Le soldat français de Rangoon.

Publié le 15 Avril 2014

 

Rangoon 2

 

Il y a peu, le Délégué général du Souvenir Français pour la Chine et l’Asie, Monsieur Claude Jaeck, alors en mission professionnelle à Rangoon en Birmanie, découvrait avec étonnement la tombe d’un soldat français au beau milieu du cimetière militaire anglais de la ville.

 

Il s’agit du caporal Philibert Methia, du 10e RICM, mort pour la France le 27 octobre 1945 (parcelle 2 – Rangée A – Tombe n°4). Pourquoi un Français là ?

 

 

Une province de l’Empire des Indes.

 

En 1886, la Birmanie devient une province des Indes britanniques et sa capitale est Rangoon. Le pays se transforme en une société coloniale orientée vers son puissant voisin indien : les liens étroits entre le pouvoir civil et religieux, existants depuis des siècles, sont distendus ; l’agriculture, première économie locale, se tourne vers l’exportation et les élites se mettent à la langue anglaise. Les plus riches envoyant même leurs rejetons faire des études au Royaume-Uni. L’émancipation de 1937, avec la création d’une nouvelle constitution et une assemblée élue, distincte de l’Inde, permet de préserver une paix relative pendant quelques années. Bien entendu, comme dans chaque situation similaire, certains étudiants rentrés au pays tentent de monter des organisations de libération du joug colonial.

 

 

La Seconde Guerre mondiale.

 

Avec le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les événements vont s’amplifier. En décembre 1941, les Japonais déclarent la guerre au Royaume-Uni. Dès le mois de janvier de l’année suivante, ils envahissent la Birmanie par le sud et expulsent les troupes anglo-indiennes qui s’y trouvent. Ces dernières reculent vers le nord et se réfugient en Chine ou en Inde. Les Japonais sont appuyés par les hommes d’Aung San, un nationaliste birman, qui a formé l’Armée pour l’indépendance birmane, avec l’appui logistique et financier de l’Empire du soleil levant. Comme en Indochine française, les Japonais cherchent à favoriser l’émancipation du peuple afin qu’il se retourne contre le colon européen.

 

Pour les Anglais, la défaite est cuisante : ils assistent, au fur et à mesure de leur retraite, à l’effondrement de leur administration birmane. De plus, à l’est, l’armée thaïlandaise pénètre en territoire birman et occupe en quelques semaines tout la partie orientale du pays. Les combats sont très meurtriers ; focalisés pendant la période sèche (hors du temps de la mousson), des milliers de villages sont entièrement détruits.

 

Les deux années suivantes sont particulièrement difficiles pour le Royaume-Uni : il doit défendre son île contre les bombardements nazis, entretenir la guerre au Moyen-Orient et en Afrique (Egypte, Territoires palestiniens, Syrie, Jordanie) et faire face à de nombreux soulèvements en Inde, qui connait une famine retentissante, notamment dans la province du Bengale. Avec l’aide d’observateurs et d’instructeurs américains (cette notion n’est donc pas récente…), les Anglo-indiens montent quelques opérations le long de la frontière birmane. Elles ont pour but de montrer que la guerre n’est pas terminée et d’entretenir la foi dans les combats pour les soldats.

 

Par ailleurs, pour affirmer que leurs hommes sont tout aussi capables que les Japonais de se battre dans la jungle, les Anglais envoient plusieurs milliers de commandos au cœur de la Birmanie afin d’y créer des situations de déstabilisation : dynamitage et destruction de ponts, de voies ferrées, attentats dans les villages et les villes, attaques surprises dans la jungle… Toutes ces opérations ne sont pas couronnées de succès, mais là encore, elles redonnent le moral aux hommes restés en Inde ou dans la Chine de Tchang Kaï-chek. Elles permettent aussi de démontrer une certaine insécurité : les Birmans ont bien souvent accueillis les Japonais en libérateurs. Au bout de quelques mois, ils s’aperçoivent que leur condition ne s’améliore pas forcément et qu’une insécurité permanente demeure, là où les Anglais faisaient régner un certain ordre.

 

A la fin de l’année 1943, les choses commencent à changer : avec un commandement nouveau et soudé autour de Lord Mountbatten (oncle du duc Philippe d’Edimbourg, futur époux de la reine Elisabeth II), commandant en chef des forces alliées en Asie du Sud-est, avec l’utilisation de moyens dus à la puissance industrielle et économique des Etats-Unis comme par exemple une aviation considérable, le cours de la guerre s’inverse réellement. De plus, les Anglais reçoivent l’appui d’unités chinoises (Force X et Force Y) et de commandos de plusieurs armées alliées (australiennes, néo-zélandaises…).

 

Les Japonais ne restent pas sans rien faire et décident une attaque éclair sur l’Inde orientale au début de l’année 1944. Des batailles comme celles d’Imphal ou de Kohima font des milliers de victimes. A la fin de l’offensive, on relève près de 55.000 morts chez Les Japonais et environ 17.000 chez les alliés. Pour beaucoup, les soldats sont décédés de leurs blessures auxquelles se sont ajoutées les maladies tropicales.

 

L’offensive victorieuse de 1945.

 

L’offensive victorieuse de 1945 vient de deux fronts : au nord, les divisions chinoises et anglo-indiennes enfoncent les lignes japonaises en quelques semaines. Au centre du pays, les troupes alliées provenant d’Inde immobilisent à Mandalay de nombreuses divisions japonaises. Ces derniers se battent avec une ardeur désespérée. Ils profitent de la situation pour détruire une grande partie des édifices religieux de la ville. Bientôt, à cours d’artillerie et de munitions, laissant des milliers de morts, ils se retirent vers l’est.

 

Une nouvelle fois avec l’appui de l’aviation américaine, Winston Churchill, Premier ministre britannique, ordonne à Lord Mountbatten d’envoyer des milliers de soldats à la reconquête de la capitale Rangoon. Des commandos, ceux de la Force 136 (principalement des Anglais, mais aussi plusieurs dizaines de Français), participent à cette offensive. Il s’agit d’être à Rangoon avant la mousson. Par ailleurs, le nationaliste Aung San change de camp et prend contact avec les alliés. Il s’agit maintenant de l’appuyer, après l’avoir combattu…

 

Au cours du mois d’avril 1945, les Japonais décident de quitter Rangoon. Il n’est que temps : les troupes alliées sont à 30 kilomètres de la ville. Le 2 mai, la mousson débute vraiment, rendant impossible toute manœuvre militaire d’importance.

 

Au total, plus de 144.000 Japonais trouvent la mort dans ces campagnes, soit deux fois plus que les Alliés. Ils sont enterrés dans de nombreux cimetières militaires, dont celui de Rangoon.

 

 

 

Sources.

 

  • Souvenir Français – Délégation de Chine / Asie.
  • Site web de cette délégation : www.souvenir-francais-asie.com
  • Encyclopédies Larousse, Hachette, Wikipédia.
  • Allen, Burma : The Longuest War.
  • Bob Maloubier, L’espion aux pieds palmés, Rocher, 2013.
  • Colonel Jean Sassi, Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes, Nimrod, 2009.
  • Pierre Yanic-Laquerre, La Force X, Revue 2e Guerre mondiale, oct.-nov. 2010.

 

Rédigé par Souvenir Français des Hauts-de-Seine

Publié dans #Carrés Militaires Monde

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