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Publié le 22 Mai 2022

Août 1944 : des résistants et des policiers découvrent les poteaux d’exécution.

Août 1944 : des résistants et des policiers découvrent les poteaux d’exécution.

 

7 – Le Mur d’amiante :

L’une des énigmes du Stand de Tir réside en un épais mur d’amiante, qui se trouvait derrière des poteaux d’exécution du pas de tir à 50 m. Il s’agissait d’un mur assez épais sur une hauteur d’environ 2,50 m et une longueur d’une dizaine de mètres.

 

7.1 – Les traces de mains :

Ce mur comportait de nombreuses traces de mains. Pas de traces laissées à plat, mais enfoncées dans le matériau, comme si l’on avait voulu s’y agripper. Dans son enquête, le commissaire Henri Danty fait la remarque suivante : « Au pas de tir, et sur une longueur de dix mètres, et sur toute leur hauteur, les murs sont tapissés d’une épaisse couche d’amiante et portent jusqu’à une hauteur de 2m50 des centaines d’empreintes de mains ».

Plusieurs hypothèses sont envisageables.

 

7.2 – Caractéristiques du matériau :

D’abord, il semble certain que les personnes qui ont posé ou fait poser ce mur d’amiante connaissaient parfaitement les propriétés du matériau. Des rapports font état des propriétés phoniques de l’amiante. Le mur aurait donc été construit pour limiter les nuisances sonores. De fait, cela peut s’expliquer par la nature même des activités exercées. Pour autant, le mur a-t-il été construit au moment de l’occupation allemande ou avant ? Il convient néanmoins d’indiquer qu’avant la présence allemande aucune note ni rapport ne fait mention de la construction spécifique.

Une deuxième hypothèse, présentée par Adam Rayski dans l’ouvrage Au Stand de Tir consiste en la supposition que les Allemands posèrent ce mur d’amiante et qu’ils le faisaient chauffer grâce à des câbles électriques placés à l’intérieur. Ainsi, monté à haute température, le mur d’amiante permettait d’ôter la vie aux suppliciés qui voulaient s’y accrocher pour échapper aux balles.

Cette hypothèse laisse sous entendre que les fusillés n’étaient pas forcément attachés et les yeux bandés, et que les Allemands pouvaient, par exemple, les faire courir et que les suppliciés s’accrochaient au mur dans l’espoir d’atteindre les soupiraux placés au-dessus du fameux mur. Cette macabre mise en scène est parfaitement illustrée dans le film l’Armée des Ombres de Jean-Pierre Melville, tourné en 1969.

 

7.3 – Une chambre à gaz :

Là encore, il convient d’être très prudent. L’astrophysicien Jean-Pierre Petit a fait des recherches sur le Stand de Tir de Balard. Sur le site internet de son association « Savoir sans Frontières », il commence par mentionner sa propre expérience :

« J’ai été élève à l’Ecole Nationale Supérieure de l’Aéronautique de Paris, Supaéro, de 1959 et 1961. Les élèves de différentes Grandes Ecoles bénéficiaient d’un traitement spécial, vis-à-vis d’une formation prémilitaire (…). Cet entraînement comportait des séances de tir qui se tenaient dans un stand situé à Issy-les-Moulineaux. Je me souviens parfaitement qu’une salle de ce stand était tapissée de grillage, qui retenait, plaqué au mur, d’épaisses plaques d’amiante, qui représente un assez bon isolant phonique. D’après les photographies prises au moment de la Libération de Paris, ce grillage fut apposé après. Un sous-officier, préposé au tir, m’expliqua qu’il s’agissait de traces de doigts des gens qui avaient été gazés dans ce local et qui avaient cherché à grimper au mur pour échapper au gaz mortel ».

Jean-Pierre Petit présente des témoignages :

  • Roger Réant : « Vu de mes yeux sur les lieux des cartouches de Ziklon B, des traces invraisemblables de mains sur le revêtement intérieur installé pour retenir les cris des mourants. Des cercueils en sapin à l’extérieur, des poteaux d’exécution criblés à hauteur des visages. Cette chambre à gaz jouxtait le bâtiment couvert du stand de tir. Elle comportait une fausse cheminée par laquelle un « gestapo » introduisait la cartouche mortelle de gaz. Des ventilateurs après l’exécution vidaient les gaz vers l’extérieur.
  • Maurice Grégoire : « Je soussigné Monsieur Grégoire Maurice, engagé volontaire le 9 octobre 1944 au 117ème Bataillon de l’Air, boulevard Victor à Paris, certifie avoir découvert avec horreur lors de mon arrivée à la caserne las endroits où étaient fusillés les patriotes après leur arrestation. Cinq étaient situés dans le Stand de Tir et quatre dans la chambre à gaz ».
  • Robert Vizet : « Je soussigné, Robert Vizet, parlementaire honoraire, ancien résistant, engagé volontaire pour la durée de la guerre 1939-1945, demeurant route de Villaine à Palaiseau, déclare me rappeler que lorsque j’étais de garde au Ministère de l’Air, en octobre 1944, d’avoir eu l’occasion de visiter le polygone d’Issy-les-Moulineaux où avaient été fusillés des résistants. Loin de là se trouvaient une bâtisse dont l’intérieur était tapissé d’amiante où l’on voyait encore des traces de doigts, de mains qui semblaient exprimer des tentatives de gens qui s’y trouvaient enfermés, pour se hisser vers les soupiraux vitrés mais hermétiquement clos, afin de se soustraire à la suffocation des gaz. C’était, d’après les témoignages de l’époque, une chambre à gaz destinée dans ce secteur à l’extermination certainement de résistants ou de personnes dont les nazis voulaient se débarrasser. C’est vrai que depuis je n’ai pas eu à connaître ce qu’était devenu le lieu de tortures et d’exécutions par les gaz ».

Il est vrai qu’en France occupée existaient des endroits de tortures et des chambres d’extermination (cas d’un camp de travail à Thil et de son four crématoire, près de Longwy). De fait, Adam Rayski dans son ouvrage fait également mention d’une salle, photographie à l’appui, parfaitement isolée du reste du stand, mais qui comportait une installation de fours, « alimentés au gaz ou, éventuellement, au charbon », selon ses propres termes. Il indique également que le pas de tir à 50 m avec son mur d’amiante était bien isolé du pas de tir à 200 mètres. Les suppliciés étaient-ils gazés et / ou leurs restes brûlés ? Nous n’avons pas de preuves irréfutables.

 

8 – Le Stand de Tir ne sera pas classé « Monument historique » :

Dès la fin de la guerre, des voix commencent à s’élever afin de proposer de conserver le Stand de Tir tel quel et d’en faire un lieu de mémoire.

Le 16 février 1946, le ministre de l’Education nationale, Marcel-Edmond Naegelen estime dans une lettre : « qu’il y aurait intérêt de faire classer comme monument historique le Stand de Tir d’Issy-les-Moulineaux afin de conserver dans son état actuel ce lieu qui aurait été le témoin des atrocités allemandes » (document recueilli par Adam Rayski).

Sur ordre du ministre de l’Intérieur, André Le Troquer, une enquête est demandée au préfet de Police de Paris, Charles Luizet, qui la délègue aux Renseignements généraux. Le document, en date du 8 avril 1946, est signé S. Allezain, par délégation du préfet Luizet et mentionne : « Il apparaît que le classement du Stand comme monument historique ne présente plus beaucoup d’intérêt, les traces d’atrocités commises ayant à peu près disparues ».

Le préfet ajoute : « Tour à tour, les marques et traces de la barbarie nazie disparurent : chacun voulant emporter chez lui un souvenir. Ainsi, les marques des mains sur l’amiante furent emportées par les uns. D’autres, stupéfiés par la hauteur des empreintes faites sur l’amiante par les malheureuses victimes dans leurs détentes éperdues s’essayaient à sauter aussi haut qu’elles et détérioraient les véritables marques ».

Il semble qu’André Le Troqueur ait confirmé cette décision.

Une précision s’impose : dans les mois qui suivent la Libération de Paris, le préfet Luizet est chargé par le général de Gaulle de remettre en marche l’Etat et principalement la préfecture de Police de Paris. Avec pour objectif secondaire d’afficher une volonté de réconciliation. Car des tensions existent, et elles sont importantes, entre les représentants des Forces Françaises de l’Intérieur (comprenant entre autres les résistants communistes ex-Francs Tireurs Partisans), les gaullistes, les représentants de l’administration, ceux qui se découvrent un passé de résistant... L’heure est également à l’épuration des personnes ayant collaboré avec les autorités allemandes. Mais à quel niveau de collaboration, un Français doit-il être jugé ? Un fonctionnaire qui a fait son devoir, c’est-à-dire obéi à sa hiérarchie, doit-il pour autant être considéré comme collaborateur de l’Allemagne nazie ? Les débats commencent, comme les procès, et un grand nombre de déclarations s’avère gênante. Vengeances personnelles, dénonciations, abus, lettres anonymes reprennent de plus belle, comme au temps de l’Occupation… Cela n’empêche pas la prononciation de près de 100.000 condamnations.

 

9 – L’inauguration de la plaque commémorative en 1961 :

Le 23 avril 1961, trois avant la destruction du Stand de Tir, une plaque commémorative est inaugurée à l’initiative de l’Association des familles de fusillés. La plaque rappelant les noms des 143 martyrs est placée sur le mur du parking du ministère de l’Air (Base Aérienne 117). Adam Rayski rappelle que cette association bénéficia des appuis des mairies du XVème arrondissement de Paris et d’Issy-les-Moulineaux.

Ce jour-là, Madame Decourdemanche, ancienne résistante, termine son discours par ces mots : « N’oubliez pas votre devoir de Mémoire ».

 

10 – La destruction de 1964 :

Une note du 14 février 1963 du Bureau Génie de la Direction de l’Infrastructure expose les conséquences en termes de superficie pour la construction de nouveaux bâtiments (« Casernement définitif de la B.A. 177 » – Base Aérienne). Précisément, pour construire les bâtiments nécessaires pour accueillir 500 sous-officiers, 2.000 hommes de troupe, un réfectoire, un mess (et d’autres bâtiments de services généraux), une surface de 4,7 hectares est indispensable De ce fait, il convient de prendre les parcelles, dénommées A, B et C. Le Stand de Tir est placé sur la parcelle A.

Dans une note du 24 juin 1964, le Bureau Travaux de la Direction de l’Infrastructure de l’Armée de l’Air, ayant pour objet le Déplacement du Stand de Tir dit « de la Porte de Sèvres », indique ceci :

  • « relatives au déplacement du Stand de Tir dit « de la Porte de Sèvres » dont le terrain d’emprise doit servir d’assiette à certaines installations du Casernement définitif du B.A. 117 ».
  • « Il est précisé que la zone concernée est destinée » (…) « à l’édification d’un bâtiment services généraux et logement troupe ».
  • « il conviendrait que soient examinés dès à présent les problèmes de principe posés par le transfert du Stand de Tir en cause ».

Un peu plus loin, le Bureau Travaux propose d’envisager le transfert du Stand de Tir sur la Base Aérienne de Villacoublay, « moyennant une participation financière de l’ordre de 1 million de francs au titre de la Section AIR ». Le colonel Arpurt, Chef du Bureau Militaire de la Direction de l’Infrastructure approuve cette note transmise à l’Etat Major pour avis.

Nous n’avons pas trouvé les éléments de réponse de l’Etat Major. Quoi qu’il en soit, par la suite, le transfert à Villacoublay est annulé et le Stand de Tir est bel et bien détruit pour être remplacé par les bâtiments dont il est question dans la note de juin 1964.

 

11 – Commémorations :

Depuis l’inauguration de la plaque de 1961, des commémorations ont régulièrement lieu à l’endroit où se trouvait le Stand de Tir. Elles sont l’œuvre de la mairie de Paris, du Souvenir Français du 15ème arrondissement, des associations d’Anciens Combattants.

 

Sources :

  • Journal d’Issy-les-Moulineaux « Point d’Appui » de novembre 2003.
  • Recherches du général de brigade aérienne Jean-Claude Ichac.
  • Archives militaires.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Encyclopédie Larousse.
  • Archives du Souvenir Français – Comité d’Issy-Vanves.
  • Livre « Au Stand de Tir » d’Adam Rayski.
  • La France au combat (éditions Perrin), Georges Caïtucoli.

 

 

La plaque commémorative et le mur d'amiante.
La plaque commémorative et le mur d'amiante.

La plaque commémorative et le mur d'amiante.

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Publié le 22 Mai 2022

Le Stand de Tir de Balard – 1.

 

1 – Création du Stand de Tir :

Le Stand de Tir de Balard fut créé en 1938 sur les terrains de l’Ecole Supérieure de l’Aéronautique. Il était destiné à l’entraînement des jeunes militaires. Les policiers venaient également s’y entraîner. Nous n’avons pas trouvé les raisons qui expliquent le choix de l’emplacement. Le Stand de Tir comportait deux pas de tir : le premier à 200m et le second à 50m.

 

2 – Lieu d’implantation :

Le lieu d’implantation du Stand de Tir a fait couler beaucoup d’encre. Etait-il sur la commune de Paris ou d’Issy-les-Moulineaux ? Les deux serions-nous tentés d’écrire. En fait, le Stand de Tir fut bâti sur l’ancien Champ de Manœuvres, endroit fort connu des anciens isséens, et qui fut berceau de l’aviation. Ce camp d’essais était situé à cheval sur les deux communes actuelles.

La localisation exacte du Stand de Tir, comme le montre le plan ci-après le situent juste au-dessus de l’actuel boulevard périphérique, à gauche de l’avenue de la Porte de Sèvres, quand on vient d’Issy. Plus précisément, il se situait sur la parcelle Ouest (dénommée également Parcelle A par les services de la Direction de l’Infrastructure de l’Armée de l’Air).

Un plan de 1963 montre également que le Stand de Tir se situait au sud des Services Techniques de la Marine Nationale.

 

3 – L’occupation allemande de 1940 et 1941 :

Après l’invasion de mai 1940, l’ensemble des bâtiments du ministère de l’Air et ceux jouxtant ce ministère, sont occupés par la Lutwaffe. L’armée et la police allemande s’installent dans plusieurs endroits de la capitale (hôtels, casernes, bâtiments administratifs) ; le plus célèbre étant l’hôtel Meurice sur la rue de Rivoli.

Depuis 1939, la police allemande est composée de la Geheime Staatspolizei (Gestapo – police secrète d’Etat) et du Sicherheitsdienst (SD – Service de Sécurité) de la SS (Schutzstaffel – initialement chargé de la protection du Führer, Adolf Hitler, puis devenu véritable Etat dans l’Etat). L’ensemble porte le sigle RSHA (Reichssicherheitshauptamt – Direction de la Sécurité du Reich).

Au départ, la Résistance française se manifeste principalement à l’extérieur, sous l’égide du général de Gaulle. C’est cette puissance qu’on appelle la France Libre, composée des Forces Françaises Libres. Peu à peu, d’abord sous forme d’actions de renseignement avant de passer à des actions de sabotage, d’exécution ou de signes contre l’Allemagne nazie, la Résistance française se montre également à l’intérieur du territoire national, que ce soit en Zone Occupée ou en Zone Libre.

 

4 – Le « tournant » de 1942 :

1942 marque un tournant. Il s’agit de la conjonction de la nomination d’un nouveau chef pour la police allemande, la collaboration accélérée et systématique de la police française et l’unification de la Résistance française par le préfet Jean Moulin, donc des actions de plus en plus visibles.

 

4.1 – L’application du décret d’Adolf Hitler :

Le 9 mars 1942, Adolf Hitler signe un décret qui dote la France d’un Chef suprême des SS et chef de la police, en la personne de Karl Oberg. Ce chef est en outre chargé d’organiser les rapports avec la police française.

Dès le mois d’avril, la Gestapo s’introduit en Zone Libre et commence ses enquêtes. Le décret entre en application en mai ; en juin, Karl Oberg prend ses fonctions (identiques à celles d’Himmler en Allemagne) et s’installe boulevard Lannes. Sous son commandement, deux entités sont créées : le BdS (Befehlshaber der Sicherheitspolizie und des Sicherheitsdienstes – 2.500 hommes), dont le quartier général se trouve avenue Foch (Helmut Knochen en est le directeur), et l’Ordnungspolizei (ORPO, de l’ordre de 2.400 hommes), dont le chef est von Schweininchen et qui s’installe rue de la Faisanderie.

En juillet 1942, Karl Oberg rencontre René Bousquet, Secrétaire général de la police française depuis le mois d’avril Ils se mettent d’accord pour collaborer. Adam Rayski, dans son ouvrage Au Stand de Tir en reprend les éléments principaux :

  1. « Autant que possible, communication au préalable au Secrétaire Général à la Police, de toutes les mesures de principe qui touchent le travail commun.
  2. Communication à la Police française, des instructions d’ordre général, par la voie administrative française, pour autant que l’urgence ne s’oppose pas à cette réglementation, et ceci pour obtenir une direction unifiée et énergique de la Police française.
  3. Collaboration étroite entre les Commandants de la Police de la Sûreté, les Commandants des S.S., les préfets régionaux et les services subalternes de la police, pour l’exécution de toutes les mesures policières.
  4. Il est posé en principe que les mesures de représailles (exécutions et déportation) seront exercées, à l’avenir, seulement à l’égard des personnes qui n’auront été ni désignées par la police française aux services dépendant du Commandement des S.S. et du Chef de la Police, ni arrêtées par elle.
  5. Poursuite, par les autorités françaises, des délits politiques qui ne sont pas dirigés directement contre les intérêts du Reich allemand.
  6. Armement meilleur de toute la police française.
  7. Création de groupes mobiles de réserve.
  8. Création d’écoles pour augmenter le rendement et la puissance de choc dans la lutte contre les ennemis communs ».

De plus, dans une ordonnance, Karl Oberg écrit :

« J’ai constaté que ce sont souvent les proches parents d’auteurs d’attentats, des saboteurs et des fauteurs de troubles, qui les ont aidés avant ou après leur forfait. Je me suis donc décidé à frapper des peines les plus sévères non seulement les auteurs mais aussi, au cas où ils seraient en fuite, les familles des criminels s’ils ne se présentaient pas dans les dix jours à un service de la police allemande ou française. En conséquence, j’annonce les peines suivantes :

  1. Tous les proches parents masculins, les beaux-frères et cousins des fauteurs de troubles au-dessus de l’âge de dix-huit ans seront fusillés.
  2. Toutes les femmes parentes au même degré, seront condamnées aux travaux forcés.
  3. Tous les enfants de toutes les personnes ci-dessus âgés de moins de dix-huit ans seront confiés à une maison de redressement. »

 

4.2 – La réorganisation de la police française :

René Bousquet a donc été nommé Secrétaire général de la police en avril 1942. Il commence par la réorganiser ainsi :

  • La loi du 23 avril 1941 créé la police nationale avec trois sections :
    • La Sécurité publique pour le corps de police urbains.
    • La police judiciaire (connue sous le nom de son sigle – PJ).
    • Les Renseignements généraux (RG).
  • Dissolution de la police anti-juive et son remplacement par les Brigades Spéciales (BS) des Renseignements généraux : 10 % des effectifs de chaque commissariat est dédié à la traque des ennemis du régime : dissidents, prisonniers évadés, juifs, résistants, puis, plus tard, les réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire).
  • Création des Groupes mobiles de réserve (GMR, dont l’idée sera reprise plus tard au moment de la création des CRS – Compagnies républicaines de sécurité). Enfin, une école de la police nationale est ouverte à Lyon. Plus tard, l’ensemble du dispositif sera complété par l’ajout de la Milice, mise au point par Joseph Darnand.

Avec son adjoint Jean Leguay, René Bousquet va ouvrir la voie à la collaboration active avec Karl Oberg. Les conséquences immédiates de cette collaboration sont :

  • Pierre Laval, chef du Gouvernement de Vichy, annonce à la radio la mise en place de la « Relève », qui engendrera le STO : pour trois travailleurs français partant en Allemagne, aider à l’effort de guerre, un prisonnier de l’Armée française sera libéré. « Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que sans elle le bolchévisme s’installerait partout » ajoute-t-il.
  • La Rafle du Vel’ d’hiv – juillet 1942 au Vélodrome d’Hiver à Paris, situé à l’angle du boulevard de Grenelle et de la rue Nélaton – où 12.884 juifs sont rassemblés avant d’être envoyés vers les Camps de la mort.
  • Une chasse active envers tous les « terroristes » qui œuvrent contre les intérêts du Reich et de ses alliés.
  • La trahison de l’Etat français à l’encontre des populations juives de la Zone libre : Pierre Laval, chef du Gouvernement de Vichy fait livrer des milliers de juifs réfugiés dans cette zone.

Il faut ajouter que la rue Lauriston, donc à quelques encablures de Balard, abritait la Carlingue, officine dirigée par l’ancien policier Jacques Bonny et son adjoint, Henri Lafont, et qu’à ce moment-là, elle va considérablement aider les Allemands dans la traque des Résistants et des « terroristes ».

 

4.3 – L’unification et l’intensification des actions de la Résistance française :

Dans l’ouvrage La France au combat (éditions Perrin), Georges Caïtucoli, ancien de la France Libre, écrit ceci : « Au début de 1942, la Résistance est sortie de la phase initiale caractérisée par la multiplication d’initiatives isolées et fragiles. »

Des groupes comme Libération-Nord, l’Organisation Civile et Militaire, Front National s’organisent et font parler d’eux en Zone Occupée. D’actions de contestations (placardage d’affiches, mise en point de journaux clandestins), elles se transforment en acte de sabotage et d’assassinats, même si le total de 200 soldats allemands tués dans toute l’année 1942 peut apparaître comme infime.

 

5 – Les bourreaux du Stand de Tir :

Dans son livre, Adam Rayski présente les bourreaux du Stand de Tir. Il s’agit de la GFP et de groupes associés, appuyés et renseignés par la police française.

En 1942, Karl Oberg fait renaître à Paris la GFP (Geheime Feld Polizei), police militaire secrète, organe exécutif de l’Abwehr, contre-espionnage du Reich. Il s’agit d’accélérer la traque des Résistants.

Le « groupe 6/10 » est créé : il s’agit d’un « Kommando für Kapital Verbrechen », ou crime suprême, dont les hommes vont administrer le Stand de Tir en véritables barbares. En cela, ils seront aidés pour les filatures, les traques, les interrogatoires et les tortures par la Brigade Spéciale n°2 de la préfecture de Police de Paris.

 

6 – Les victimes :

A ce jour, nous n’avons pas trouvé les raisons qui poussaient les autorités allemandes à choisir le Stand de Tir ou le Mont Valérien, ou d’autres lieux encore, pour exécuter les Résistants et prisonniers.

Au Stand de Tir, 143 personnes (répertoriées) sont fusillées entre 1942 et 1944. Sur ces 143 personnes, 54 avaient moins de 25 ans, 22 avaient entre 18 et 20 ans, 4 n’avaient que 17 ans.

Les massacres commencent le 6 juillet 1942. Certaines journées voient les exécutions se succéder sans interruption : 6, le 20 août 1942 ; 12, le 28 août 1942 ; 17, le 5 octobre 1942 ; 15, le 21 octobre 1942 ; 16, le 7 mars 1944.

 

Parmi les fusillés, il convient de citer :

  • Les martyrs du lycée Buffon : Jean-Marie Arthus (15 ans), Jacques Baudry (18 ans), Pierre Benoît (15 ans), Pierre Grelot (17 ans) et Lucien Legros (16 ans).
  • Robert Beck, qui dirige un réseau de renseignements pour le compte de l’Internationale communiste.
  • Charles Bergeyre. En février 1941, il participe aux sabotages des usines Renault et protège la manifestation du 14 juillet 1942.
  • André Bernardeau, qui fait partie de Résistance-Fer.
  • Mary-Emile Besseyre, un des responsables des FTP (Francs-Tireurs et Partisans) de Paris, avec Gaston Carré et Raymond Losserand. Ils seront tous les trois fusillés.
  • Gaëtan Charpentier, membre du réseau Hector.
  • Georges Demesy, responsable des FTP de Villiers-sur-Marne.
  • René Dervaux, médecin engagé aux FTP en 1941.
  • Fernand Drouin, officier du 2ème Bureau de l’Air, agent de renseignement ayant, entre autres, organisé le passage de parachutistes anglais et canadiens en Zone libre.
  • Engros : famille de trois frères : Marcel, né le 20 décembre 1917, exécuté au Mont-Valérien le 23 mars 1942 ; Lucien, né le 15 mai 1920, torturé et massacré au Stand de Tir, le 28 août 1942 ; André, né le 21 novembre 1926, condamné à mort et fusillé au Mont-Valérien le 19 janvier 1943. Leur mère disparaît mystérieusement pendant cette période et n’a jamais reparue. Adam Rayski évoque l’hypothèse d’un rapt et d’une élimination par la Gestapo.
  • Maurice Feld, qui participe de nombreuses actions contre la Wehrmacht.
  • Fontaine père et fils : Jules Eugène, 39 ans, responsable FTP pour la région de Fougères, et son fils, Roger Joseph, 17 ans – mais 13 ans au moment de son entrée dans la Résistance – sont arrêtés en novembre 1943, alors qu’ils ont derrière eux plusieurs actes de sabotage, des déraillements, des coups de mains et des attaques à la grenade contre la feldgendarmerie locale.
  • René Froment, pilote d’essai, membre du réseau du Musée de l’Homme.
  • Georges Herrewyn, commissaire – lieutenant – aux opérations régionales (Bonnières, Mantes, Sartrouville, Versailles, Conflans) des FTP.
  • Raymond Jaclard, 24 ans, très tôt engagé dans les combats de la Guerre d’Espagne, il poursuit son engagement après 1940.
  • Ernest Julien Laval, tourneur, membre du réseau Front National.
  • René Legrand, Directeur de Service à la Compagnie France Navigation.
  • Emile Louys, capitaine au ministère de l’Armement, membre du BCRA (Bureau Central de Renseignements et d’Action), service monté par le colonel Passy, alias André Dewavrin, sous l’autorité du général de Gaulle.
  • Pierre Rebière, il participe à la Guerre d’Espagne – il est blessé à Madrid en 1937 – dans les Brigades Internationales. Il fait partie des créateurs de l’Organisation Spéciale, puis des FTP, dont il entraîne les premières troupes.
  • René Rodier, jeune résistant FTP sous les ordres du colonel Fabien.
  • Rémy Roussel, membre du réseau de résistance Libération-Nord, chef de groupe FTP.
  • Cadix Sosnowski, 17 ans, étudiant, membre de l’Union de la Jeunesse Juive, il s’engage dans un groupe de FTP d’Issy-les-Moulineaux.
  • René Vouhe, il s’engage dans les FTP en décembre 1941 sous les ordres de Jean Debrais.

 

 

Emplacement du Stand de Tir et martyrs du lycée Buffon.
Emplacement du Stand de Tir et martyrs du lycée Buffon.

Emplacement du Stand de Tir et martyrs du lycée Buffon.

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Publié le 27 Juillet 2021

Stèle à la mémoire des victimes de la Shoah.

Stèle à la mémoire des victimes de la Shoah.

Histoire.

Le cimetière parisien de Bagneux est l’un des six cimetières parisiens extra-muros. Il comporte 83.000 concessions ou sépultures. Les autres sont : Pantin (200.000), Thiais (150.000), Ivry-sur-Seine (48.000), Saint-Ouen (46.000) et La Chapelle (La Plaine Saint-Denis avec 3.300 sépultures).

Un décret de 1884 déclare d’utilité publique l’établissement d’un cimetière parisien sur le territoire de Bagneux, par suite de l’accroissement de la population parisienne, et la généralisation des concessions individuelles. La ville de Paris fait donc l’acquisition d’un terrain de 62 hectares et la commune de Bagneux doit céder deux voies sur le terrain. Il est ouvert en novembre 1886, en même temps que le cimetière de Pantin.

Ce cimetière comporte des sépultures individuelles, de toute confession, ou pas, des carrés militaires de 1870-71, 1914-1918, 1939-1945. Là sont enterrés des soldats français, belges, anglais et aussi allemands.

Mais ce qui fait la caractéristique du cimetière parisien de Bagneux est l’importance des sépultures, des stèles et des monuments juifs.

 

Le cimetière juif de Paris.

Ce cimetière comporte donc de nombreuses sections réservées aux israélites. Mais il comporte également toute une série de tombes collectives appartenant à diverses sociétés de secours mutuel destinées à assurer une sépulture digne aux pauvres et à ceux qui ne sont pas revenus des camps de la Mort.

Ces plaques et monuments sont près d’une cinquantaine. Parmi ceux-ci et qui font l’objet ci-après des photographies, on peut citer :

  • Monument commémoratif Blechhammer Auschwitz III : "A la mémoire de nos martyrs victimes de la barbarie nazie Blechhammer Auschwitz III 1942-1945".
  • Monument commémoratif des originaires de Sterdyn (une centaine de kilomètres au nord de Varsovie).
  • Stèle commémorative Biala Podlaska (est de la Pologne).
  • Stèle commémorative de la société Tsedoko Tatsil Mimoves : « Société Tsedoko Tatsil Mimoves - Souvenez-vous, regrets - A la mémoire de nos chers déportés, victimes de la barbarie nazie ».
  • Stèle commémorative de la ville de Chmielnik (nord de Cracovie).
  • Stèle commémorative « Les amis de Olkusz » (sud de la Pologne).
  • Stèle commémorative « Les amis de Paris » : « Les amis de Paris à la mémoire de ses membres et de leurs familles victimes du nazisme 1940-1945 ».
  • Stèle commémorative « Les amis de Varsovie ».
  • Stèle commémorative des boulangers et pâtissiers juifs : « A la mémoire des boulangers et pâtissiers juifs de Paris morts en déportation et fusillés par les nazis 1939-1945 ».
  • Stèle commémorative des déportés bessarabiens.
  • Stèle commémorative des originaires de Czenstochowa (sud de la Pologne).
  • Stèle commémorative des originaires de Zapambo : « Les originaires de Zapambo : A la mémoire des déportés de leur ville et de France victimes du nazisme 1939-1945" - Sur ce monument figurent : 15 personnes déportées de France mais aussi 62 personnes sous l'intitulé : « Nos parents massacrés à Zaremby ».
  • Stèle commémorative des victimes de la Shoah.
  • Stèle commémorative les amis de Wloclawek (centre de la Pologne).
  • Stèle commémorative de l'union des amis de Lodz : « Union des amis de Lodz - Que le souvenir de nos martyrs reste à jamais gravé dans nos cœurs - A la mémoire de nos 230.000 compatriotes de Lodz, de nos chers sociétaires, parents, frères, sœurs, enfants et amis martyrisés et sauvagement exterminés par les barbares hitlériens - 1939-1945 ».

Un dernier point : le cimetière a fait l’objet d’immondes profanations de nature antisémite en avril 1981.

 

Sources :

  • Ville de Bagneux.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Site Mémorial Gen Web.
  • Les clichés sont de Claude Richard.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.
Le cimetière parisien de Bagneux.

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Publié le 25 Avril 2021

La statue de Napoléon à Courbevoie.

Le 16 avril 1821, l’empereur Napoléon Ier, prisonnier depuis cinq années sur l’île de Sainte-Hélène, fait écrire dans son testament : « Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé ». Il rend son dernier soupir quelques semaines plus tard, le 5 mai 1821.

Charles Emile Seurre (1798-1858) est un sculpteur français. Il a été l’élève du maître Pierre Cartellier, qui lui-même a été l’un des artistes les plus en vogue pendant l’épopée napoléonienne, devenant membre de l’Institut (Section Beaux-Arts) en 1810.

En 1833, Seurre, prix de Rome en 1824 pour son œuvre La Tunique de Joseph rapportée à Jacob, réalise une statue de Napoléon. Elle mesure quatre mètres de haut, pèse près de cinq tonnes et a été fabriquée à partir de bronze provenant de la fonte de seize canons russes et autrichiens de la campagne de 1805, et qui étaient jusqu’alors conservés à l’arsenal de Metz. La statue représente l’Empereur en colonel des chasseurs à cheval de la Garde, avec bicorne, redingote et la main traditionnellement glissée dans le gilet.

L’œuvre est placée en haut de la colonne Vendôme et est inaugurée le 28 juillet 1833 en présence de Louis-Philippe, roi des Français.

Trente années plus tard, Napoléon III, empereur et neveu de Napoléon Ier, décide de remplacer la statue de la colonne Vendôme par un napoléon impérial, drapé à l’antique. Il se souvient du testament de son oncle et fait donc déplacer l’œuvre de Seurre au rond-point de Courbevoie, sur les bords de la Seine.

Mais le malheur arrive sept années plus tard : pendant le siège de Paris, la statue est retirée de son piédestal puis immergée dans les eaux de la Seine. S’agit-il d’une manœuvre volontaire de la part des anti-bonapartistes ? Une décision du maire de Paris Etienne Arago pour éviter que les Prussiens ne s’en emparent ? S’agit-il d’un tragique accident ? Les avis des historiens divergent.

Après quatre mois passés dans la Seine, l’œuvre de Seurre est retirée et placée dans un dépôt de l’Etat. Elle y est restaurée. En 1912, le général Niox, gouverneur des Invalides et directeur du musée de l’Armée, décide de faire placer la statue à l’entrée de la cour d’honneur de l’Hôtel des Invalides, au-dessus du portail de l’église des soldats.

A Courbevoie, on n’a pas oublié l’Empereur : en 1980, un monument de marbre est réalisé par Raymond Puccinelli. Il s’intitule : Mémorial du retour des cendres de Napoléon. Il rappelle qu’en 1840, lors de l’expédition de la Belle-Poule, c’est à cet endroit que le cercueil de l’Empereur fut débarqué avant son dernier voyage pour les Invalides. Non loin de l’ancien emplacement de la statue de Seurre.

Quant à celle-ci, elle est restaurée en 2015 et s’apprête à accueillir les cérémonies du bicentenaire de la mort de l’Empereur.

 

 

 

Sources :

La statue de Napoléon à Courbevoie.
La statue de Napoléon à Courbevoie.

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Publié le 3 Avril 2021

Les lieux de mémoire du département : le musée des Gardes Suisses de Rueil.

Dans la série des lieux de mémoire du département, il convient de noter le musée des Gardes suisses de Rueil-Malmaison.

 

Le musée.

Le musée des Gardes suisses, fermé actuellement du fait des conditions sanitaires, est situé à Rueil-Malmaison, dans l'ancienne caserne des gardes suisses, corps d'élite de l'Ancien régime chargé d'assurer la garde et la protection du roi. La caserne des Gardes suisses à Rueil-Malmaison est appelée aussi Caserne Guynemer.

Au travers d'objets et costumes ayant appartenu aux Gardes suisses, le musée retrace l'histoire de ce régiment créé par Louis XIII en 1616.

L'architecte Charles Axel Guillaumot construit en 1756 la caserne de Rueil, en même temps et sur le même modèle que celles de Courbevoie et de Saint-Denis. Elles étaient destinées à abriter des gardes suisses. Caserne agrandie au début du 19e siècle. Autour de l'ancienne caserne Guynemer les nouveaux bâtiments sont construits en 1950. Le musée est situé à côté de la caserne de Rueil-Malmaison (caserne Guynemer) qui est la seule des trois casernes à exister encore aujourd'hui et qui est d'ailleurs classée monument historique depuis 1974.

 

Pourquoi des Suisses ?

Au XVe siècle, la Suisse est un pays pauvre dont les hommes émigrent facilement pour devenir soldats. Courageux, robustes et instruits militairement, ces hommes sont très recherchés par les princes. Louis XI (1423-1483), à l’âge de 20 ans, dauphin de France, assistant à la bataille de St Jacques sur La Birse, est conscient des qualités militaires des soldats suisses. Aussi, est-il le premier roi de France à pratiquer l’alliance avec les cantons helvétiques et à y recruter massivement, en accord avec les autorités locales, notamment pour sa guerre contre Charles le Téméraire qu’il gagne grâce à ses nouveaux alliés.

Suite à des malentendus, François 1er doit combattre les Suisses à Marignan en 1515. Vainqueur grâce à sa très belle artillerie, il veut la réconciliation et signe avec les cantons suisses la Paix Perpétuelle en 1516, suivie du Traité d’Alliance en 1521. Cette paix est respectée par la France et la Suisse jusqu’en 1792 et l’alliance confirmée périodiquement par la signature de capitulations. Ce mot vient du latin « capitula » qui signifie chapitres, traités établissant entre les deux parties des règles bien précises. Ainsi les régiments levés en Suisse doivent-ils être commandés par des officiers suisses.

Le nombre de Suisses ayant choisi de servir les Rois de France pendant trois siècles et demi est estimé à un million de soldats dont six cent mille sont morts au combat ou des suites de leurs blessures.

Parmi les différents régiments, celui des Gardes Suisses est un régiment d’élite devenu permanent en 1616. Formé de soldats de grande taille, triés sur le volet, il a été chargé jusqu’à la fin de l’Ancien Régime d’une triple mission :

  • garde et service d’honneur auprès du Roi, à l’extérieur des châteaux royaux avec le régiment homologue des Gardes Françaises ;
  • maintien de l’ordre à Paris et en Ile de France ;
  • participation à la guerre en première ligne, comme les Gardes Françaises, pour une partie, au moins, du régiment.

Jusqu’en 1755, il n’y a pas de casernes pour ces soldats en région parisienne. Ils sont logés chez l’habitant. Il y a une compagnie à Rueil, et d'autres à Vanves, Issy, Colombes, Argenteuil, Saint Denis… L’arrivée des Gardes Suisses à Rueil s’est faite dès le début de la création du régiment et leur présence a été constante jusqu’au drame du 10 août 1792 (leur massacre aux Tuileries). Deux cents militaires vont cohabiter pendant plus d’un siècle avec la population du village de Rueil estimée à 1300 habitants vers 1700.

Puis, en 1755, selon la volonté de Louis XV, trois casernes identiques sont construites à Rueil, Courbevoie et Saint Denis. Elles reçoivent chacune, au minimum, un bataillon de gardes. A Rueil, c’est désormais presque un millier de militaires qui vont vivre en symbiose avec les Rueillois, représentant le quart, environ, de la population totale. Sur le plan économique, c’est une aubaine : tailleurs, cordonniers, couturières, cabaretiers… assurent les besoins d’une clientèle qui peut payer. D’autre part, les Suisses achètent des maisons, des terrains, des vignes. Les soldats, peu occupés à la caserne, exercent une foule de petits métiers civils qu’ils conserveront à la fin de leur carrière militaire. Il y a aussi des retombées démographiques : mariages entre Suisses et Rueilloises, naissances de futurs jeunes gardes… A la veille de la Révolution, les baptêmes, mariages et décès figurant sur les registres paroissiaux de Rueil concernent des Suisses dans la proportion de 10 à 12 %. Il n’est pas rare de trouver sur les actes de baptême de petits Rueillois un nom de parrain ou de marraine suisse.

 

Informations pratiques.

Les visites se font sur rendez-vous pour les particuliers et les groupes à partir de 10 personnes. L’adresse du musée au 5 place du général Leclerc 92500 Rueil-Malmaison.

 

 

Sources :

 

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Publié le 25 Juillet 2020

Mémorial de la Déportation des juifs des Hauts-de-Seine.

Mémorial de la Déportation des juifs des Hauts-de-Seine.

Histoire du parc de Sceaux.

Au XVe siècle, le futur parc de Sceaux est un domaine agricole de quelques hectares qui s'étend peu à peu au fil de la succession des propriétaires. C'est en 1670 que le parc entre dans l'histoire : Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des Finances du Roi-Soleil, achète le domaine pour le transformer en un lieu de prestige. Il fait restaurer, agrandir la demeure, construire le Pavillon de l'aurore et aménager un jardin. Charles Le Brun, le grand peintre et décorateur de Louis XIV, participe au projet, tandis que les sculpteurs Antoine Coysevox et François Girardon exposent leurs oeuvres dans le parc. Celui-ci est confié à André Le Nôtre, créateur des principaux jardins classiques du XVIIe siècle.

Profitant de sa position élevée, le château propose un parti paysager autour d'une double perspective, l'une dans l'axe du château, la seconde perpendiculaire, réservant la découverte d'une grande cascade qui se prolonge par le bassin de l'Octogone. Ces agencements sont agrémentés de végétaux en parterres ou taillés en rideaux et de nombreux jeux d'eau. 

A la mort de Colbert, son fils, le marquis de Seignelay, acquiert de nombreux terrains et le domaine atteint alors 220 hectares. André Le Nôtre intervient à nouveau et redessine le jardin en créant le Grand Canal. L'architecte Jules Hardouin-Mansart édifie l'Orangerie, dont on peut encore admirer aujourd'hui la plus grande partie du bâtiment.

Le duc et la duchesse du Maine héritent de la magie de ces lieux et y organisent des divertissements dont les "Nuits de Sceaux", demeurées célèbres.

Au XVIIIe siècle, la Révolution entraîne la destruction presque totale du site et son rachat par un riche exploitant agricole, Hyppolite Lecomte. Le duc de Trévise, qui épouse la fille Lecomte en 1828, entreprend la restauration du Domaine. Il fait reconstruire un château de style néo-Louis XIII et retracer les grandes lignes du jardin.

La première guerre mondiale met fin à ce renouveau et il faut attendre 1923 pour que le département de la Seine achète le domaine et protège le patrimoine historique. Les bâtiments et sculptures sont classés Monuments historiques en 1925.

 

Le parc de Sceaux : lieu de mémoire.

 

Dans la partie ouest du parc se trouve le Mémorial de la déportation des juifs des Hauts-de-Seine. Réalisé en fonte de fer, ce mémorial appelé « le Pupitre des étoiles », est l’œuvre du sculpteur Christian Lapie. D’imposantes statues, à forme humaine à peine ébauchée, sont réparties dans une clairière de bouleaux évoquant les lieux de déportation de l’Europe de l’Est.

Au nombre de douze, de tailles différentes, elles symbolisent les douze fils de Jacob, ancêtres des douze tribus d’Israël. Sept d’entre elles sont regroupées, à l’image d’une famille, au centre de quatre pupitres sur lesquels ont été gravés les noms des 972 victimes de la Shoa originaires des Hauts-de-Seine. 

 

L'aigle d'Arménie, oeuvre du du sculpteur Rast-Klan Toros illustre le centenaire du génocide des arméniens de 1915. Cette sculpture représente un aigle au corps d'homme : « la force d'un peuple vivant », selon Wissam Nehmé, président du Club Franco-Arménien d'Antony et conseiller municipal. « Ce monument est un acte de résistance » a conclu Patrick Devedjian, alors président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine.

 

 

Sources :

 

  • Photo du mémorial juif = blog sur la parc de Sceaux – parc-de-sceaux.kazeo.com
  • Photo du mémorial arménien = domaine-de-sceaux.hauts-de-seine.net
  • Site du Conseil départemental des Hauts-de-Seine : www.hauts-de-seine.fr

 

Mémorial du génocide arménien de 1915.

Mémorial du génocide arménien de 1915.

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Publié le 30 Janvier 2016

La caserne Guynemer de Rueil-Malmaison.

La caserne des Gardes suisses.

En 1754, le roi Louis XV confie à l’architecte suédois Charles-Axel Guillaumot (il est né à Stockholm de parents français) la construction de trois casernes – Saint-Denis, Courbevoie et Rueil – pour les Gardes suisses.

Les Gardes suisses sont des unités militaires de mercenaires suisses, qui sont alors employés, sous forme de contrats de louage, par des souverains pour leur protection ainsi que pour la garde de leurs résidences. On les trouve auprès de nombreuses cours européennes à partir du 15e siècle jusqu’au 19e siècle en France, en Autriche, en Savoie ou encore à Naples. Aujourd’hui, le seul Etat à avoir conservé des Gardes suisses est le Vatican.

Dans les années qui suivent la construction, et principalement après la Révolution française, les Gardes suisses sont remplacés par des Gardes français, puis consulaires puis impériaux. Ainsi, grenadiers et voltigeurs se succèdent pendant plus d’un siècle jusqu’à l’invasion prussienne de 1870, date à laquelle l’empereur Guillaume 1er fait installer des gardes allemands dans cette caserne.

Différents régiments y stationnent jusqu’en 1914, date à laquelle s’y installent un détachement du 8e régiment du génie, un détachement de la Légion étrangère et le 10e régiment d’artillerie coloniale. Ces unités vont occuper les lieux jusqu’en 1940. Par la suite, et pendant quatre ans, l’armée allemande occupe la caserne.

En 1944, au moment de la Libération, le « bataillon Marianne » composé de 229 volontaires de la commune y est constitué. Engagé, il participe aux campagnes des Ardennes, d’Alsace et d’Allemagne, où il stationne comme troupe d’occupation. Ensuite, et jusqu’en 1948, la caserne Guynemer sert de magasin à l’armée de l’Air avant que le 3e régiment d’infanterie coloniale ne s’y implante pour… mieux la quitter une fois devenu le 23e RIMa !

En 1962, la caserne Guynemer accueille le dépôt central des isolés militaires, qui deviendra le Groupement Administratif du Personnel Isolé (GAPI) le 1er août 1972. En 1968, le district de Paris y loge une antenne ; en 1978, le Centre de Formation et de Perfectionnement des sous-officiers musiciens de l’armée de Terre s’y installe puis la DMD des Hauts-de-Seine et enfin en 1989, c’est au tour du chœur de l’Armée française d’occuper les locaux pour partie.

Classée monument historique en 1974, elle avait reçu le nom de Guynemer à la fin de la Première Guerre mondiale. A ce jour, c’est la seule des trois casernes de Guillaumot à être encore bâtie.

Le capitaine Guynemer.

Né à Paris en 1894, Georges Guynemer entre en 1914 à l’école d’aviation de Pau, en qualité d’élève mécanicien. L’année suivante, après avoir obtenu son brevet de pilote militaire à l’école d’Avord, il rejoint la fameuse escadrille des Cigognes. Au cours de deux années suivantes, il multiplie les victoires aériennes. Il reçoit la Médaille militaire puis est élevé au grade de chevalier de la Légion d’honneur (officier en 1917) et obtient le titre d’ « As » et est nommé capitaine. Il meurt lors d’une mission de reconnaissance au-dessus de la région de Poelkapelle, en Belgique, le 11 septembre 1917.

Le GAPI.

Créé en septembre 1944, le centre de rassemblement et d’accueil des isolés Alsaciens-Lorrains (déserteurs de l’armée allemande) laisse aussitôt place au Dépôt Central des Isolés (DCI). En octobre 1944, cet organisme est chargé d’administrer d’une part le personnel des missions de liaison auprès des armées alliées, et d’autre part, les militaires de tous grades des différentes formations de la garnison de Paris, qui ne constitue pas une unité administrative.

Entre 1944 et 1946, le DCI doit faire face à de nouvelles missions venues s’ajouter à ses charges initiales : administration des militaires d’origine nord-africaine, des blessés FFI hospitalités ou en convalescence, prise en compte du personnel et des matériels du dépôt central des anciennes Forces Françaises Libres… En 1947, le DCI quitte l’Ecole militaire de Paris pour Versailles, puis rejoint Rueil-Malmaison. Il prend le nom de Groupement Administratif du Personnel Isolé en 1972.

Organisme militaire à vocation nationale, le GAPI a pour mission d’administrer les militaires de l’armée de Terre, placés soit dans des positions statutaires particulières, soit dans des affectations dépourvues de support administratif direct. Composé d’environ 250 personnes, des militaires et des civils, le GAPI suit les dossiers d’environ 7.000 administrés par an. Traitant de sujets aussi sensibles que la notation, l’avancement, les décorations, le contentieux, les pensions, les cadres du GAPI font preuve d’un professionnalisme sans failles. Le GAPI est une unité unique en son genre : il est le seul régiment à vocation interarmes et interarmées. En clair, il gère uniquement les militaires dit « isolés », de toutes les armes et services de l’armée de Terre, ainsi que ceux rattachés aux Services de Santé des Armées.

Doté d’une structure interne souple, le GAPI est en mesure de s’adapter d’emblée à l’évolution de la situation nationale et internationale. Il intervient dans la gestion d’OPEX comme la Yougoslavie ou le Cambodge. Structure de ralliement des personnels isolés avant leur départ de la métropole ou à leur retour, le GAPI doit apporter un vrai « service rendu » à chacun des 7.000 administrés dont il a à gérer le quotidien.

Mais en 2002, après les grandes réformes et l’arrêt de la conscription, les personnels isolés sont gérés dans d’autres structures et le GAPI est dissous.

L’EMSOME.

Créée en 2003, installée dans la caserne Guynemer après la dissolution du GAPI, l’Ecole Militaire de Spécialisation de l’Outre-Mer et de l’Etranger (EMSOME) à une double vocation. Organisme de formation appartenant à la chaîne de la sous-direction de la formation de la direction des ressources humaines de l’armée de Terre, elle a reçu pour mission d’acculturer le personnel militaire désigné pour servir hors du territoire national.

La mission de l’école a été définie par le général Crene, chef d’état-major de l’armée de Terre, le 6 décembre 1999 : “Informer et former les militaires et les civils de la Défense désignés pour servir outre-mer et à l’étranger, qu’ils soient permanents ou tournants”. Les théâtres ou les zones d’opération se caractérisent tous par un environnement général qui leur est propre. La vocation première de l’EMSOME consiste en l’acculturation préalable des soldats envoyés en mission hors de l’hexagone.

Dans ce cadre, il s’agit de livrer les “clefs” qui permettront aux unités, ainsi qu’à chaque individu, de s’adapter et de s’intégrer naturellement dans un environnement nouveau, avec un comportement adapté qui permettra de réussir sa mission. Cette acculturation permet aux soldats (et à leurs familles) d’appréhender le plus justement possible leur “expatriation” et leur “mission” dans un but opérationnel.

À l’origine tournée vers le personnel de l’armée de Terre, l’EMSOME est désormais ouverte aux stagiaires en provenance de toutes les armées et des services communs. Elle est l’héritière du CMIDOME (centre militaire d’information et de documentation sur l’outre-mer et l’étranger) auquel elle a succédé en 2003. Focalisées initialement sur l’acculturation des militaires appelés à servir outre-mer dans le cadre de missions de courte ou de longue durée, ses compétences se sont étendues plus récemment aux théâtres d’opérations extérieures et à l’OTAN.

L’EMSOME est aussi la “maison mère” des Troupes de marine, chargée de veiller à la préservation de la cohérence, de la cohésion et de l’identité de cette arme au sein de l’armée de Terre. Dans ce cadre, le général commandant l’EMSOME reçoit le titre de “Père de l’arme” des Troupes de marine. Il élabore et conduit toutes les actions visant à valoriser le patrimoine culturel de l’Arme et à transmettre et pérenniser ses traditions. Il organise notamment le rassemblement annuel des marsouins et bigors à Fréjus et participe à l’organisation des cérémonies commémoratives des combats de Bazeilles dans les Ardennes.

Autorité de tutelle du musée des Troupes de marine, il en désigne le directeur et préside les commissions de fonctionnement. Dans le cadre de sa fonction d’écoute et sans interférer sur les prérogatives des autorités d’emploi, il visite régulièrement les unités TDM, en métropole et outre-mer pour aller à la rencontre des marsouins et bigors.

En 2014, l’EMSOME, dont les effectifs sont de 35 personnels dont 10 instructeurs, a reçu 24.121 stagiaires.

Le musée des Gardes suisses.

Enfin, dans les bâtiments tout proches autrefois annexés à la caserne, est abrité le Musée des Gardes Suisses, voué à honorer la mémoire de ce corps, présent à Rueil à partir de 1656, et rendre hommage à sa neutralité et à sa fidélité. Unique en France, le musée rassemble différents objets et costumes ayant appartenu aux militaires, et dispose d'un centre de documentation auquel nombre d'étudiants et de familles désireuses d'effectuer une recherche généalogique font référence. Le fonds historique est réactualisé en permanence par l'association des " Amis du Musée Franco-Suisse ".

Sources

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Publié le 6 Juin 2015

Courbevoie et la caserne Charras.

A l’instar de nombreuses communes des Hauts-de-Seine, comme Rueil, Suresnes, Nanterre ou encore Saint-Cloud, Courbevoie a eu elle-aussi une caserne. Une caserne autrefois célèbre et qui permit à la ville de grossir rapidement. Une caserne dont maintenant seul le nom est connu car elle est devenue un centre commercial ! Il s’agit de la caserne Charras.

 

La caserne.

La Caserne Charras est l'une des trois casernes construites pour les Gardes suisses en application d'un décret royal de 1754, sur les plans de l'architecte français Charles Axel Guillaumot. Celle-ci date de 1756, et construite en même temps et sur le même modèle que celles de Rueil-Malmaison et de Saint-Denis. C'est de cette caserne que les Gardes suisses, commandés par le marquis de Maillardoz, partent le 10 août 1792 pour aller défendre les Tuileries, sur ordre de Louis XVI. Sur 950, seuls 300 soldats reviendront.

 

Durant le premier Empire, entre deux campagnes, la caserne abrite le 1er régiment de Grenadiers à pied de la Garde impériale. Pendant la révolution de 1830, des habitants de Courbevoie s'emparent de la caserne, défendue par le 3e régiment de la Garde. En 1886, elle prend le nom de « Caserne Charras » en hommage à deux officiers républicains, le général Joseph Charras et son fils le colonel Jean-Baptiste-Adolphe Charras.

 

A la déclaration de guerre, en 1914, s’y trouvent plusieurs compagnies du 119e régiment d’infanterie (d’autres étant sur Lisieux).

 

Le 119e.

Le 119e régiment d’infanterie de ligne est formé en 1808, à partir d’autres unités, pour aller combattre en Espagne. D’ailleurs, il s’illustre à Burgos et à Santander. Il reste en Espagne jusqu’en 1814 – date de la perte de cette conquête par la Grande Armée – et recule sur la France pour aller défendre la ville de Toulouse, sous les ordres du maréchal Soult. Ville qu’il ne peut tenir et qu’il doit évacuer le 12 avril 1814. Depuis six jours, l’Empereur napoléon 1er a abdiqué. L’encre parafant le traité qui le condamne à l’exil sur l’ile d’Elbe est à peine sèche…

Plus tard, le régiment est de la Guerre franco-prussienne et se bat héroïquement à Buzenval en janvier 1871. En 1914, le 119 se trouve établi dans deux casernes, à Lisieux et à Courbevoie, au quartier Charras. Le 119 fait partie de la 12e brigade d’infanterie, de la 6e division et du 3e corps d’armée.

Vincent Martin, caporal, a raconté ses premières impressions au 119e RI : « A Courbevoie, nous avons deux bataillons en garnison; le 1er commandé par le chef de bataillon Rignot et le 2ème par le chef de bataillon Carlier. Le Colonel, auquel sont adjoint un Lieutenant-colonel et un chef de bataillon adjoint, est avec nous. Nous sommes la portion principale du régiment. A Lisieux nous avons un troisième bataillon. C'est la portion centrale ou se tiendra le dépôt en cas de guerre. Chaque bataillon est composé de quatre compagnies : en temps de paix chaque compagnie est divisée en huit escouades numérotées : 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15. En temps de guerre, chaque compagnie comprend seize escouades. Les soldats de l'armée active sont répartis entre les escouades qui sont complétées par les réservistes appelés directement à leur lieu de mobilisation. Ainsi j'appartenais à la 5ème escouade et je fus versé, à la mobilisation, à la 6ème. Ce qui fait qu'a la mobilisation, nous avons par compagnie quatre sections de quatre escouades. A chaque bataillon est adjointe une section de mitrailleuses, bien peu à côté de ce que possèdent les allemands. Nous nous plaisions bien en garnison à Courbevoie; tous les samedis soir, nous allions en permission à Dennemont et rentrions le dimanche avant minuit à la caserne. »

 

Première Guerre mondiale.

A la déclaration de guerre, le 119e est envoyé en Belgique où il participe à la bataille de Charleroi, puis à celle de la Marne. L’année suivante, il est de l’offensive en Artois puis à Vimy et au Bois de la Folie dans la Somme. Lors de l’attaque du 25 septembre, le régiment connait l’une de ses pages les plus noires avec la mort de près de 240 de ses hommes : « les premières vagues escaladent le parapet ; mais elles sont aussitôt accueillies par un feu intense de mousqueterie et de mitrailleuses, car la préparation d’artillerie, très efficace sur la deuxième et la troisième ligne, a respecté la première. Nombreux sont ceux qui tombent avant d’avoir fait dix pas ; ceux qui ont pu parvenir jusqu’aux fils de fer, intacts, sont accueillis par un violent barrage de grenades. Les secondes vagues s’élancent néanmoins et ont le même sort ; le commandant Broquette, les capitaines Viguier, Roussel, sont tombés les premiers. Les survivants des vagues d’assaut, blottis dans les trous d’obus, doivent attendre la nuit pour regagner en rampant la parallèle de départ ».

En 1916, le 119e combat à Verdun entre avril et mai. Il est décimé au Fort de Vaux le mois suivant.

Sur l’Aisne, de mars à mai 1917, le régiment fait partie de ceux qui refusent de monter au combat. Il n’en est pas fait mention dans son « Journal de Marche et des Opérations ». Au contraire, le document insiste sur l’héroïsme dont fait preuve l’ensemble des soldats face aux attaques répétées de l’ennemi. Enfin, en 1918, en Picardie, le 119e RI participe à l’offensive victorieuse.

 

Le 16 novembre, la 6ème division, massée sur le terrain de manœuvres d’Epernay, est passée en revue par le général Poignon qui prononce l’allocution suivante :

« Camarades de la 6ème division,

Les combats ayant pris fin nous pouvons, avec une légitime fierté, porter nos regards sur le chemin parcouru depuis plus de quatre ans. Chemin âpre et glorieux le long duquel nous avons laissé des camarades aimés qui, par leur sublime bravoure, en nous donnant la Victoire, ont assuré le triomphe du Droit et de la Liberté. Soldats tombés à Charleroi, vainqueurs de la Marne, lutteurs obstinés du Godat, d’Aix-Noulette et de Verdun, défenseurs tenaces du Chemin-des-Dames et de Tahure, combattants victorieux de Ressons et de Canny-sur-Matz, de Pontavert et de Sissonne, malgré la terre qui vous recouvre, vous avez tressailli de joie le jour sacré où l’ennemi, battu et poursuivi, forcé d’avouer sa défaite, a demandé la paix,

Avant de nous éloigner de la zone dévastée où se livrèrent ces combats épiques, à vous ; héros glorieux de la 6ème division, en témoignage suprême de notre reconnaissance, nous adressons le salut de nos armées et de nos drapeaux.»

 

Par la suite.

En 1929, les bâtiments de la caserne sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Puis, en 1963, elle est démolie pour être remplacée par un centre commercial, qui en conservera le nom, de même que la façade… Une partie de celle-ci – l’avant-corps central – figure désormais dans le parc du château de Bécon les Bruyères.

 

Sources

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Publié le 5 Avril 2015

Saint-Cloud et la caserne Sully.

La caserne.

A Saint-Cloud, de nombreux bâtiments ont été endommagés par la Guerre franco-prussienne de 1870-71, et c’est bien entendu le cas du château qui s’élevait au milieu de son parc. L’un des rares édifices à ne pas avoir subit ce sort est la caserne Sully. Celle-ci fut construite sous le règne de Charles X et servait à abriter des gardes du Corps du roi, dans les murs du Domaine, à quelques dizaines de mètres du château.

Par la suite, elle servira pour le 101e régiment d’infanterie et sera protégée par le ministère de la Guerre devenu celui de la Défense. Après avoir longtemps servi pour la Direction Générale de l’Armement (DGA), la caserne a été rachetée en 2012 par le Conseil général des Hauts-de-Seine pour, entre autres, servir à implanter les archives du département.

« L’implantation des Archives départementales à cet emplacement permettrait de donner une vocation patrimoniale à l'entrée du Domaine national de Saint-Cloud et s'inscrirait dans le projet de la Vallée de la culture développé par le Département », indiqua à l’époque explique Patrick Devedjian, président du Conseil général. Et Eric Berdoati, député-maire de la ville ajouta : « Situé à côté du Domaine national de Saint-Cloud, le site de la caserne Sully est un site exceptionnel et nous souhaitions qu’un accord soit trouvé afin que cette partie de la ville puisse être véritablement reliée au reste du territoire, accueillir du public, ce qui n’était jusqu’à présent pas possible. Ce protocole fixe les objectifs afin de bien travailler ensemble ».

 

Le 101e.

 

En 1787, un régiment est créé sous le nom de Royal Liégeois. Mais à la Révolution, à la suite de l’éclatement du système de l’Ancien régime, l’unité est dissoute et immédiatement recréée sous les noms de 101e, 102e et 103e régiment d’infanterie de ligne.

Le 101e participe aux guerres de la Révolution et du Premier empire. Il s’illustre notamment à Marengo en 1800, à la bataille de Caldiero en 1805 et à la campagne d’Allemagne en 1813 (Bautzen, Lipezig).

 

Première Guerre mondiale.

 

Un siècle plus tard, le commandant Grasset, dans son ouvrage intitulé La guerre en action – Le 22 août 1914 à Ethe, publié aux Editions Levrault en 1924, indique : « La 7e division, c’est l’une des divisions de Paris. Ses régiments d’infanterie sont les 101e, 102e, 103e et 104e. Ils ont bien leur dépôt et un bataillon respectivement à Dreux, à Chartres, à Alençon et à Argentan, mais leur deux autres bataillons viennent des environs immédiats (NDA : comme Saint-Cloud), des forts, des bastions ou des casernes de la capitale : Babylone, Penthièvre, Ecole militaire, Latour-Maubourg ; les numéros de leurs écussons sont familiers aux Parisiens. Ce sont leurs drapeaux que la foule a l'habitude de saluer à Longchamp; leurs musiques qu'elle applaudit dans les concerts publics. Il y a dans l'ensemble de ces effectifs un tiers de soldats de l'armée active et deux tiers de réservistes des plus jeunes classes. Ce sont des hommes de la Mayenne, de l'Orne, de la Sarthe, de l'Eure-et-Loir; il y en a de Seine-et-Oise et de la Seine aussi, venus de Rambouillet, de Sceaux, de Saint-Germain, de Vanves, de Villejuif et d'Ivry. Les Provinciaux (8e DI) sont un peu mous, mais solides, calmes, disciplinés, tenaces et résolus. Les Parisiens (7e DI) ont de l'entrain, de l'enthousiasme et l'esprit un peu frondeur; leur cœur est chaud ; leur patriotisme raisonné et ardent ; ils sont pénétrés de la grandeur du devoir à remplir. Y a-t-il parmi eux quelques antipatriotes, travaillés par les théories malsaines qui trouvent toujours un terrain favorable dans les faubourgs des grandes villes? On ne saurait le dire, car ils n'ont garde de montrer leurs sentiments aujourd'hui, si tant est qu'ils ne soient pas réellement gagnés par l'ambiance un peu enivrante.

Mais si le moral de ces hommes est excellent, leur instruction militaire présente de graves imperfections. La pénurie des effectifs dans les unités du temps de paix; l'abus des permissions ; le manque de champs de tir et de camps d'instruction où des exercices de guerre puissent s'exécuter normalement en toute liberté, sans souci du respect des récoltes ou des propriétés privées ; pour les réservistes, la faculté de choisir l'époque de leurs périodes, habitude qui les faisait souvent venir à la caserne à un moment où on ne pouvait rien leur apprendre d'utile... toutes erreurs ou faiblesses dérivant directement du besoin de réaliser des économies et de gêner le moins possible l'activité nationale, et qui avaient finalement abouti, en dépit du dévouement et de la valeur des cadres, à faire qu'officiers et soldats ne s'étaient jamais trouvés, autrement qu'en imagination, en présence de difficultés du genre de celles qu'ils allaient avoir à résoudre demain. (...) ».

 

Quant au lieutenant Charles Delvert, à la 2e section de la 4e compagnie du 1er bataillon du 101e RI, il écrit : « Vendredi 7 août 1914 / Après-midi, 2 heures 30 / Départ de Saint-Cloud. Les femmes, le visage tiré, les yeux secs de larmes. "Au revoir! Au revoir!". Agitant les mouchoirs dans une gaieté sans conviction. La campagne est splendide. Ciel gris. Il a plu toute la matinée, et pendant tout l'embarquement. Triste, bien triste pour un départ vers la victoire. Partout des vivats. Sèvres, Ville-d'Avray, Coteaux de bois. Tout est en fleurs. Les villas aux jardins soignés dans la verdure. »

 

Le 101e est affecté à Reims avant de se rendre sur les Ardennes où il perd de très nombreux hommes dans les combats d’Ethe (en Belgique proche du Luxembourg). Le régiment est engagé aux côtés de ceux de la IIIe Armée dirigée par le général Ruffey. Le 101e est sous le commandement du colonel Farret et les chefs de bataillons sont Lebaud, Laplace et Tisserand. Non loin se trouve le 14e hussards, commandés par un certain lieutenant-colonel de Hautecloque, aïeul du maréchal. Le 22 août, en plein brouillard et au cœur d’un déluge de feu, le 101e réussit à sauver momentanément le village d’Ethe. Mais le repli du 5e corps entraîne le sien. Ceux des soldats qui ne peuvent se sauver sont systématiquement passés par les armes ennemies. Au lendemain de la bataille, le régiment a perdu une bonne partie de ses effectifs…

 

A la suite de ces premiers combats, le 101e se replie jusque sur Paris (place forte de Pantin) puis participe à la Première bataille de la Marne puis à celle de Picardie. En 1915, il se trouve dans l’Aisne avant l’offensive en Argonne puis à Jonchery, Auberive et Thuisy. L’année suivante, c’est Verdun et Tavannes. En 1917, le régiment est dans le secteur de la Somme en janvier et février, avant de se rendre sur la Woëvre en mars – avril puis dans la Marne. L’année 1918 voit le 101e combattre en Champagne entre mars et juillet puis être de l’offensive victorieuse à Tahure, quilly et à nouveau dans l’Aisne.

 

Le 8 août 1918, alors que le général allemand Ludendorff parle de « Jour de deuil de l’armée allemande », le général français Henri Gouraud cite le 101e RI à l’ordre de la IVe Armée : « Unité d’élite qui a fait l’admiration de l’ennemi lui-même en Champagne et devant Verdun. A affirmé une fois de plus sa valeur au cours de récents et durs combats sous le commandement du lieutenant-colonel De Benoist, a opposé une résistance acharnée à la puissante poussée de l’ennemi qui avait concentré sur le front le maximum de son effort, afin de percer coûte que coûte et d’atteindre rapidement les objectifs éloignés qu’il avait choisis ; avec une abnégation et un courage magnifique, a brisé net la progression de l’ennemi en le fixant sur les positions qu’elle avait reçu l’ordre de maintenir à tout prix et en lui infligeant de très lourdes pertes ».

Le général Ecochard ajoute : « Le 101e est un brillant régiment qui vient de faire preuve d’une bravoure admirable et d’un mordant irrésistible ».

 

Extraits du Journal de Marche et des Opérations du 101e RI : « Samedi 9 novembre 1918 : le général Hilaire est de passage à Aussonce. Le général Cot rassemble les officiers du 101e RI, du 124e et du 44e RA au foyer du soldat d’Aussonce. Rien à signaler pour le régiment. Dimanche 10 novembre : Repos. Revues. Douches. L’armistice est attendu. Lundi 11 novembre : ARMISTICE. A 6 heures du matin, un coup de téléphone annonce que l’armistice est signé. Les hostilités cesseront à 11 heures. Le soir, feu d’artifice exécuté à l’aide de… fusées boches abandonnées à Aussonce ! Les Poilus fêtent discrètement l’armistice. Pas de manifestation bruyante. Mardi 12 novembre 1918 : messe à Aussonce à la mémoire des morts du 101 et du 124. L’assistance est nombreuse ».

 

Par la suite.

 

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le 101e RI fait partie de la 41e division d’infanterie. Il est affecté dans la Meuse, au secteur de Montmédy. Il combat contre la Wehrmacht mais pris par l’offensive ennemie, il est mis en déroute. Il combat à nouveau dans le Loiret à Gondreville quelques jours avant l’armistice du 17 juin demandé par le maréchal Pétain. Les dernières unités sont capturées par les Allemands à ce moment-là.

 

Plus tard, le 101e RI est dissous. Il est remplacé par la Délégation générale à l’Armement dans sa caserne Sully de Saint-Cloud.

Soldats du 101e RI.

 

Sources

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Publié le 9 Juin 2012

 

Charles H. Rivkin

Charles Rivkin, ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en France, au Mémorial La Fayette.

 

 

Le samedi 26 mai dernier, à l’occasion du Memorial Day, Monsieur l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en France, Charles Rivkin, a indiqué sa satisfaction de la signature de la convention du 12 avril 2012, entre Monsieur Gérard Longuet, ministre de la Défense, et le général Merrill McPeak, président de l’American Battle Monuments Commissions.

 

Cette convention était très attendue, le mémorial subissant depuis des mois d’importantes infiltrations d’eau. Charles Rivkin a alors précisé : « Ce mémorial est un endroit sacré où reposent pour l’éternité les premiers soldats américains morts pendant la Première Guerre mondiale, sous commandement français ».

 

Gérard Longuet, tout en qualifiant la convention de « document historique » s’est félicité de cet « engagement militant pour les générations futures qui témoigne de l’amitié indéfectible entre le peuple français et le peuple des Etats-Unis ».

 

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