Le siège de Paris.
Né de la chute du Second empire et de la défaite de Sedan, le Gouvernement de la Défense nationale charge le ministre de l'Intérieur, Léon Gambetta, de quitter Paris, assiégée par les Prussiens, et d’organiser en province la reprise des combats.
Pour franchir les lignes prussiennes, le fougueux ministre, alors âgé de 32 ans, à l’idée d’emprunter une montgolfière et prend conseil auprès du photographe et aérostier Nadar.
Gonflé au gaz d’éclairage, le ballon de 16 mètres de diamètres s’élève au matin du 7 octobre 1870, de la butte Montmartre avec à son bord l’impétueux ministre et un assistant. Mais le vent pousse vers le nord et les lignes prussiennes… Les deux voyageurs lâchent du lest pour s’élever et échapper aux tirs ennemis. Le ballon s’écrase en milieu d’après-midi près de Beauvais, où ils sont recueillis par des paysans. Après trois jours de voyage épique en voiture à cheval et en train, Gambetta arrive enfin à Tours où il rejoint une délégation gouvernementale dirigée par Adolphe Crémieux mais l’approche de l’ennemi les oblige à se replier vers Bordeaux.
« Choses vues ».
Durant toute son existence, Victor Hugo a pris des notes d'observation sur la vie publique, politique et littéraire, et des notes confidentielles sur sa vie privée. A sa mort, ces notes étaient laissées éparses, distribuées en plusieurs dossiers et carnets : des livres de comptes, sur les gains et débours de l'écrivain ; des ébauches de textes de toute sorte ; des cahiers d'esquisses ; enfin, une série de feuillets constituant un journal de bord. Une sélection de ces écrits a donné lieu à une édition en 1887, intitulée Choses vues. Une deuxième édition suivit en 1900, et une édition plus complète en 1913. A cette version ont été ajoutés de nouveaux fragments, dus surtout à Henri Guillemin, pour donner l'édition en poche chez Gallimard en 1972, sous la direction d'Hubert Juin. Près de 2 000 pages distribuées en deux volumes.
Voilà ce qui est noté à la date du 7 octobre 1870…
7 octobre 1870.
Ce matin, en errant sur le boulevard de Clichy, j’ai aperçu au bout d’une rue entrant à Montmartre un ballon. J’y suis allé. Une certaine foule entourait un grand espace carré, muré par les falaises à pic de Montmartre. Dans cet espace se gonflaient trois ballons, un grand, un moyen et un petit. Le grand, jaune, le moyen, blanc, le petit, à côtes, jaune et rouge.
On chuchotait dans la foule : Gambetta va partir. J’ai aperçu, en effet, dans un gros paletot, sous une casquette de loutre, près du ballon jaune, dans un groupe, Gambetta. Il s’est assis sur un pavé et a mis des bottes fourrées. Il avait un sac de cuir en bandoulière. Il l’a ôté, est entré dans le ballon, et un jeune homme, l’aéronaute, a attaché le sac aux cordages, au-dessus de la tête de Gambetta.
Il était dix heures et demie. Il faisait beau. Un vent du sud faible. Un doux soleil d’automne. Tout à coup le ballon jaune s’est enlevé avec trois hommes dont Gambetta. Puis le ballon blanc, avec trois hommes aussi, dont un agitait un drapeau tricolore. Au-dessous du ballon de Gambetta pendait une flamme tricolore. On a crié : Vive la République !
Les deux ballons ont monté, le blanc plus haut que le jaune, puis on les a vus baisser. Ils ont jeté du lest, mais ils ont continué de baisser. Ils ont disparu derrière la butte Montmartre. Ils ont dû descendre plaine Saint-Denis. Ils étaient trop chargés, ou le vent manquait.
Le départ a eu lieu, les ballons sont remontés.
Nous sommes allés visiter Notre-Dame, qui est supérieurement restaurée. On entre dans le chœur en donnant 50 centimes par personne pour les blessés.
Nous avons été voir la tour Saint-Jacques. Comme notre calèche y était arrêtée, un des délégués de l’autre jour (XI arrondissement) a accosté la voiture et m’a dit que le XI arrondissement se rendait à mon avis, trouvait que j’avais raison de vouloir le scrutin de liste, me priait d’accepter la candidature dans les conditions posées par moi, et me demandait ce qu’il fallait faire si le gouvernement se refusait aux élections. Fallait-il l’attaquer de vive force ? On suivrait mes conseils. J’ai répondu que la guerre civile ferait les affaires de la guerre étrangère, et livrerait Paris aux prussiens.
En rentrant, j’ai acheté des joujoux pour mes petits. À Georges un zouave dans sa guérite, à Jeanne une poupée qui ouvre et ferme les yeux.
Sources :