Au sein des Partisans français de Slovaquie.
Septembre 1944, les Français embarquent dans les 3 camions prêtés par une fabrique de bière de la ville de Martin. Les hommes portent l’uniforme de l’armée slovaque.
Septembre 1944 : Maurice nous informait avec une certaine fierté, qu’’il est devenu « Partisan Français sur le sol de Slovaquie ». Il ajoute : « Je sais bien également, surtout en pensant à toi ma petite maman chérie que vous allez être bien inquiet et dire : quelle idée a eu ce fou de Maurice d’aller s’exposer alors qu’il avait l’occasion d’attendre tranquillement la fin de la guerre qui maintenant ne saurait plus tarder ».
Il précise aussi : « Si je m’étais toujours trouvé en Allemagne, toute évasion aurait été certainement impossible mais ici, en Slovaquie, une occasion nous a été offerte de prendre la fuite et c’est pourquoi, avec 36 camarades, nous n’avons pas hésité à nous joindre aux Slovaques qui passaient à la dissidence ».
« De cette évasion, pas grand-chose à vous dire sinon qu’à part une certaine fatigue, tout s’est fort bien passé. Nous avons franchi les postes allemands par petits groupes ayant l’air d’inoffensifs promeneurs et c’est seulement dans la montagne que nous nous sommes regroupés et que, sous la conduite d’un parachutiste russe et de deux officiers de police slovaques, nous avons rejoint le gros des forces dissidentes. Depuis, évidemment après pas mal d’ordres et de contre-ordres et surtout grâce à notre force de caractère, nous avons réussi à rejoindre une compagnie de camarades français prisonniers évadés et placés sous le commandement d’un Capitaine Français ayant reçu du Général de Gaulle, l’ordre d’organiser la dissidence en Slovaquie. Depuis, nous avons également retrouvé 20 autres de nos camarades qui travaillaient avec nous et qui, prenant exemple sur nous, ont saisi la première occasion pour prendre la poudre d’escampette ».
« Au point de vue de notre activité ici, je ne peux pas vous dire grand-chose car pour nous ce n’est pas une guerre de position mais plutôt une série de coups de main poussés un jour à un endroit, un jour à un autre et toujours de même. Maintenant ce qui est intéressant pour nous c’est que très certainement bientôt, nous pourrons faire notre jonction avec les troupes Russes qui ont réussi à s’infiltrer jusqu’à nous ».
Une remarque de Maurice, indiquée en PS sur sa lettre du 23 septembre 1944 : « Quand nous avons quitté l’usine où nous travaillions, il était exactement 5 heures du soir, le 3 septembre 1944, soit exactement 5 ans, jour pour jour, heure pour heure, après notre première entrée en guerre ».
Alors que durant le deuxième semestre de 1945, rentraient dans leur famille, en France, les prisonniers, déportés, ouvriers STO, rescapés de cette maudite guerre. Notre famille, elle, restait toujours dans l’attente du retour de Maurice. Nous dûmes attendre le 14 septembre 1945 pour avoir des nouvelles. Une lettre signée du Capitaine de Lannurien, commandant le Groupe des Combattants Français en Tchécoslovaquie, informait mes parents en ces termes : « J’ai le douloureux devoir de vous apprendre que le Soldat Maurice Simon est tombé glorieusement au cours des combats livrés en Slovaquie contre les Allemands. Le 6 février 1945, au cours d’une mission dans les environs du village de Nemecka Lupca, il a été surpris par les Allemands et abattu. Son corps a été inhumé à Nemecka Lupca. Lors de mon récent voyage en Slovaquie, j’ai fait le nécessaire pour qu’une sépulture décente lui soit assurée ».
Le chagrin éprouvé par notre mère fut indescriptible et le resta jusqu’à son décès, 30 ans après. 30 ans de douleur. Jamais, elle ne se consola de la perte de ce fils de 26 ans et de n’avoir pu rapatrier son corps. Des camarades STO évadés de Dubnica pour se battre près des Slovaques envoyèrent quelques courriers :
Le 24 août 1945, René Cuilleron nous indiqua : « J’ai connu Maurice en janvier 1944 à l’usine où il travaillait. Il était mon régleur et toujours nous avons été ensemble à Pottendorf, à Prague, puis à Dubnica. Le 3 septembre 1944 nous sommes partis dans le maquis ensemble et nous avons rejoint la Compagnie Française vers le milieu de ce mois. Nous avons été affectés à la même Section. Lui était tireur au F.M. et moi, chargeur. Par la suite nous avons permuté. A tous les engagements nous étions ensemble. La dernière fois que j’ai vu Maurice, c’est au nord de Bukovec (entre Banska Bystrica et Brezno) le 31 octobre 1944. Alors que nous étions surpris par les Allemands, il sortait en courant de la baraque où nous avions couché et ensuite nous nous sommes perdus. Dans le courant de l’hiver, vers la mi-décembre, j’ai reçu un mot de lui m’apprenant qu’il était en vie et m’invitant à le rejoindre. Après le passage du front russe, j’ai appris cette triste nouvelle et j’ai eu l’occasion de voir entre les mains d’un nommé Hochet, le portefeuille et les montres, je crois de Maurice. Il y avait d’ailleurs dans son portefeuille une photo que je lui avais donnée et qui est signée CUI-CUI (c’est mon surnom). Si vous êtes en possession de ces objets, dites-moi si vous avez un chapelet que je lui avais donné ».
Le 16 septembre 1945, ce fut un mot de Maurice Perrin, séminariste, devenu prête par la suite dans les environs de Clermont Ferrand. Il précisait dans quelles conditions il avait connu et apprécié Maurice en ces termes : « J’ai été moi-même très touché en apprenant la mort de votre frère. Je le connaissais depuis longtemps si je puis parler ainsi. En effet j’ai fait sa connaissance à Vienne à la Flugmotor ou je travaillais dans la même équipe que lui vers le mois de septembre 1943 et depuis cette date, nous ne nous sommes pas quittés avec quelques autres d’ailleurs, tels que René Cuilleron, Lionel Gabillon. Nous étions ensemble à Pottendorf où notre usine a brûlé, à Prague, à Dubnica et c’est de là-bas que le 3 septembre 1944, toujours ensemble, nous avons pris le maquis. Il avait comme arme un fusil-mitrailleur avec René et après les combats nous nous retrouvions au cantonnement, où nous étions des frères. C’est vers le 2 novembre que je l’ai perdu de vue. Il resta en effet ce jour-là avec sa Section pour monter une cuisine roulante et depuis ce jour où nos souffrances commencèrent véritablement, car nous étions traqués de tous côtés, je ne l’ai plus revu… Ce qui est certain, c’est que vous pouvez être fière de lui car il est mort en faisant son devoir. Je ne sais pas si vous êtes chrétienne, je sais que lui ne l’était pas, mais il était droit, dévoué corps et âme à cette classe ouvrière dont il était et dont il souhaitait ardemment le bonheur et c’est pour cela que j’espère que Dieu lui donnera le bonheur de l’Autre Côté et à cette intention, je prie souvent pour lui ».
Le 9 octobre 1944, la lettre de Armand Hochet qui nous avait renvoyé quelques affaires ayant appartenu à Maurice, apportait les précisions suivantes à la suite de nos remerciements : « Le 28 octobre 1944 je me suis trouvé avec lui dans la montagne car depuis que nous avions perdu notre Compagnie, nous étions tous égarés. Alors, après quelques jours de recherches, nous avons trouvé votre frère ainsi que quelques camarades, nous étions 28 Français dans une cabane. Un matin, nous avons été surpris par une patrouille allemande. Nous avons réussi à nous dégager sans perte, mais là, nous nous sommes égarés et c’est là que je suis resté avec votre frère et 4 autres camarades et nous avons erré tous les six pendant 2 jours dans la montagne, sans vivres et là, votre frère et un autre camarade du nom de Ginzbourg sont partis aux renseignements et nous ne les avons pas revus. C’était le 3 ou 4 novembre. Une quinzaine de jours après nous avons retrouvé leur trace sans réussir à les revoir ».
« Nous avons passé tout l’hiver sans avoir de leurs nouvelles. Le 2 avril 1945, nous sommes descendus de la montagne car l’Armée Roumaine nous avait libérés et nous avons été à Slovenska Lupca où nous avons appris la triste nouvelle qui était survenue à votre frère. Arrêté par les Allemands fin décembre ou début janvier, il a été emprisonné à Banska Bystrica et a été fusillé le 6 février seulement ».
Novembre 2008 – Juin 2009.
« A la gloire éternelle des fils de la France“.
Sur la colline de Zvonica près de Strecno, en Slovaquie, se dresse un monument du souvenir en forme d’obélisque dédié aux partisans Français morts aux combats lors du Soulèvement national slovaque (fin août 1944) : 24 partisans sont enterrés dans les cryptes sous le monument. Le nom de mon frère, Maurice SIMON, figure parmi les 56 Partisans Français !
Comment en sommes-nous arriver là ? Cette histoire remonte à la fin de l’année 2008. Ma sœur aînée Jeannine a l’occasion d’effectuer un voyage à Vienne, Bratislava et Budapest. Alors pourquoi ne pas en profiter et tenter d’en savoir plus. A force de recherches – car l’épopée des Français de Slovaquie est fort peu connue – nous apprenons que chaque année le gouvernement Slovaque procède à des cérémonies commémoratives notamment devant la stèle de Strečno lors de l’anniversaire de l’Insurrection de 1944. Le peuple slovaque est encore infiniment reconnaissant aux combattants français pour leur participation héroïque lors des combats pour leur liberté.
L’idée nous vient de chercher dans nos archives familiales, de tout reprendre, classer, analyser et contacter d’éventuels survivants. Et là, le miracle ! René Cuilleron, la fameux « Cui-Cui » répond à notre attente ! Avec ses informations, sa connaissance, nos recherches, nous en venons à remettre en doute la version officielle du capitaine de Lannurien. Maurice a-t-il vraiment été abattu et à l’endroit indiqué ? Où peut donc bien se trouver sa tombe ?
René Cuilleron a l’idée de demander à son ami, d’origine slovaque, Milan Podolsky, d’écrire dans sa langue au maire actuel de Slovenska Lupca, Monsieur Peter Lakomcik. C’est ainsi qu’en janvier 2009, nous avons la grande satisfaction de recevoir la photo de la tombe de Maurice qui est entretenue depuis 64 ans par les habitants de Slovenska Lupca et une copie du Registre de la commune : « Au cours et après des combats qui se sont déroulés aux environs de Slovenska Lupca, il a été trouvé un corps sans vie (mort) à PRIBOJ, quartier de Slovenska Lupca. D’après les documents personnels en sa possession, trouvés sur son corps, on a constaté qu’il s’agissait d’un homme du nom de Maurice SIMON, né le 5.01.1919 à Paris, métier, employé mécanicien. Il a été atteint par plusieurs coups tirés dans sa tête ainsi que des coups sur la partie supérieure de son corps. La date de sa mort : 3 février 1945. Il était vêtu d’une tenue civile de couleur bleue, coiffé d’un béret, chaussé de chaussures militaires ».
J’en déduis que Maurice, qui est vraisemblablement sorti de la prison le 20 janvier comme relevé par l’historien Chnoupek dans le sinistre registre noir du pénitencier de Banska Bystrica, s’est probablement évadé du camion qui les conduisaient au four à chaux de Nemecka Lupca pour y être fusillés. Il a été abattu à l’occasion de cette évasion. Son corps a été trouvé à Priboj qui se situe à l’entrée de Slovenska Lupca, près des Usines BIOTIKA, le long de la rivière Hron.
Et à l’occasion de notre voyage en Slovaquie, j’ai acquis la certitude que les partisans, sortis de prison le 20 janvier 1945, étaient conduits pour être abattus au-dessus des fosses de Kermnicka, dans la banlieue de Banska Bystrica. Le directeur du musée du SNP à Banska Bystrica m’a indiqué que les fameux « fours à chaud » ne servirent en fait que durant la période du 5 au 12 janvier 1945.
Et c’est ainsi que Jeannine (ma sœur), Sabine (ma fille), Jeanne (ma petite-fille) et moi, nous nous sommes rendues du 29 mai au 2 juin 2009 en Slovaquie, afin de nous recueillir au nom de toute notre famille, sur la tombe de notre cher Maurice, en emportant avec nous le souvenir de nos parents et notre sœur Mimie.