Publié le 19 Mai 2013
A la fin des années 1870, les relations franco-chinoises se tendent. Présente en Cochinchine depuis 1863, par la volonté de l’amiral de La Grandière et Chasseloup-Laubat, le ministre de la Marine de Napoléon III, la France se heurte à l’Empire du Milieu dans sa tentative de pénétration au Tonkin.
La Chine considère, en effet, l’empire d’Annam (qui inclut le Tonkin) comme un royaume vassal, indispensable élément de son glacis protecteur. Malgré le traité franco-annamite, signé à Saigon en 1874, qui impose la rupture des liens entre Hué et Pékin, l’Empire du Milieu ne se résout pas à la perte de ce territoire. Or, pour l’Amiral Courbet, commandant l’escadre d’Extrême-Orient, en dépit de l’opposition de Jules Ferry, la conquête du Tonkin (et la lutte contre les Pavillons Noirs) passe, au préalable, par une offensive contre la Chine. L’incident de Bac-le, en juin 1884, précipite les deux pays dans la guerre. C’est la troisième guerre franco-chinoise.
Courbet choisit d’affronter son adversaire sur la rivière Min. La flotte du Fujian se trouve donc confrontée à son modèle. Le 23 août, l’amiral français déclenche les hostilités. En 40 minutes, l’escadre chinoise, de conception française, est anéantie et l’arsenal de Fou-Tcheou en ruines (chantier naval de Ma-Wei, œuvre du Français Prosper Giquel). Dans les mois qui suivent, la flotte française organise le blocus du Yang-Tseu-Kiang, par où s’effectuent les exportations de riz par cabotage à destination de la Chine du Nord, tandis que 4.000 hommes occupent Formose (Taiwan) et les Iles Pescadores.
Prenant acte des succès simultanés des Français au Tonkin, la Chine, par le traité de Tien-Tsin (Tianjin) renonce à ses droits sur le Tonkin et sur l’Annam, qui deviennent protectorats français. Le traité de paix définitif signé à Tien-Tsin le 9 juin 1885, met donc fin à la guerre franco-chinoise. Le 11 juin à 22h30, l’Amiral Courbet, Commandant en chef de l’escadre de l’Extrême-Orient, rend son dernier soupir à bord du Bayard en rade de Makung, aux Iles Pescadores, à la suite de maladies. L’évacuation de Formose suivra rapidement.
Dans un télégramme adressé à la Marine, l’amiral Lespes rend compte de l’évacuation de Keelung (Nord de l’ile de Formose) après une visite courtoise au général chinois et de «l’engagement pris de respecter le cimetière». L’escadre sera dispersée et les différents navires rejoindront le Tonkin, la France, le Pacifique ou le Levant, tandis que la dépouille du vainqueur de Fou Tcheou sera ramenée en France pour des funérailles nationales célébrées aux Invalides le 28 août. L’inhumation de l’amiral a lieu le 1er septembre à Abbeville, sa terre natale.
L’évacuation des Pescadores accomplie, tous ces hommes repartis vers d’autres horizons laissent derrière eux près de 700 camarades morts pendant ces deux années d’occupation de Formose: 120 sont morts sur le champ de bataille, 150 ont succombé à leurs blessures et les autres ont été victimes de la maladie. Ils sont enterrés dans deux cimetières militaires français, l’un a Keelung (Formose), l’autre a Makung (Pescadores), lesquels, sur décision du Gouvernement français, sont construits et aménages par le Génie entre juin et juillet 1885, en mémoire de l’amiral Courbet et de ses hommes morts au combat.
Les bâtiments de guerre français qui visitent ces pays, le Villars en 1889, l’Inconstant en 1891, le Forfait en 1895, le Friant en 1901 et le Bruix en 1907, font procéder aux réparations et aux travaux nécessaires. C’est en 1909 que le terrain actuel du cimetière de Keelung est utilisé pour réunir les dépouilles des soldats morts au Nord de Formose. Cette parcelle de terrain, la parcelle no.2-1, d’une superficie de 0,1630 hectares, se situe à Tchong Pan Teou, dans le district Tchong Tcheng de Keelung.
Le 14 avril 1947, M. Bayens, consul général de France à Shanghai, informe le Ministère des Affaires étrangères que le cimetière de Keelung se trouve dans un état de délabrement complet (Archives diplomatiques françaises). En raison du caractère d’urgence de la remise en état de ce cimetière, il fait exécuter des travaux pour un montant de 100 dollars américains qui est remboursé par le ministère de la Marine. En 1953, le ministère des Affaires étrangères de la République de Chine et les autorités françaises là-bas conviennent de transférer au cimetière français de Keelung, les restes de deux officiers français morts au combat, à bord du navire commandant Pimodan.
Chaque année, à la faveur du 11 novembre, les personnels de l’Institut français, accompagnés de représentants de la communauté française se recueillent sur les tombes du cimetière français de Keelung, observent une minute de silence et déposent des gerbes.
Claude R. Jaeck
Délégué général du Souvenir Français pour la Chine et l’Asie.
Retrouvez les clichés du cimetière français de Keelung dans l’album consacré aux « Carrés militaires Monde ».