Entre fin octobre et début novembre 1956, une opération franco-britannique a lieu pour libérer le canal de Suez nationalisé par le colonel Nasser, raïs d’Egypte. Les Israéliens lancent en parallèle une vaste opération contre les Egyptiens.
Pour les Occidentaux, cette action est justifiée par la restitution aux actionnaires qui ont financé et contribué à la prospérité du canal de ce qui, selon le droit international et les accords passés, leur appartient.
Octobre 1956.
Une réunion secrète se tient en banlieue parisienne entre Français, Britanniques et Israéliens afin de convenir d’une opération visant à prendre le contrôle du canal de Suez et renverser le colonel Nasser, raïs d’Egypte. C’est l’opération Mousquetaire. En échange d’un déclenchement des hostilités par l’Etat hébreu dans le Sinaï, il reçoit de l’armement et une assistance technique dans le domaine nucléaire.
Dans la nuit du 24 octobre débute l’opération Jonas. Les premiers chars AMX 13 débarquent dans le plus grand secret sur les côtes israéliennes – alors que les marins français pensent être arrivés en Algérie – ils viennent compléter les rangs des régiments blindés aux côtés des chars Sherman armés de canon de 75 mm.
Le plan initial, élaboré par Moshe Dayan – chef d’Etat-major de Tsahal, l’armée israélienne – prévoit une attaque menée par trois brigades d’infanterie ayant pour objectifs la 8e division palestinienne à Gaza, le carrefour d’Abou Ageila tenu par la 3e division égyptienne et par un pôle défensif sur la route d’Oufa à Quseima. La saisie du col de Mitla revient à un régiment parachutiste qui doit ouvrir la route du canal. Les blindés de la 7e brigade sont cantonnés à une attaque de diversion dans la vallée du Jourdain.
Suite à une intervention de son commandant, le général Ben Ari, les chars peuvent appuyer l’infanterie dans la progression. Le passé de commando du général Dayan lui fait privilégier l’infanterie aux autres moyens, car il estime que les blindés ne sont pas prêts pour une opération d’une telle ampleur.
Du côté occidental, la première phase consiste à bombarder des objectifs égyptiens depuis des bases aériennes placées sur Malte et Chypre.
Les chars donnent la cadence.
Le 29 octobre, après le parachutage du 890e bataillon sur le col de Mitla, l’infanterie se retrouve bloquée dès son passage de la frontière par les Egyptiens. Les régiments de chars AMX 13 sont employés dans ce raid, mettant à profit leur mobilité bien supérieure à celle des T34/85 ennemis (de fabrication russe), tout en étant appuyés dans leur mouvement par l’aviation.
La 27e brigade longe la côte jusqu’à Jiradi, ville fermement tenue par les Egyptiens. Les AMX 13 enveloppent la position et conduisent sur un flanc que l’ennemi pense inextricable. Les armées égyptiennes ne sont pas coutumières des guerres de mouvement aussi brutales. La rapidité des blindés israéliens les amènent à capturer la garnison d’El Arich par surprise sans qu’elle ne puisse réagir.
De leur côté, les Français du 2e régiment de parachutistes coloniaux, commandés par le colonel Château-Jobert, et ceux de la 60e compagnie du génie aéroporté, commandés par le lieutenant-colonel Fossey-François sautent respectivement sur Port-Saïd et Port-Fouad. Ces opérations sont couronnées de succès.
Le 2 novembre, Tsahal stoppe sa progression à moins de 20 kilomètres du canal de Suez, tandis qu’un autre contingent se lance au sud de la péninsule, conquise trois jours plus tard. C’est à ce moment-là que l’URSS leur demande de se replier sur leur frontière de 1949 en les menaçant d’une riposte nucléaire. Les Etats-Unis font pression de leur côté sur les Français et les Britanniques qui abandonnent l’opération Mousquetaire.
Le succès de cette opération blindée brutale dans le Sinaï va fortement marquer la doctrine militaire israélienne. Moshe Dayan devient par la suite l’un de ses plus fervents promoteurs, allant jusqu’à muter ses meilleurs officiers d’infanterie dans la cavalerie. L’arme blindée de Tsahal va alors jouer un rôle majeur tout d’abord dans la guerre de l’eau de 1964-65 puis pendant la Guerre des Six Jours en 1967.
Au global, l’opération de Suez pour les Occidentaux aura duré une semaine. Par crainte, entre autres d’une escalade entre les deux grandes puissances que sont les Etats-Unis d’un côté et l’URSS de l’autre, les Nations unies optent pour la légitimité égyptienne et rédigent une résolution condamnant l’expédition franco-israélo-britannique. Nombre d’actionnaires, français, britanniques et égyptiens sont donc ruinés puisque l’Egypte refuse de les indemniser. Il s’ensuivra des cas de suicides parmi les anciens actionnaires français, des manifestations devant l’ambassade d’Egypte, des pétitions mais le tout restera sans effet.
Sources :
- TIM n°287 - Texte du capitaine Jean-Baptiste Petrequin.
- Paul Gaujac, Suez 1956, Édition Lavauzelle, 1986.
- Général André Beaufre, L'Expédition de Suez, Bernard Grasset, Paris, 1967.
- Henri Azeau, Le Piège de Suez, Laffont, 1964.