La bataille de la Marne de Maurice Joron.

Publié le 29 Septembre 2013

 

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La bataille de la Marne.

Septembre 1914. Les armées françaises et allemandes sont en train d’en découdre dans ce qui restera pour l’Histoire la Bataille de la Marne. Le général allemand von Klück vient de faire une erreur magistrale : alors qu’il peut, en quelques heures, atteindre Paris et prendre la capitale – ce qui aurait un effet cataclysmique sur les troupes françaises – il effectue un mouvement vers l’est pensant encercler l’ensemble des armées françaises. Mais, tout à l’exécution de sa manœuvre, il ne fait pas attention aux Ière et IIème armées (général Dubail et général Curières de Castelnau) qui sont restées stationnées en Lorraine et qui deviennent le pivot de la contre-offensive française.

Concentrée le long de la Marne, la VIeme armée commandée par le général Maunoury, et créée par Joffre pour l’occasion, engage les Allemands le 5 septembre 1914, et soutient les combats jusqu’au 9, grâce, entre autres, à l’envoi d’urgence de dix-mille hommes de la garnison de Paris (commandée par le général Gallieni), dont une partie sera transportée par les célèbres taxis parisiens que l’on appellera « Les Taxis de la Marne ».

Au centre du dispositif français, Joffre nomme le général Foch à la tête d’une nouvelle IXème armée, chargée d’éviter toute brèche dans la région des marais de Saint-Gond (ouest du département de la Marne).

Du 6 au 8 septembre, les Alliés ne réussissent pas à remporter une victoire décisive. Le 7, le Corps expéditionnaire britannique force le passage du grand Morin, rivière du nord de la Seine-et-Marne, puis le lendemain, franchit le petit Morin et arrive aux bords de la Marne. Au même moment, la cavalerie française de Franchet d’Esperey traverse aussi le petit Morin, alors que Foch doit reculer sur ses positions dans les marais.

Le 9 septembre, Joffre décide d’une nouvelle contre-attaque au nord de Meaux sur l’Ourcq. Il effectue une trouée de cinquante kilomètres dans les lignes ennemies, ce qui permet à la Veme armée et au Corps expéditionnaire britannique d’attaquer les armées Allemandes exposées sur leur flanc en pleine manœuvre, les stoppant et les obligeant au repli sur la ligne Noyon-Verdun le long de l’Aisne.

Le 13 septembre, les Allemands établissent des positions défensives solidement implantées qui figeront le front. Certains diront « Ce fut une bataille gagnée mais une victoire perdue » car elle laisse les vainqueurs maîtres du terrain, mais elle ne peut infliger au vaincu ce sentiment d’infériorité sans espoir qui est la marque d’une défaite définitive. Cependant, la Marne représente la première victoire stratégique de la guerre, car, par leur succès, les Alliés rendent inéluctable pour l’Allemagne une guerre longue et couteuse sur deux fronts.

 

« Ma campagne ».

Maurice Joron est né en 1883. Dessinateur et peintre reconnu, il participe régulièrement aux Salons et gagne sa vie en collaborant à des journaux. Peu à peu, il se spécialise dans les portraits. Après la guerre, il sera l’un des piliers de périodiques comme Le Crapouillot.

Mobilisé en 1914, il est intègre le 46ème RI dont les casernements sont à Paris et à Fontainebleau. Unité de la 10ème division d’infanterie et du 5èmecorps d’armée, le régiment participe à la fin du mois d’août 1914 à la retraite des armées (après avoir attaqué les Allemands et pénétré en territoire ennemi, les Français sont violemment repoussés ; c’est la phase précédant la bataille de la Marne).

 

A posteriori de la bataille, Maurice Joron écrit des lettres à une femme, qu’il appelle « ma mère » (il s’agit de Madame Tavernier, qui habite Paris) et qui racontent son engagement du 6 septembre 1914, au cours duquel il est grièvement blessé à une cheville (1). S’ensuivra près d’une année d’hôpital.

 

« Le 6 septembre 1914. Une journée de combat, la dernière pour moi, de la bataille de l’Ourcq. Au soir de laquelle, je fus blessé d’une balle de shrapnel à la cheville droite.

Après avoir, la veille, pris contact avec les Allemands à Yverny, les avoir chassés de Monthyon et fait reculer d’environ 5 kilomètres, cette seconde journée de cette bataille s’est passée à la 55ème division, dans la plaine de Barcy… Ce matin-là, à l’aube de la victoire, je repassais forcément les phases du combat en constatant les effets : trous d’obus, maisons effondrées, brûlées, murs crénelés troués et abattus, meules incendiées, la ruine, le château de Monthyon saccagé, un vieux paysan nous montrant au passage sa blessure à la tête que lui avait fait la crosse d’un mauser pour n’avoir pas donné son meilleur vin…

A partir de la petite gare, la compagnie prit la formation de marche sous le feu de l’artillerie. Nous primes la direction de la ferme Saint-Gobert et nous fûmes bientôt sur le plateau de Barcy sous une voûte de mitraille hurlante. Nous entrons dans la mitraille, les officiers nous exhortent pour surmonter la terrible impression que nous cause la grêle des balles ; nous avons un mort, notre camarade est tombé sur le nez, sa tête découverte laisse voir le sang bouillonnant sur le crâne, deux sont blessés au bras…

Nous sommes dans un vacarme épouvantable, ayant à gauche Barcy et à droite un peu derrière nous Marcilly, couverts et disparaissant dans l’éclatement des énormes marmites allemandes qui brûlent. Le régiment progresse par vagues successives ; les bonds se font par sections, elles se couvrent les unes les autres dans leur mouvement. Elles ne tirent pas. Les Allemands sont terrés, invisibles…

Je vois le colonel, debout dans cet enfer. Il est blessé mortellement d’une balle dans la poitrine. Il retire son dolman et ayant agrafé sa croix sur sa chemise toute rouge, il lance ses soldats contre l’ennemi dans un geste émouvant et héroïque…

Parvenus à la tranchée allemande, nous en dégageons les occupants avec entrain et fureur. Pour reprendre en main leurs hommes, se regrouper et lancer un deuxième assaut, les officiers font sonner le rassemblement. La deuxième vague s’ébranle à la baïonnette. C’est à ce moment que les 77 nous arrivent drus et éclatent tout près. Le destin a voulu qu’une balle reçue dans la cheville droite m’oblige à cesser le dur mais joyeux combat et à rentrer dans la vie civile après plus d’un an d’hôpital. »

 

Plus tard, Maurice Joron reprendra ses activités de correspondant de presse et illustrera sa « campagne » par plusieurs ouvrages dessinés. Nous vous proposons de feuilleter quelques-unes de ces pages dans l’album intitulé « 2013-09-09, Maurice Joron ».

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(1)  La correspondance et les dessins nous ont été communiquées par la fille de Maurice Joron, Marie-Louise Joron, adhérente du Souvenir Français de Vaucresson.

Rédigé par Souvenir Français des Hauts-de-Seine

Publié dans #Témoignages-Portraits - 1914-1918

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