Publié le 15 Juillet 2011

 

 

 

 3ème RIMA - 1960

 

 

 

Marsouins du 21ème RIMA – 3ème section – Secteur d’Aïn Zerga en 1960 (copyright Jean-Pierre Vanneau).

 

 

Une enfance châtenaisienne.

 

Parmi les quatorze tombes du carré militaire du cimetière « nouveau » de Châtenay-Malabry, figurent Jean-Louis et François Benoit. « Bien sûr ce sont les jumeaux ! » ont été les premiers mots entendus quand nous avons commencé à chercher des renseignements. Et l’Etat civil a donné son verdict. Jean-Louis Henri Maurice Benoit est né le 8 mars 1939 à Paris, dans le 13ème arrondissement. Il est le fils de Maurice (il n’y a que cette indication) et Marthe de Bonnedeau, domiciliés à Châtenay-Malabry, rue Claude Monet. Quant à François Guy Benoit, il nait le 27 juillet 1939 à Douala, au Cameroun. Il est le fils de Guy Charles Benoit et d’Emma Dupuy.

 

« C’était bien des jumeaux », indique Monsieur Jean-Claude Laronde, aujourd’hui porte drapeau du Souvenir Français de Châtenay-Malabry. « Du moins, rectifie-t-il, il y aurait à redire. Nous étions ensemble à l’école élémentaire Thomas Masaryk de Châtenay et peut-être bien que le premier à les avoir appelés les jumeaux était le maître d’école. Et après, nous avons tous pris cette habitude. On ne se posait pas plus de questions que cela. Nous n’avions qu’une dizaine d’années… En plus, comme il y avait une certaine ressemblance, on n’est jamais allé chercher plus loin. Par la suite, je les ai perdu de vue ».

 

Par la suite, comme la très grande majorité des jeunes gens qui ont vingt ans à la fin des années 1950, direction l’Algérie !

 

  

Embuscade à Bir-Rezala.

 

Les informations inscrites sur l’état signalétique et des services de François Benoit, fourni par le Bureau central d’archives administratives militaires de la caserne Bernadotte de Pau, signalent un « appelé à l’activité » le 2 septembre 1959. Le jeune homme est affecté au Groupe de Transport n°500 pour ses classes. Nommé brigadier le 1er février 1960, il est transféré à la 281ème Compagnie de Circulation Routière le 29. Le 21 juin 1960, il embarque à Marseille et arrive à Philippeville, en Algérie, le lendemain. Il est alors nommé à la 3ème compagnie du 43ème régiment d’infanterie.

 

Le 43ème RI, descendant de l’illustre « Régiment des vaisseaux » créé sous l’Ancien régime, en 1638, fait à l’origine partie de ces unités chargées de servir sur les bateaux et dans les colonies. L’un de ses premiers chefs de corps est le cardinal Armand Jean du Plessis de Richelieu. Juste retour des choses en 1960…

 

Cette année-là marque la fin du plan du général Challe qui aboutit à la victoire de l’armée française sur le terrain, même si au global la situation est loin d’être pacifiée : les attentats continuent ; çà et là, des groupuscules font régner la terreur. La France a maintenant près de 400.000 hommes sur le terrain et cela ne suffit toujours pas. Toute victoire militaire ne peut rien sans solution politique. La situation semble inextricable. Le général de Gaulle le sait plus que quiconque. A Alger, Joseph Ortiz et Jean-Jacques Susini montent les Français les uns contre les autres. Le 14 juin, le président de la République française demande une nouvelle fois l’arrêt des combats et parle ouvertement d’un vote d’auto-détermination du peuple algérien sur son avenir.

 

François Benoit n’a que faire de la politique. Il est militaire. Il obéit aux ordres donnés par son supérieur. Quotidiennement, il participe avec son escouade à ces opérations de pacification, que l’on appelle à l’époque « de maintien de l’ordre ». Placé dans le secteur de Djidjelli, il tombe malheureusement dans une embuscade le 26 juillet 1960 dans la région de Bir-Rezalla et y est mortellement blessé. A titre posthume, il reçoit la médaille militaire et la croix de la valeur militaire avec palme.

 

Chez les marsouins.

 

Jean-Louis Benoit est appelé le 4 mai 1959 et est affecté au 2ème régiment de marche du Tchad. Libérable le 1er novembre 1960, il est maintenu sous les drapeaux, selon l’article 40 de la loi du 31 mars 1928, réactivée en 1956 par le gouvernement de Guy Mollet, et est alors dirigé le 14 novembre vers le 21ème RIMA (régiment d’infanterie de marine). Il devient marsouin, nom donné aux militaires de ces unités et provenant de ce petit cétacé qui accompagne souvent les navires (les militaires de l’infanterie coloniale ne participant à la navigation).

 

Jean-Louis Benoit débarque à Bône, en Algérie, le 15 novembre 1960. Au premier jour de l’année 1961, il est nommé au grade de caporal. Galons qu’il a peine le temps de fêter : il est tué le 24 février 1961, dans la région de Bekkaria.

 

Le Journal officiel du 17 juin 1961 publie le décret du 10 juin par lequel Charles de Gaulle, président de la République, décrète la médaille militaire à Jean-Louis Benoit, caporal au 21ème régiment d’infanterie de marine : « Chef de voiture particulièrement courageux et mordant, dans la nuit du 24 au 25 février 1961, comme chef de patrouille, s’est porté avec rapidité malgré les tirs de mortiers, de mitrailleuses et de canons S.R., au secours du poste de « Pharandole » (zone sud-est Constantinois) attaqué. Arrêté par des éléments rebelles infiltrés près du barrage, a riposté immédiatement avec sa mitrailleuse puis avec son half-track d’appui. S’est élancé sous un tir très dense à hauteur du premier véhicule du peloton blindé d’intervention pour lui désigner les emplacements repérés. A été mortellement blessé dans cette action au cours de laquelle il a montré toutes ses qualités de chef. Restera pour ses camarades, un exemple permanent de courage et du dynamisme. Cette concession comporte l’attribution de la croix de la valeur militaire avec palme ».

 

Deux frères ? Deux cousins ? Finalement, peu importe. Pour l’éternité, François et Jean-Louis Benoit sont l’un à côté de l’autre dans le petit carré militaire de Châtenay-Malabry.

 

 

 

 

 

 

Sources :

 

·  Ville de Châtenay-Malabry : www.chatenay-malabry.fr

·  Informations et entretiens avec Monsieur Torre et Monsieur Laronde, Châtenay-Malabry, mars 2011.

·  Site : http://copainsdavant.linternaute.com  : page de Jean-Pierre Vanneau.

·  Etats signalétiques et des services de François Benoit et Jean-Louis Benoit, fournis par le Bureau central d’archives administratives militaires (Caserne Bernadotte de Pau).

·  Benjamin Stora, Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte & Syros, 2004.

·  Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Fayard, 1994.

·  Pierre Montagnon, Histoire de l’Algérie : des origines à nos jours, Pygmalion, 1998.

·  Georges Fleury, Nous les combattants d’Algérie, François Bourin Editeur, 2010.

 

 

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Publié le 2 Juillet 2011

 

 

Congres national 2011 009

 

 

Paulette Levalleur-Steudler et Roger Levalleur au congrès national du Souvenir Français – Paris, avril 2011.

 

 

L’engagement.

 

Avril 2011 : à l’occasion du congrès national de notre association, nous rencontrons Paulette Levalleur-Steudler et son époux Roger. Membres du Souvenir Français de Neuilly, ils sont de toutes les commémorations et se consacrent sans relâche au Devoir de Mémoire.

 

Paulette Levalleur : « Il y a un grand nombre d’années, j’ai rencontré, lors d’un dépôt de gerbes au cimetière ancien de Neuilly, un personnage portant le drapeau du Souvenir Français. Après une courte discussion, je me suis engagée avec mon époux au Comité de Neuilly-sur-Seine». Mais en fait, l’engagement patriotique de Paulette Levalleur remonte au début de la Seconde Guerre mondiale, en ces temps où ceux qui suivaient un certain général de Gaulle n’étaient pas si nombreux…

 

Paulette Levalleur : « Je suis née à Saint-Leu-la-Forêt le 11 mai 1921 d’une maman française d’Alger et d’un papa suisse, de Neufchâtel. Mon père ayant trouvé une situation à Londres, notre famille le rejoignit en Grande-Bretagne en septembre 1936. J’ai été élevée dans le culte de la France une et indivisible, comme le dit si bien notre constitution de 1958, et dans l’amour de la Patrie. Pour mes parents le respect des valeurs et le caractère sacré de leurs drapeaux respectifs étaient des éléments essentiels. Nous avons vécu l’invasion de la France avec douleur et déchirement. Aussi, quand le général de Gaulle a lancé son appel en juin 1940, je n’ai pas hésité et je me suis engagée dans les Forces Françaises Libres ».

 

Les Forces Françaises Libres sont créées par le général de Gaulle le 1er juillet 1940. Elles sont divisées en trois unités : les forces terrestres, navales et aériennes. Les forces terrestres sont formées de soldats de métier et d’appelés de l’armée de terre française, qui rejoignent Londres comme ils peuvent, des hommes du colonel Béthouart, commandant le corps expéditionnaire en Norvège (ils viennent de remporter la bataille de Narvik mais ont dû laisser le pays aux troupes du Reich) et de civils qui s’engagent. De moins de 2.000 hommes en juillet 1940, elles passent rapidement à plus de 3.000 le mois suivant. Les forces navales rassemblent environ un millier de marins sous le commandement de l’amiral Muselier, et les forces aériennes regroupent environ 300 pilotes et mécaniciens.

 

Trois années plus tard, les Forces Françaises Libres seront fortes de près de 75.000 hommes !

 

Paulette Levalleur : « L’engagement était naturel pour moi. Je ne sais même pas si j’ai réfléchit aux conséquences de mon acte. J’ai donc signé selon la formule en vigueur : « Pour la durée de la guerre, plus trois mois ». J’étais affectée à des tâches de secrétariat aux services du Renseignement. Tous les jours, je venais travailler au quartier général de la France Libre à Delphin Square. J’y rencontrai des personnages extraordinaires. Par exemple, le colonel Passy (NB : André Dewavrin, qui mit en place les services secrets de la France Libre) était un grand personnage, aimé et apprécié de nous tous, ainsi que le colonel Rémy (NB : Gilbert Renault fut l’un des agents secrets français les plus célèbres de la Seconde Guerre mondiale). Et puis, bien entendu, plusieurs fois par an, nous avions l’honneur de prises d’armes et de revues devant le général de Gaulle. Je travaillais sur toute une série de dossiers. J’œuvrais entre autres dans le cadre de la correspondance avec la Résistance, pour indiquer des mouvements de troupes, des emplacements de rampes de V1 et de V2…».

 

 

Retour en France.

 

Paulette Levalleur : « En 1944, je débarquai à Arromanches avec les membres du service. Je fus affectée à la DGER, Direction générale des Etudes et Recherches puis à la Direction générale des Services Spéciaux, la DGSS ».

 

Pièce du Bureau central de renseignements et d’action (BCRA), créé à Londres par le général de Gaulle et le colonel Passy, la DGER fut constituée en 1944 et administrée par Jacques Soustelle, avant de devenir en 1946 le SDECE (Service de documentation extérieure et de contre-espionnage), qui sera actif – et célèbre – de sa création jusqu’en 1982. Quant à la DGSS, elle résulte aussi de la fusion du BCRA avec des membres des services de renseignements, fondés sous le régime de Vichy puis organisés par le général Giraud à Alger à partir de 1943.

 

Paulette Levalleur : « Mais je ne restai pas très longtemps au sein de ces services. On me proposa un poste au sein de l’American Army, sous le commandement du colonel Brunschvig, dans une mission de liaison, pour remplacer une secrétaire qui était alors très malade ».

 

 

Au sein de la Shell.

 

Paulette Levalleur : « Je ne restai pas très longtemps non plus membre de l’American Army. Dès que je fus libérée de mes obligations militaires, je rentrai à la société des pétroles Shell, comme secrétaire de direction bilingue. J’y effectuai 35 années de bons et loyaux services, du 14 février 1946 au 31 mai 1981. Avec un patron de nationalité britannique, je pouvais relater mes années de jeunesse à Londres !

 

A la Shell, j’étais fondatrice et présidente de la Section Equitation de notre club sportif. Je donnais des leçons, généralement le soir ; parfois le samedi et le dimanche. Un jour, c’était en 1951, un beau jeune homme vint prendre quelques leçons. Et voilà comment quelques temps plus tard, Roger devint mon mari ! ».

 

Aujourd’hui, Paulette Levalleur-Steudler est chevalier de la Légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire, médaille de la France Libre, médaille de la Reconnaissance Française, médaille d’or de la Jeunesse et des Sports, médaille de Vermeil du Souvenir Français, Administratrice nationale honoraire de la FNCV (Fédération Nationale des Combattants Volontaires), membre de nombreuses associations patriotiques, dont l’Union des Gaullistes de France.

 

 

 

 

 Paulette Levalleur

 

  

Paulette Steudler, à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale (copyright FNCV).

 

 

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