Jean Mascré, de Sceaux.

Publié le 3 Octobre 2009

 

Le Dupleix en flammes.

 

 

Un Résistant.

 

Jean Eugène Joseph Mascré nait à Sceaux le 4 juin 1898. Agent immobilier, il est arrêté en 1942 pour fait de résistance à l’Occupant allemand. Son procès se déroule le 12 novembre de la même année. Soit le lendemain de l’anniversaire de l’Armistice de Rethondes de 1918, mettant fin à la Première Guerre mondiale ; soit, le lendemain de l’invasion de la Zone Libre par les troupes allemandes en représailles à l’Opération Torch, nom donné au débarquement des Alliés en Afrique du Nord.

 

Il est exécuté le 27 novembre 1942, fusillé au Mont Valérien, sur la commune actuelle de Suresnes, dans les Hauts-de-Seine. Au même moment, en Méditerranée, se déroule un autre drame : une partie de la flotte française se saborde en rade de Toulon, dans le Var.

 

 

Mers-el-Kébir.

 

Pour appréhender Toulon, pour tenter de comprendre, peut-être, le comportement d’un certain nombre d’officiers de la Marine française le 27 novembre 1942, il convient de revenir sur l’affaire de Mers-el-Kébir. Le 3 juillet 1940, la Royal Navy se présente en ces lieux d’Algérie et intime l’ordre à l’amiral français Gensoul de remettre les navires de son pays à la disposition de l’Empire britannique, ou de se rendre en Martinique pour les désarmer. Une troisième solution consistant en un sabordage pur et simple.

 

Un mois plus tôt, la France a signé un armistice séparé avec l’Allemagne. C’est-à-dire que notre pays s’est délié de son Alliance anglaise. Le Premier ministre Winston Churchill n’a qu’une crainte : que les navires français tombent aux mains des Allemands. La Marine française temporise, demande un délai de réflexion. S’apercevant que des navires font des préparatifs, les Anglais n’hésitent que quelques instants et ouvrent le feu sur la flotte française. Ce jour-là, de nombreux navires de guerre sont coulés : tels les cuirassiers Provence et Bretagne, le Mogador ; le croiseur de bataille Dunkerque est sérieusement endommagé. Plus de 1.300 marins français disparaissent au cours de l’engagement. La Marine française n’a pas pu ou peu riposté : ancrée dans la rade de Mers-el-Kébir, elle ne peut faire mouvement.

 

A Londres, le général de Gaulle indique : «  [...] en vertu d’un engagement déshonorant, le gouvernement de Bordeaux avait consenti à livrer les navires à la discrétion de l’ennemi. Il n’y a pas le moindre doute qu’en principe et par nécessité l’ennemi les aurait employés soit contre l'Angleterre, soit contre notre propre Empire. Eh bien, je le dis sans ambages, il vaut mieux qu’ils aient été détruits.  »

 

 

Le sabordage de Toulon.

 

Un peu plus de deux années plus tard, une partie de la flotte française se trouve dans la rade de Toulon. Des navires qui ont réussi à échapper au massacre de Mers-el-Kébir y sont aussi, comme le croiseur de bataille Strasbourg. Les troupes allemandes ont pénétré en Zone Libre : la totalité du territoire national est donc occupé.

 

La convention de l’armistice de 1940 entre la France et l’Allemagne stipule que l’envahisseur s’interdit d’utiliser la marine du vaincu. Pour autant, des documents retrouvés depuis indiquent qu’Adolf Hitler avait bien l’intention de servir de la flotte française. Quoi qu’il en soit, légitimement, l’Angleterre demande à son alliée la France d’acheminer au plus vite dans des ports alliés les navires français, alors que les Allemands progressent vers la Provence.

 

L’amiral Darlan, qui a été ministre des Marines marchande et militaire dans le gouvernement du maréchal Pétain, et qui a tenté, en 1941, de relancer la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie, se trouve en Afrique du Nord au moment de l’Opération Torch. Il change de camp, se déclare « Haut commissaire en Afrique du Nord » et donne l’ordre à la Marine française de Toulon de rallier les Alliés.

 

Dans le même temps, l’amiral Auphan, chef d’Etat-major des Forces maritimes puis secrétaire d’Etat à la Marine, donne les instructions suivantes aux amiraux Marquis et Laborde, commandants les bâtiments de la flotte présente à Toulon :

 

  • « 1 – S’opposer, sans effusion de sang, à l’entrée des troupes étrangères dans les établissements, bases aériennes, ouvrages de la Marine ».
  • 2 – S’opposer de même à l’entrée des troupes étrangères à bord des bâtiments de la flotte ; par des négociations locales, s’efforcer d’arriver à un accord.
  • 3 – En cas d’impossibilité, saborder les bâtiments ».

 

Dans la nuit du 26 au 27 novembre 1942, cette dernière disposition est mise en œuvre par les deux amiraux, l’arrivée des Allemands étant imminente. Il est indéniable que de nombreux bâtiments sont privés de carburant et d’autres ne sont plus en état de naviguer (certains, comme le Dunkerque, sont toujours détériorés à la suite de l’affaire de Mers-el-Kébir). Mais pour d’autres, la fuite est possible. Ce sera le cas des navires suivants :

 

  • – le Leonor Fresnel, le Casabianca et le Marsouin atteignent Alger ;
  • – le Glorieux atteint Oran ;
  • – l’ Iris à court de gas-oil stoppe sa fuite dans le port de Barcelone. Il y stationnera jusqu’à la fin de la guerre.

 

Mais près de la moitié de la Marine française s’est sabordée :

 

  • – 3 cuirassés, 
  • – 7 croiseurs, 
  • – 1 transport d’aviation,
  • – 15 contre-torpilleurs, 
  • – 13 torpilleurs, 
  • – 6 avisos, 
  • – 12 sous-marins, 
  • – 9 patrouilleurs, et dragueurs, 
  • – 19 bâtiments de servitude,
  • – 1 bâtiment-école,
  • – 28 remorqueurs, 
  • – 4 docks de levage.

 

Finalement, l’Etat français de Vichy ne permet pas aux Allemands d’obtenir la Marine française, mais les Alliés n’en profitent pas pour autant ; les Allemands peuvent considérer que ces navires n’ont pas été livrés à l’ennemi donc cela peut être aussi considéré comme une victoire ; les Alliés sont également satisfaits, au moins, de ne pas voir la Marine française œuvrer pour l’Allemagne. Les perdants de l’affaire sont plutôt les Français libres sont le commandement d’un certain général de Gaulle.

 

Après la guerre, la Haute Cour de justice condamne l’amiral Jean de Laborde à la peine capitale, pour collaboration active avec l’Allemagne nazie. La condamnation est commuée en emprisonnement à perpétuité. En juin 1947, l’amiral est gracié.