Publié le 27 Juin 2009

 

Origines.

 


Gaston Biron est né à Paris le 19 mai 1885. Seul fils d’une famille de sept enfants, le jeune homme écrit tant qu’il peut à sa mère Joséphine, sans oublier ses sœurs Berthe, Hélène, Blanche, Marguerite, Madeleine et Marie.

 

Blessé le 8 septembre 1916, Gaston Biron meurt trois jours plus tard à l’hôpital militaire de Chartres. L’acte est transmis à la mairie de Gennevilliers le lendemain.

 

« Lettres de poilus ».

 

En 1998, les éditions Taillandier Historia, en collaboration avec les stations locales de Radio France ont publié un livre remarquable : Lettres de poilus. Une lettre de Gaston Biron s’y trouve. La voici :

 

« Mercredi 14 juin 1916


Ma chère Mère,

 

Je suis bien rentré de permission et j’ai retrouvé mon bataillon sans trop de difficultés. Je vais probablement t’étonner en te disant que c’est presque sans regret que j’ai quitté Paris, mais c’est la vérité. Que veux-tu, j’ai constaté, comme tous mes camarades du reste, que ces deux ans de guerre avaient amené petit à petit chez la population civile, l’égoïsme et l’indifférence et que nous autres, combattants, nous étions presque oubliés, aussi quoi que de plus naturel que nous-mêmes nous prenions aussi l’habitude de l’éloignement et que nous retournions au front tranquillement comme si nous ne l’avions jamais quitté.

 

J’avais rêvé avant mon départ en permission que ces 6 jours seraient pour moi 6 jours trop courts de bonheur, et que partout je serais reçu les bras ouverts ; je pensais, avec juste raison je crois, que l’on serait aussi heureux de me revoir, que moi-même je l’étais à l’avance à l’idée de passer quelques journées au milieu de tous ceux auxquels je n’avais jamais cessé de penser. Je me suis trompé ; quelques-uns se sont montrés franchement indifférents, d’autres, sous le couvert d’un accueil, que l’on essayait de faire croire chaleureux, m’ont presque laissé comprendre qu’ils étaient étonnés que je ne sois pas encore tué.

 

Aussi, tu comprendras, ma chère mère, que c’est avec beaucoup de rancœur que j’ai quitté Paris et vous tous que je ne reverrai peut-être jamais. Il est bien entendu que ce que je te dis sur cette lettre, je te le confie à toi seule, puisque, naturellement, tu n’es pas en cause bien au contraire, j’ai été très heureux de te revoir et j’ai emporté un excellent souvenir des quelques heures que nous avons passées ensemble.

 

Je vais donc essayer d’oublier comme on m’a oublié, ce sera certainement plus difficile, et pourtant j’avais fait un bien joli rêve depuis deux ans. Quelle déception ! Maintenant je vais me sentir bien seul. Puissent les hasards de la guerre ne pas me faire infirme pour toujours, plutôt la mort, c’est maintenant mon seul espoir.

 

Adieu, je t’embrasse un million de fois de tout cœur.

 

Gaston. »