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Publié le 11 Mars 2023

Le carré militaire indochinois de Colombes.

De 1945 à 1954, plusieurs centaines de milliers de soldats de l’Union française ont pris part à la guerre d’Indochine. Celle-ci fut à la fois une guerre civile, une guerre révolutionnaire et un temps fort de l’affrontement Est-Ouest. Malgré un éphémère redressement opéré au début des années 1950, sous l’impulsion du général Jean de Lattre de Tassigny, la France, soutenant à bout de bras ce conflit lointain, joue son va-tout à Dien-Bien-Phu, où elle livre sa dernière grande bataille au XXe siècle.

Au cours de cette guerre, le Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient (CEFEO) de l’Union française a perdu près de 75.000 hommes dont plus de 20.000 Français. Les restes de ces soldats ont été rapatriés pendant le conflit (carrés militaires de corps restitués) ou bien après (ils se trouvent au Mémorial de la guerre d’Indochine à Fréjus).

Dans les Hauts-de-Seine, la ville de Colombes est la seule à avoir formé un carré militaire des corps restitués, dans son cimetière, dédié aux Morts pour la France en Indochine. Ceci est d’autant plus à souligner que dans d’autres communes, par décision politique, le nom « Indochine » n’était pas inscrit. Les autorités locales lui préférant le terme « d’Extrême-Orient ».

Ce carré militaire comporte six tombes. Il s’agit de :

  • René Andry, né le 5 juin 1922 à Paris ; sapeur dans une brigade du génie. Mort pour la France le 28 octobre 1946 à Dalat.
  • Louis Bornet, né le 21 avril 1913 à Paris. Mort pour la France le 17 mai 1947 à Louang-Prabang au Laos.
  • Jacques Cottin, né le 10 janvier 1927 à Colombes ; sergent au 31e Bataillon de marche de Tirailleurs Sénégalais, créé en Indochine en 1949. Mort pour la France le 8 avril 1954 à Bao Trai en Cochinchine, tué à l’ennemi.
  • Gérard Fournier, né le 6 septembre 1932 à Asnières-sur-Seine ; brigadier au 8e Groupe d’Escadrons de Spahis Algériens Portés. Mort des suites de ses blessures, pour la France, le 25 octobre 1952 à l’hôpital Lanessan.
  • Jacques Pierre, né le 24 octobre 1930 à Colombes ; brigadier-chef au 8e régiment de Spahis Algériens. Tué à l’ennemi le 11 juin 1954 à Dao-Dien, dans le Tonkin (nord Vietnam).
  • René Robert, né le 29 janvier 1927 à Lyon ; marsouin au Bataillon d’Infanterie Coloniale de Saïgon. Mort des suites de ses blessures le 17 mai 1948 à l’hôpital Le Flem à Cholon (Saïgon).

 

 

Sources :

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Publié le 16 Mai 2022

Au frères Wibrate de Malakoff.

Pour voir le carré militaire 39-45 / Indochine / Algérie de Malakoff, il faut se diriger tout de suite vers la gauche sitôt la porte d’entrée passée. Au cœur de ce carré figure une tombe qui rassemble les restes de deux frères : il s’agit des frères Wibrate.

Serge Wibrate, fils de Raoul et de Marcelle Fromentin, nait à Paris le 30 juillet 1925. Engagé dans l’armée de Terre, il appartient au 23e régiment d’infanterie coloniale, le régiment de Marcel Bigeard et de François Mitterrand ! Après s’être couvert de gloire pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment dans le secteur de Nancy avec la dernière charge à la baïonnette de cette guerre, l’unité est envoyée en Indochine.

Serge Wibrate est marsouin. Il suit son détachement dans le Tonkin, et plus précisément dans la région de Quang Yen, non loin d’Haïphong. Le 27 mars 1947, il meurt pour la France, des suites de ses blessures. Il est décoré de la Croix de guerre TOE.

Quelques mois plus tard, son corps est rapatrié et placé dans la tombe de son jeune frère, Serge.

Né à Paris le 11 mars 1928, Serge Wibrate est une victime civile de la Seconde Guerre mondiale. Il meurt à l’hôpital d’Orléans le 7 septembre 1944, quelques jours après la libération de la ville et de sa région.

 

 

Sources :

http://www.memorialgenweb.org

Informations de Philippe et Claudine Deguillien et de Claude Richard.

Encyclopédie Wikipédia.

Archives photographiques de la DG92 du Souvenir Français.

La sépulture, Maurice puis Serge.
La sépulture, Maurice puis Serge.
La sépulture, Maurice puis Serge.

La sépulture, Maurice puis Serge.

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Publié le 14 Février 2021

Le caporal-chef Albertini d’Asnières et le 8e RTM à Coc-Xa.

François Albertini nait le 22 décembre 1928 à Paris. Il s’engage dans l’armée et rejoint le 8e RTM (régiment de tirailleurs marocains).

 

Le 8e RTM a été créé à Fès en 1929. De suite, l’unité participe à l’unification du Maroc. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, elle est de la campagne de France. En 1941, le 8e est rapatrié à Mekhnès, après avoir été en garnison à Belfort. En 1943, il combat au sein de la 2e DIM (Division d’Infanterie Marocaine) en Italie, en Provence, puis dans les Vosges et en Alsace.

 

Le 8e RTM débarque le 7 mai 1949 à Haïphong pour relever le 5e RTM. Il est chargé d’assurer la sécurité de la RC4 de Langson à Dong-Khé. En octobre 1950, pendant le désastre de la RC4, le 8e est pratiquement anéanti à Coc-Xa. Cette bataille a été évoquée à plusieurs reprises, sur ce site, et sur le site du Souvenir Français d’Issy – Vanves, notamment dans les articles sur Jean Cornuault et par le récit du colonel Martin, sur la réfection de la chapelle de That Khé, là où des dizaines de soldats français ont été rassemblés après avoir été blessés durant la bataille terrible.

 

Le caporal-chef Albertini est de la bataille de Coc-Xa. Gravement blessé, transporté à Hanoi, il meurt le 23 octobre des suites de ses blessures à l’hôpital Lanessan. Il avait 21 ans.

 

Son nom est gravé sur le mémorial des guerres d’Indochine à Fréjus et sur le monument aux Morts d’Asnières.

 

En juin 1955, le 8e RTM rejoint la Cochinchine puis quitte définitivement le Viêt-Nam en avril 1956. C’est la dernière unité militaire française à partir de ce qui fut la « Perle de l’Orient ».

 

Sources :

  • Encyclopédies Larousse et Wikipédia.
  • Fiche individuelle sur le site Mémorial Gen Web : http://www.memorialgenweb.org/
  • Crédits photographiques : Olivier Johnsson

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Publié le 2 Août 2020

Vue aérienne de That Khê et de la région. Septembre-octobre 1950

Vue aérienne de That Khê et de la région. Septembre-octobre 1950

« Le 3e BCCP, qui avait été créé en janvier 1948 à Saint-Brieuc, sous les ordres du commandant Ayrolles, avait suivi son entraînement au camp de Vannes-Meucon, puis à l'école des troupes aéroportées de Pau, enfin au camp de jungle de Caïs-Fréjus. Embarqué sur le Pasteur en même temps que le 1er BEP, nouvellement créé, il arrive à Saigon en novembre 1948.

 

Alors que le gros du bataillon reste en Cochinchine et au Cambodge pendant quelques mois, où il participe à de nombreuses opérations de part et d'autre de la Plaine des Joncs, le GC2, aux ordres du capitaine Bigeard et renforcé bientôt d'une compagnie indochinoise parachutiste commandée par le capitaine N'Guyen Van Vy, est envoyé au Tonkin, au cœur du pays thaï, et se bat à Yen Chau, Hat Lot, Muong San, Chieng Dong, Na San, Son-La, inflige de lourdes pertes aux Viêts, mais perd plusieurs officiers, sous-officiers et paras.

 

Le GC1, en février 1949, puis le GC3 en mars 1949, rejoignent à leur tour le Tonkin, sont présents sur tous les théâtres d'opérations (Khan-Yen, Lao Kay, Lang Phat...). En août 1949 le 3e BCCP est enfin regroupé à Hanoï. Le commandant Ayrolles passe le commandement au capitaine Cazaux. Le bataillon participe en octobre à l'opération « Junon » (un débarquement amphibie sur les côtes du Nord-Annam). La compagnie du capitaine N'Guyen Van Vy est ensuite parachutée sur Phat-Diem (opération « Anthracite »).

 

En décembre 1949, c'est l'opération « Diabolo » dans le delta du Fleuve Rouge, puis en janvier 1950 les opérations « Michel » près du Canal des Bambous et « Anna » dans l'île de Tien Lang. En février 1950, le GC1 et une partie du GC3 sont largués près du poste de Pho Lu, pour tenter de sauver celui-ci. Puis ce sont les opérations de Ban Lao, Ban Phiet, Nghia Do, Bao Ngay, Coc Ly. Le 27 mai 1950 le 3e BCCP saute sur la DZ du poste de Dong Khe qui vient d'être pris par les Viêts et reprend le poste après un très brillant combat. Le 7 juin, c'est l'ouverture difficile de la RC4 de Dong Khe à That Khe, et en août et septembre, Sam Theu et Sam Neua, au Nord-Laos. Toutes ces opérations, souvent meurtrières, ont évidemment entraîné des pertes importantes, aggravées d'ailleurs par les conditions climatiques difficiles.

 

Mais le pire reste à venir : le 8 octobre 1950, en plein cœur de la bataille de la RC4, le 3e BCCP, auquel est intégrée provisoirement la compagnie de marche de la Légion Étrangère, fraîchement arrivée de Philippeville et commandée par le lieutenant Loth, est largué sur That Khe. Il est immédiatement dirigé sur les lieux des combats, au nord de That Khe, le long de la RC4 et vers la cote 703 où légionnaires, goumiers et marocains se battent au corps à corps. Le 3e BCCP a pour mission de recueillir les éléments qui essaient de rejoindre That Khe. Le 10 octobre, le commandement décide l'évacuation vers Lang Son des effectifs occupant ou ayant rejoint That Khe, parmi lesquels le 3e BCCP, déjà sérieusement « étrillé ».

 

Lorsque le 3e BCCP parvient au fleuve Son Ky Kong, derrière un Tabor marocain, le pont est détruit et il lui faut traverser le fleuve dans des embarcations du génie sous le feu ennemi. Plus au sud, sur la RC4, les mitrailleuses lourdes des Viêts, qui se sont emparé des positions françaises qui protégeaient le défilé de Deo Cat, obligent le 3e BCCP à déborder par la jungle. Mais le rapport des forces est tel que le bataillon est presque entièrement anéanti en quelques heures. Sur les 268 hommes qui avaient été parachutés à That Khe, seulement 9 Européens du 3e BCCP et 5 Autochtones de la compagnie indochinoise parachutiste parviendront à sortir de la nasse mise en place par le Viêt-minh et à rejoindre, au prix d'efforts surhumains, les lignes françaises.

 

Le capitaine Cazaux et le lieutenant Loth, celui-ci blessé, sont faits prisonniers (le capitaine Cazaux décédera en captivité).

 

Le bataillon est dissous en novembre 1950 et les quelques rescapés sont rapatriés en France : seulement 7 officiers, 26 sous-officiers et 177 hommes de troupe, alors qu'en novembre 1948 avaient débarqué au Cap Saint-Jacques 39 officiers, 63 sous-officiers et 548 hommes de troupe ! Mais dès la fin de 1950, la relève est assurée. Un nouveau « 3 », qui s'appelle désormais le 3e BPC (Bataillon de Parachutistes Coloniaux) est recréé à Saint-Brieuc aux ordres du commandant Bonnigal. Un certain nombre d'officiers, de sous-officiers et d'hommes de troupe, survivants du 3e BCCP, demandent à servir dans le nouveau bataillon. Le 3e BCP débarquera en Indochine en février 1952, participera en 1952 et 1953 à de nombreuses opérations au Tonkin et en Centre-Annam (où il opérera dans la fameuse « Rue Sans Joie », tuant 643 Viêts et faisant 1 100 prisonniers au cours de l'opération « Caïman ») et prendra part aux durs combats du camp retranché de Na San.

 

Durant son séjour en Indochine, le 3e BPC aura perdu 71 hommes au combat. Le 31 août 1953, le 3e BPC est dissous pour former le 5e BPVN (Bataillon de Parachutistes vietnamiens) le fameux « Bawouan », qui connaîtra, comme son aîné un destin tragique, puisqu'il sera anéanti à son tour dans la cuvette de Diên Biên Phù en 1954. Il faudra attendre 1955 pour voir renaître un nouveau « 3 » : le 3e RPC (Régiment de Parachutistes Coloniaux) sera créé à Mont-de-Marsan, participera à l'expédition de Suez en 1956, à la Bataille d'Alger en 1957 et s'illustrera dans le sud-algérien à Colomb-Bechar et à Timimoun, sous les ordres du colonel Bigeard, puis du colonel Trinquier. Devenu le 3e RPIMa (Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine) il est installé à Carcassonne depuis 1962, interviendra encore au Liban, en Centre-Afrique, au Tchad, en Nouvelle Calédonie, au Zaïre, au Rwanda, et depuis dans pratiquement toutes les opérations extérieures ».

 

Jacques Fleury de Ville d’Avray.

 

Jacques Fleury nait à Ville d’Avray le 21 octobre 1927. Engagé dans l’armée, il rejoint le 3e BCCP et débarque en Indochine avec son unité. Il fait partie des tués de la RC4 d’octobre 1950. Son nom est inscrit sur le monument aux morts de sa commune.

 

 

Sources :

 

  • Ce texte a été écrit par le colonel Jean Cuignache (Être et Durer-35 – juin 2000).
  • Les ajouts sur le Jacques Fleury sont le fait du SF des Hauts-de-Seine.
  • Crédits photographiques : ECPAD.
Parachutage de matériel sur Cao Bang depuis un avion Junkers Ju-52. Juillet-août 1950,

Parachutage de matériel sur Cao Bang depuis un avion Junkers Ju-52. Juillet-août 1950,

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Publié le 14 Avril 2019

Au lieutenant Pierre Bulteaux, de Boulogne.

1 – Une enfance parisienne et algérienne.

Pierre Bulteaux nait à Paris, dans le 15e arrondissement, le 15 juillet 1924. 1924, en France, c’est le temps d’un changement de Président de la République : Gaston Doumergue remplace Alexandre Millerand, qui vient de démissionner. Edouard Herriot est nommé président du Conseil et participe au fameux « Cartel des Gauches » : il s’agit d’une coalition électorale, constituée dans une cinquantaine de départements, pour les élections législatives de 1924, entre les radicaux indépendants, le Parti radical et radical-socialiste, le Parti républicain socialiste auquel se joignent des socialistes indépendants et le SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière). Mais 1924, c’est aussi l’année durant laquelle André Citroën lance une expédition en autochenilles entre l’Afrique du Nord et Madagascar. Cette aventure restera dans l’Histoire sous le nom de Croisière Noire.

Pierre Bulteaux passe les EOR (Ecole des Officiers de Réserve) et intègre l’école des officiers de réserve de l’infanterie de Cherchell, alors en Algérie française. Cherchell étant alors une petite ville côtière, située à environ 70 kilomètres à l’ouest d’Alger. Pendant une vingtaine d’années, de 1942 à 1962, l’école va former des milliers d’élèves officiers. S’il s’agit, au début, de remplacer les écoles de métropole alors occupées par les Allemands, après 1944, Cherchell sera l’école de formation des officiers de réserve de l’armée de terre. Après 1962 et l’indépendance de l’Algérie, Cherchell formera les officiers de l’armée algérienne.

A la sortie de l’école, Pierre Bulteaux est affecté au 1er REC, régiment étranger de cavalerie.

 

Au 1er REC.

Créé en 1921 à Sousse, en Tunisie, à partir d’éléments des compagnies montées du 2e REI (régiment étranger d’infanterie), le 1er REC (régiment étranger de cavalerie) est le premier régiment de la Légion dédié à la cavalerie. A cette époque, la Légion n’est constituée que de régiments d’infanterie. Ce sont les légionnaires russes qui, forts de leur expérience de cavaliers avertis, permirent à la Légion de s’illustrer dans une nouvelle discipline. L’histoire a retenu l’importante faculté d’adaptation des légionnaires cavaliers : combattants à cheval en Syrie et au Maroc, les légionnaires du 1er REC ont, dès 1930, été dotés d’automitrailleuses sur lesquelles ils se sont distingués pendant les campagnes de France et de Tunisie, en 1940 et 1943. A la Libération, ceux-ci ont été équipés d’AMM 8 (blindés légers à roues, construits par Ford).

Lors de la guerre d’Indochine, les légionnaires ont converti leur régiment en unités amphibie afin de combattre à bord de Weasel M29 (« Crabes ») et de LVT 4 (« d’Alligators »). Il s’agit là encore de blindés légers qui permettent aux légionnaires de mener une série d’actions dans le secteur de Nam Dinh, servant de soutien aux GM (Groupes Mobiles) qui opèrent dans le triangle Nam Dinh, Ninh Binh, Phu Ly, à 60 kilomètres environ au sud-est d’Hanoi.

Le 1er REC a été envoyé à plusieurs reprises en Indochine. Le régiment y a laissé de nombreuses pertes, parmi lesquelles on ne dénombre pas moins de 23 officiers, dont de nombreux lieutenants et un lieutenant-colonel.

 

La tragédie de Tra Vinh.

Pierre Bulteau est à comptabiliser au nombre des officiers morts au combat.

Sur les registres de la promotion « Rome et Strasbourg » (1944) de Saint-Cyr, il est rappelé les décorations, citations et faits d’armes du lieutenant Pierre Bulteau : « Officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre des TOE – Citation à l’ordre de l’Armée : « Officier d'élite qui, au cours d'un premier séjour en Extrême-Orient, s'est vu décerné la Légion d'Honneur après amputation du bras gauche. Est revenue dans une Unité d'intervention ou, depuis son arrivée, il n'a cessé de rayonner par son esprit d'idéal, de commandement humain et d'esprit d'organisation. Chef de guerre, il a montré sur le terrain, a diverses occasions, son courage et esprit de décision. Le 21 janvier 1950, a TRUONG HIEP (province de TRA VINH - Cochinchine), s'est élancé sans hésiter, malgré la faiblesse de ses moyens, à l'aile marchante de son Escadron pour le nettoyage des couverts occupés par un adversaire enterré, fortement armé et camouflé. Après une demi-heure de combat à pied devant ses véhicules, qu'il dirigeait au milieu des difficultés de terrain, a été grièvement blessé en tête de l'Escadron. A été ainsi l'un des artisans certains du succès de son Unité."

En fait, le 21 janvier 1950, dans la région de Tra Vinh, les crabes du 2e escadron du 1er REC, commandés par le capitaine de Blignières déjouent une forte embuscade et mettent l’ennemi en fuite après quatre heures de combat. Si 40 rebelles sont tués, 45 sont prisonniers, le 2e escadron est sérieusement éprouvé – Le lieutenant Pierre Bulteaux, amputé d’un bras lors d’un premier séjour en Indochine, commandant le peloton de dépannage, est grièvement blessé. Il meurt de ses blessures en arrivant à l’hôpital de Tra Vinh en Cochinchine ; hôpital construit sous la direction du Père Favier, missionnaire.

 

Le nom de Pierre Bulteaux est gravé sur le monument aux Morts de Thieffain, dans le département de l’Aube, celui des Morts de la Légion étrangère à Puyloubier (Bouches-du-Rhône) et sur celui de la sépulture collective du cimetière de Boulogne Billancourt (le corps ayant été rapatrié dans cette ville).

 

 

 

Sources :

Au lieutenant Pierre Bulteaux, de Boulogne.

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Publié le 1 Septembre 2018

Au caporal Viguier, de Fontenay-aux-Roses.

Georges Viguier.

 

Georges Wilhelm Viguier nait le 5 septembre 1926 à Bessan dans le département de l’Hérault, arrondissement de Béziers. En ce temps-là, au cœur de la Troisième République, les gouvernements se succèdent : Aristide Briand est renversé au profit d’Edouard Herriot, qui va bientôt devoir céder sa place à Raymond Poincaré, qui rétablit l’économie et la confiance des Français. C’est aussi un temps où enfin les puissances se mettent d’accord sur les dettes de guerre, que ce soit avec l’Angleterre ou avec les Etats-Unis. Des traités d’amitié se signent. C’est notamment le cas avec la Roumanie. Et notre empire colonial semble enfin stabilisé. Pour des générations et des générations. Quelques clairvoyants, et au premier titre il convient de citer le maréchal Lyautey, mettent néanmoins en garde pour un juste partage des richesses et un équilibre politique.

 

Georges Viguier quant à lui n’a peut-être que faire de ces considérations politiques. Ses parents sont montés sur Paris. Il suit avec les bagages ! Jeune adolescent, il découvre la Région parisienne sous commandement allemand. Il n’hésite pas – à 18 ans – à faire partie de ses jeunes français qui s’engagent dans la Résistance et œuvrent pour la libération de la capitale. Il suit le mouvement pour « la durée de la guerre » selon la formule consacrée. Il reçoit la Médaille Commémorative 39-45 Agrafe « Barricades ».

 

Puis c’est l’engagement dans la Légion étrangère. Il verra du pays – c’est promis dans les affiches de propagande – et la solde sera tout à fait appréciable par rapport à ce qu’il pourrait gagner en tant qu’ouvrier.

 

Il intègre la Légion étrangère et la prestigieuse 13e demi-brigade.

 

Situation en Indochine.

 

La guerre d’Indochine a commencé en décembre 1946 après le bombardement du port d’Haiphong par la marine française. Marine qui ne faisait que répliquer aux attentats répétés du Vietminh et ses velléités d’indépendance. Ce bombardement n’arrangeant rien d’ailleurs puisque dans la foulée Hö Chi Minh – en tant que leader du Vietminh – donne l’ordre de massacrer le plus d’Européens possible, Français en particulier, et de piller les maisons. « Que celui qui a un fusil se serve de son fusil, que celui qui a un épée se serve de son épée… Que chacun combatte le colonialisme ».

 

Le Vietminh n’a pas encore le soutien de l’URSS et de la Chine (ce sera en 1949). Aussi, aguerrie dans la guerre du peuple, l’armée populaire vietnamienne se fonde sur la mobilité et la dispersion. Il s’agit là de la théorie du tigre face l’éléphant : « Le tigre est tapi dans la jungle. Il va harceler l’éléphant figé qui, peu à peu, va se vider de son sang et mourir d’épuisement », ajoute Hô Chi Minh. De fait, les soldats communistes se permettent de refuser ou d’accepter le combat. Ils ont l’initiative et les Français du corps expéditionnaire sont généralement en retard et doivent subir. Les coups de main succèdent aux attentats, qui font place aux kamikazes…

 

La 13 en Indochine.

 

Désignée pour faire partie du Corps Expéditionnaire Français en Extrême Orient (CEFEO), la 13e DBLE débarque du SS Ormonde le 6 février 1946 à Saigon, et s’installe au nord de la ville, dans le triangle Gia Dinh – Thu Duc – Hoc Man.

 

Les opérations commencent. Le 19 juin 1946 a lieu le premier combat à Mat Cat, en Cochinchine. La 13 est alors engagée des frontières du Siam jusqu’à Tourane, en passant par la plaine des Joncs. Ses bataillons sont éparpillés :

 

  • Le 1er bataillon s’installe au Cambodge, à la poursuite de Khmers qui se réfugient au Siam.
  • Le 2e bataillon installe son camp au centre Annam afin de défendre Tourane, dégager Hué et surveiller Quang Nam.
  • Le 3e bataillon doit quant à lui affronter les durs combats de Cochinchine, où les embuscades quotidiennes alternent avec des actions de force.

 

La 13e DBLE participe à de nombreuses opérations et bien souvent y laisse bon nombre de  combattants.

 

Pendant le séjour de Georges Viguier, plusieurs histoires arrivent et se racontent de bivouac en bivouac :

 

  1. Le 29 septembre 1946, l’interprète vietnamien du poste de Trunq Chan mélange du datura (hautement toxique) aux aliments : 47 légionnaires sont dans le coma, mais huit autres ont heureusement préféré prendre une douche avant le repas. Voyant l’état de leurs camarades, ils demandent des secours et préviennent ainsi l’attaque.
  2. Un an plus tard, le 19 août 1947, encore une séance d’empoisonnement collectif au poste de Ben Muong. Forts de l’expérience précédente, les ennemis coupent les fils du téléphone et mettent le datura dans le café. Mais un sergent et quatre légionnaires n’ont pas eu le temps d’en boire lorsque l’attaque se déclenche. L’un d’eux traverse inaperçu les lignes ennemies tandis que les autres tiennent tête aux 150 assaillants, pas trop mordants, il est vrai, car ils sont convaincus qu’ils n’ont qu’à attendre pour vaincre sans pertes. Quelques heures plus tard les renforts arrivent et les attaquants deviennent assiégés.
  3. Le 24 avril 1947, la sentinelle du poste « Franchini » voit arriver un groupe de soldats français poussant devant eux un prisonnier ligoté. La sentinelle les laisse pénétrer dans le poste, mais à l’intérieur, sur un signe du soi-disant prisonnier, ils ouvrent le feu, tuant les sept légionnaires et quatre partisans de la garnison.

 

Mais le caporal Georges Viguier n’en verra pas beaucoup plus. Comme bon nombre de ses camarades, il souffre de maladies. Dans un long article sur la guerre d’Indochine, François Goetz (*) indique : « En zone tropicale la dysenterie amibienne, le paludisme, le typhus sont omniprésents. Les conditions du combat ne favorisaient pas l’application des mesures d’hygiène préventives. Dans les rizières et dans la brousse pullulent les parasites, les marches de nuit vous offrent aux piqûres des moustiques. Les premières années de guerre, les moyens médicaux furent insuffisants. Dans quelques bataillons, le médecin-chef distribuait la liste des médicaments de base, en incitant les cadres à se les faire envoyer par leur famille. »

 

Le caporal légionnaire Georges Wilhelm Viguier meurt à l’hôpital militaire de Tourane le 12 septembre 1947. Son corps est rapatrié auprès de sa famille à Fontenay-aux-Roses.

 

 

 

Sources :

 

  • Patrice Gélinet, émission de France Inter 2000 ans d’Histoire : Indochine 1945-1954, histoire d’une guerre oubliée.
  • Général Bigeard, Ma vie pour la France, Ed. du Rocher, 2010.
  • Lieutenant-colonel Jean-Vincent Berte, Indochine : les supplétifs militaires et les maquis autochtones, Collège Interarmées de Défense.
  • Georges Fleury, La guerre en Indochine, Tempus, Perrin, 2003 et Nous, les combattants d’Indochine, Bourin Editeur, 2011.
  • Michel Bodin, Dictionnaire de la guerre d’Indochine, 1945-1954, Economica, 2004.
  • Site de l’association des Anciens combattants et des Amis de l’Indochine : www.anai-asso.org.

 

 

(*) François GOETZ (1927-2008), président de la Fédération Nationale des Combattants Volontaires (1999-2002) était colonel honoraire, commandeur de la Légion d’honneur, titulaire de la médaille militaire, commandeur de l’O.N.M., 11 fois cité, commandeur des ordres nationaux du Sénégal et du Togo, Officier de l’ordre national du Gabon.

 

 

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Publié le 8 Mai 2018

Elèves de l’école commando lao.

Elèves de l’école commando lao.

Les travaux de Michel Bodin.

Michel Bodin est professeur d’histoire, docteur ès Lettres et ès Sciences humaines. Il a consacré sa thèse d’Etat aux soldats des forces terrestres d’Extrême-Orient, de 1945 à 1954. Il a publié de nombreux ouvrages comme « La France et ses soldats, Indochine 1945-1954 » ; « Soldats d’Indochine, 1945-1954 » ; « Les combattants français face à la guerre d’Indochine, 1945-1954 » ; « les Africains dans la guerre d’Indochine, 1947-1954 ». 

Michel Bodin : « Lorsqu’on évoque les troupes coloniales indochinoises, viennent à l’esprit immédiatement les images des soldats vietnamiens, des tirailleurs annamites ou tonkinois, des supplétifs catholiques..., mais pratiquement jamais celles des militaires laotiens. Certes, ils ne furent pas très nombreux, comparés aux autres combattants, mais environ 50.000 d’entre eux participèrent à la guerre d’Indochine de 1945 à 1954, au sein des Forces Terrestres d’Extrême-Orient (FTEO) sans compter les 30 à 40.000 hommes de l’armée nationale laotienne, et les maquisards du GCMA dont l’effectif reste bien difficile à évaluer.

Les habitants du pays du Million d’éléphants ne bénéficient pas d’une grande réputation auprès de leurs frères d’arme. « Les Laotiens n’étaient ni des soldats ni des militaires mais ils devenaient de terribles guerriers si on touchait à leur famille. » Ce jugement péremptoire d’un sous-officier ayant servi au Laos de 1947 à 1950, pose en fait toutes les problématiques touchant aux troupes « coloniales » (préparation, valeur, motivation, emploi...). Cet avis n’est ni original ni nouveau puisqu’un officier supérieur affirmait au XIXe siècle que les Laotiens étaient « trop pacifiques, trop indolents, trop apathiques pour faire de bons soldats ». Cependant, il faut sans doute plus incriminer les origines et la nature de la tutelle française au Laos que les habitants eux-mêmes, pour expliquer qu’on ait peu fait appel aux combattants lao jusqu’en 1941 car les exemples prouvent que toute troupe coloniale, quelle que soit son origine ethnique, se comporte vaillamment au feu si elle est bien encadrée ».

 

Les Laotiens, une force d’appoint.

De peur de lever de mauvaises recrues, les autorités françaises décidèrent de ne pas créer de bataillons de tirailleurs laotiens. Néanmoins, elles acceptèrent des Lao dans les formations de la garde indochinoise dans laquelle ils furent ennoyés parmi des Vietnamiens. Les événements de 1941 (isolement de la métropole, danger japonais et agression siamoise) décidèrent l’amiral Decoux à autoriser l’expérience d’un recrutement de chasseurs laotiens. En juin 1941, apparut ainsi la 2e compagnie du I/10e RMIC, stationnée à Dong Hene qui, du 9 mars 1945 à la capitulation japonaise, resta groupée autour de son chef. En 1942, une deuxième compagnie fut mise sur pied à Vientiane, la 25e compagnie du IV/10e RMIC qui disparut devant les assauts nippons de 1945. Ce sont ces hommes, dont certains ont retraité avec leurs cadres français vers la Chine, et les volontaires encouragés par le roi Sisavang Vong et son fils Savang Vatthana favorables au protectorat français, qui formaient en 1945 un vivier d’environ 4.000 hommes prêts à s’engager dans l’armée française.

Les premiers projets de constitution d’un corps expéditionnaire pour l’Indochine prévoyaient l’enrôlement progressif d’autochtones pour remplacer les troupes africaines et renforcer les effectifs. D’ailleurs une note, rédigée à Kandy en 1945, espérait un recrutement de 500 Laotiens dès la reddition japonaise. À la fin de 1945, se présentèrent aux autorités militaires du corps expéditionnaire (comme au I/10e RMIC en octobre 1945)  de nombreux volontaires, de sorte qu’en application directe des directives du général Leclerc sur les troupes autochtones, quatre bataillons de chasseurs laotiens (BCL) furent formés en octobre 19455. Les survivants de la 2e CCL et les recrues du moyen et haut Laos en formèrent l’ossature. Un quatrième bataillon vit le jour en juin 1946 au Nord-Laos, un cinquième en juillet 1946 à Vientiane et un sixième en novembre 1946 dans la région de Phong Saly. Le 1er juillet 1949 naquirent les 7e et 8e BCL.

 

Dans les BCL, unités autochtones dès leur création, les Français étaient très minoritaires. On parle officiellement de bataillons mixtes laotiens standards à effectif réglementaire de 680 hommes. Au début, ils ne devaient pas compter plus de 15 % d’Européens (tous les officiers et deux tiers des sous-officiers). Le nombre de ces derniers diminua régulièrement au fil du conflit. En 1947, on évoque un « surjaunissement spécial » pour les BCL. En mai 1953, le taux d’encadrement théorique tomba à 10,45 %. Les BCL dépendaient de l’administration des Troupes coloniales.

D’octobre 1945 à juin 1949, opérèrent des formations à forte dominante laotienne comme le 2e commando de chasseurs laotiens et les 4e, 5e, 6e commandos laotiens (ce dernier prit le nom de 6e commando franco-laotien en juillet 1947).

Au début de 1946, on entama la création d’une unité parachutiste laotienne. On ponctionna le 1er BCL et un commando laotien et on dirigea les volontaires vers les deux centres d’instruction de Vientiane et de Takhek (3e compagnie du 1er BCL) avec espoir de fournir 350 parachutistes aux FTEO. En juillet 1948, la 1ère compagnie de commandos laotiens était mise sur pied puis elle doubla son effectif en 1951 par la création d’une unité jumelle, selon les prescriptions du général de Lattre. À ces éléments, il faut ajouter les militaires intégrés aux unités du Train, du Génie, et aux divers services des FTEO selon la politique du jaunissement mise en vigueur pour les Laotiens en mai 1946.

En termes d’effectifs, que représentent les Laotiens dans les FTEO ? En juillet 1948, ils étaient 4.123 réguliers et leur nombre culmina à 7 762 hommes en avril 1952 (effectifs réalisés).

 

L’armée nationale laotienne.

Le Laos ne posséda pas vraiment d’armée nationale avant la convention militaire du 6 février 1950 qui mettait en application les accords du 19 juillet 1949. Avant, la convention du 27 août 1946 réglait toutes les questions de défense. Elle permettait aux troupes de l’Union française de stationner, de circuler et d’avoir des bases dans tout le pays. En mai 1946, on créa une garde nationale qui devint gendarmerie laotienne, forte d’environ 1.000 hommes en 1947.

Parallèlement, on mit sur pied des compagnies d’infanterie lao (CIL) en prévision de la formation d’autres unités. Le 1er bataillon d’infanterie lao (BIL) fut créé à Vientiane en juillet 1950, le 2e à Paksé en octobre. Les effectifs de l’ANL stagnèrent durant toute l’année. En avril 1950, l’ANL regroupait 1.458 hommes avec ses cadres français et on pensait pouvoir recruter 300 hommes supplémentaires avant la fin de l’année. 1.728 étaient sous les drapeaux en janvier 1951, alors qu’on en avait prévu 4.000, et une grande partie du programme initial ne fut pas réalisé. Le 22 août 1951, 19 CIL furent réunies pour constituer les 3e et 4e BIL et préparer les 5e et 6e. L’arrivée du général de Lattre permit un véritable décollage de l’ANL. Même si le pays ne connaissait pas d’opérations comparables à celles du Vietnam, la situation s’y dégrada.

En 1952, le général de Lattre souhaita disposer de 12.300 Laotiens grâce à un effort de recrutement et à l’aide américaine. Il voulait en outre un groupe d’artillerie et l’amorce de services. Naquirent ainsi des directions du génie, de l’intendance, du service de santé et des transmissions. De 10.849 combattants en juin 1952, l’ANL passa à 13.420 le 1er janvier 1953.

L’accord additionnel entre les gouvernements français et laotien modifia ces chiffres. En effet, la métropole prit en charge 4.026 réguliers pour accélérer la mise en condition de 7 bataillons légers. Avec le soutien américain, on put ajouter 3 compagnies de mortiers, ce qui devait faire passer le nombre des Laotiens en arme à 20.951 au 31 décembre 1953. Au 1er janvier 1954, ils étaient réellement 20.250. Au moment du cessez-le-feu, l’ANL comptait un peu plus de 21.000 hommes dont un tiers dans la garde nationale, alors qu’on avait tablé sur un effectif de 26.000.

 

L’adjudant Jacques François.

Jacques François nait à Paris, dans le 18e arrondissement, le 27 octobre 1911. Il s’engage dans les troupes coloniales. En 1946, il est envoyé en Indochine. Il intègre une unité « indigène » : le 6e bataillon de chasseurs laotiens, formé le 1er novembre 1946 dans la région de Phong-Saly au Laos.

Comme beaucoup de soldats de métropole, Jacques François tombe malade quelques mois après son arrivée en Indochine. Il meurt le 27 octobre 1947 à l’hôpital d’Hanoi, au Tonkin, « des suites de maladie contractée en service » selon l’expression consacrée par les règlements militaires. Peu après, il est officiellement déclaré Mort pour la France. Il avait 36 ans.

Habitant d’Asnières-sur-Seine, c’est dans le carré militaire de cette commune qu’il repose en paix pour l’Eternité.

 

Sources :

 

  • Témoignages du colonel Rives.
  • Site de l’Anapi.
  • Archives de l’Anapi.
  • Michel Bodin, Les Laotiens dans la guerre d’Indochine, 1945-1954.
  • Y. Gras, Histoire de la guerre d’Indochine, Paris, Plon.
  • M. Bodin, La France et ses soldats, Indochine, 1945-1954, Paris, L’Harmattan, 1996
  • M. Bodin, « Leclerc et l’utilisation des autochtones indochinois », Leclerc et l’Indochine, 1945-1947, Paris, Albin Michel, 1992, p. 386-389 et Bulletin officiel du ministère de la Guerre ;
  • Crédit photographies : archives de la Délégation générale du Souvenir Français des Hauts-de-Seine ; ECPAD.
L'adjudant François d'Asnières et les Laotiens.

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Publié le 24 Août 2017

Indochine : le RICM en patrouille de reconnaissance.

Indochine : le RICM en patrouille de reconnaissance.

Le RICM.

Le Régiment d'Infanterie - Chars de Marine, formation blindée, est l'un des deux régiments blindés de reconnaissance de la 9e Brigade Légère Blindée de Marine.

Jeune Régiment, il naît à Rabat au Maroc au début du mois d'août 1914 sous l'appellation de 1er Régiment Mixte d'Infanterie Coloniale. En décembre, il devient le 1er Régiment de Marche d'Infanterie Coloniale. Le RICM, Régiment d'Infanterie Coloniale du Maroc est officiellement crée le 9 juin 1915. Le 17 août 1914, il débarque à Cette (ancien nom du port de Sète). Quatre années durant, il livre des combats qui feront de son emblème le plus décoré de l'armée française. Le 24 octobre 1916, il écrit l'une des pages les plus glorieuses de son histoire lors de la prise du fort de Douaumont.

Après plusieurs années d'occupation en Allemagne, le RICM retourne au Maroc en 1925 où le maréchal Lyautey l'a fait appeler. Dans le Rif marocain, ses opérations sont couronnées de succès. Il rejoint la France et Aix-en-Provence en 1932. En 1939, il quitte Aix-en-Provence pour combattre aux avant-postes en Alsace. Défendant pied à pied le sol français, il perd les deux tiers de ses effectifs.

Dissous après l'Armistice, il est reformé à Rabat en 1940. En 1943, il devient régiment blindé de reconnaissance de la 9ème DIC. Débarqué en Provence le 20 août 1944, il prend Toulon, Mulhouse et arrive sur le Rhin à Rosenau le 13 novembre 1944, le premier de toutes les armées alliées. Il atteint Constance quand a lieu la capitulation de l'Allemagne. Pour le RICM, il n'est pas question de repos ; il débarque à Saigon le 4 novembre 1945. Partout en Indochine, le régiment se montre égal à lui-même au cours de dix années de combats incessants.

Présent durant sept années en Algérie, le RICM s'est illustré lors des grandes opérations de l'Oranais et du maintien de l'intégrité du barrage algéro-marocain. A la fin de l'année 1958, il change d'appellation et devient Régiment d'Infanterie - Chars de Marine.

Le 22 janvier 1963, le RICM arrive à Vannes et s'installe au quartier Delestraint. En 1978, il obtient une 18ème Citation à l'ordre de l'Armée en participant aux opérations du Tchad et du Liban. Après deux nouveaux séjours à Beyrouth en 1982 et 1984, deux escadrons sont engagés au Moyen-Orient dans l'Opération Daguet en 1990-1991. Dans le cadre des efforts de paix de l'ONU en ex-Yougoslavie, le RICM effectue deux mandats en 1992-1993, puis en 1995. En 1994, le Régiment participe avec plus de la moitié de ses effectifs à l'Opération Turquoise déclenchée par la France au profit des populations du Rwanda. Durant l'été 1996, le RICM quitte Vannes et s'installe à Poitiers. Il part aussitôt pour un troisième mandat à Sarajevo en Bosnie, de septembre 1996 à février 1997. Puis en avril, un escadron participe à l'Opération Alba en Albanie jusqu'en juillet. De septembre 1997 à janvier 1998, le RICM met sur pied l'élément de réaction immédiate de la SFOR en Bosnie. A partir de 1998, se succèdent l'Opération d'assistance militaire Aramis au Cameroun, la RCA pour un peloton du 2ème escadron, Djibouti pour les 1er, 2ème et 3ème Escadrons, la Côte d'Ivoire pour 2 pelotons et une partie de l'ECL, la Bosnie encore pour le 4ème Escadron, le Tchad pour le 1er Escadron, le Kosovo pour une SRR et la liste est toujours prête à s'allonger. Ce siècle d'histoire s'achève pour le RICM à Mostar avec le Groupement Tactique Français.

 

Régiment le plus décoré de l’armée française.

Le drapeau du RICM est l’emblème le plus décoré de l’armée française :

Su l’avers :

République française Régiment d'Infanterie - Chars de Marine

Sur le revers :

Honneur et Patrie - La Marne 1914-1918 - Verdun-Douaumont 1916 - La Malmaison 1917 - Plessis de Roye 1918 - L'Aisne - L'Ailette 1918 - Champagne 1918 - Argonne 1918 - Maroc 1925-1926 - Toulon 1944 - Delle 1944 - Kehl 1945 - Indochine 1945-1954

Sur la cravate :

La Légion d'Honneur - la médaille militaire - la croix de guerre 1914-1918 avec 10 palmes - la croix de guerre 1939-1945 avec 2 palmes - la croix de guerre des T.O.E. avec 5 palmes - la croix de guerre de l'ordre Portugais de la Tour et de l'Epée - la cravate bleue de la "Distinguished Unit", inscription "Rosenau" - La croix de l'ordre du mérite chérifien

 

Pierre Aubert de Vincelles.

 

Pierre Aubert de Vincelles nait le 27 juillet 1926 au Mans. Issu d’une vieille famille de la noblesse française, famille de militaires, il intègre Saint-Cyr en 1947. Nommé sous-lieutenant le 1er octobre 1949, il suit pendant une année les cours de l’Ecole d’Application de Saumur et se porte volontaire pour l’Indochine.

 

Nommé au grade de lieutenant le 1er octobre 1951, il est affecté au régiment d’infanterie coloniale du Maroc. Il est grièvement blessé lors d’une opération à Dinh Xuyen, au Tonkin. Rapatrié à Hanoi, il meurt des suites de ses blessures le 12 novembre 1953 à l’hôpital militaire Lanessan. Une semaine plus tôt, il venait d’être fait chevalier de la Légion d’honneur.

 

Deux ans plus tôt, pratiquement jour pour jour, l’un de ses parents, le chef de bataillon François Aubert de Vincelles tombait également en Indochine, tué au combat à la tête du 2e bataillon du 3e REI (régiment étranger d’infanterie) dans la région de Cho Cay, au Tonkin.

 

Le corps de Pierre Aubert de Vincelles est par la suite rapatrié en France. Il est enterré au cimetière de Neuilly-sur-Seine, dans une sépulture familiale.

 

Il est le parrain de la promotion Corniche Brutionne 2002-2004 du Prytanée national militaire.

 

Le chant de la promotion.

 

 

Lieutenant Aubert de Vincelles

Lieutenant marsouin

Notre Parrain

 

Au cœur de votre jeunesse

Imprégnée des valeurs militaires

Vous avez suivi sans cesse

L'idéal de vos pères

Du Bahut à Cyr

Sans jamais faiblir

Distingué par votre brillant

Vous demeurez persévérant

 

Refrain :

Lieutenant Aubert de Vincelles

Vous brûliez de tout quitter pour l'Indochine

Répondant présent à la victoire qui vous appelle

Héros de marine

Magnifique chef de guerre

La promotion prend exemple sur votre vie

Votre audace et votre foi ont servi la patrie

Héros militaire

 

Au plus fort des combats vous vous lancez

Pour mener votre escadron d'acier

Libérer l'Indochine enchaînée

Soumettre à votre volonté

Ceux qui devant vous

Voulaient résister

A leur destin de trépassés

A votre foi de chevalier

 

Refrain

 

En écoutant que votre courage

Fier cavalier vous avez défié

Dans cette contrée sauvage

Le Viêt Minh avec dignité

Frappant les dangers

Le sabre à la main

Vous luttez avec âpreté

Des rives de l'Annam au Tonkin

 

Refrain

 

Entraînant tous vos hommes au combat

Vous manifestez votre sang-froid

D'un cœur admirable et vaillant

Vous combattez ardemment

Allant de l'avant

Pour votre patrie

L'audace du soldat combattant

Sert à terrasser l'ennemi

 

Refrain

 

Vous saviez que la Mort vous suivait

Dans votre incroyable chevauchée

Mais vous resterez immortel

Car vous siégez dans le soleil

A l'assemblée

Des officiers

Qui comme vous se sont donnés

Faisant de nous leurs héritiers

Refrain

 

Lieutenant marsouin

Mort au Tonkin.

 

 

L'entrée de l'hôpital Lanessan à Hanoi.

L'entrée de l'hôpital Lanessan à Hanoi.

Sources :

 

  • Patrice Gélinet, émission de France Inter 2000 ans d’Histoire : Indochine 1945-1954, histoire d’une guerre oubliée.
  • Georges Fleury, La guerre en Indochine, Tempus, Perrin, 2003 et Nous, les combattants d’Indochine, Bourin Editeur, 2011.
  • Archives du Souvenir Français des Hauts-de-Seine.
  • Archives du Prytanée national militaire de La Flèche.
  • Promotion Corniche Brutionne 2002-2004 du Prytanée national militaire.
  • Site www.8rpima.fr
  • Site de l’association ANAPI – Association des Anciens Prisonniers Internés Déportés d’Indochine : www.anapi.asso.fr
  • Site : www.cheminsdememoire.gouv.fr

 

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Publié le 15 Janvier 2017

Troupes françaises en retraite vers la frontière chinoise (Copyright Wikipédia).

Troupes françaises en retraite vers la frontière chinoise (Copyright Wikipédia).

Situation du Japon en janvier 1945.

 

Janvier 1945. La situation du Japon n’est pas des plus favorables… Les Américains, après avoir reconquit les îles Mariannes, sont maintenant en train de reprendre les Philippines aux Japonais. Ils lancent également leurs avions bombarder le sud de l’Indochine, et notamment Saigon.

 

De leur côté, les Anglais envoient des parachutistes au Tonkin dans le but de désorganiser les postes japonais. Parmi ces soldats de l’Empire britannique, se trouvent des Français représentant le Gouvernement provisoire de la République (entre autres la Force 136) ; prélude à une force d’expédition française qui prévoit près de 60.000 hommes. Le général Blaizot est d’ailleurs envoyé à Ceylan, dans le but de discuter des modalités avec Lord Mountbatten.

 

Les îles japonaises, elles-mêmes, font l’objet de raids de la part de l’aviation américaine.

 

La situation agricole n’est pas favorable non plus. Les bombardements, l’économie de guerre qui désoriente les forces vives vers l’effort militaire, tout cela entraîne de mauvaises récoltes et des révoltes de la faim. Plusieurs milliers de Vietnamiens se trouvent en état de sous-nutrition. Les Japonais d’Indochine sont persuadés que les Alliés préparent un débarquement d’ampleur. Ils ont laissé en place une administration française, favorable au régime de Vichy, donc pro-allemande. Nos soldats sont répartis dans des casernes installées partout sur le territoire indochinois. Mais ils sont peu nombreux : à peine 12.000 hommes, appuyés de 60.000 soldats « autochtones ».

 

Les Japonais ne sont pas vraiment plus nombreux : à peine 50.000 soldats. Il est temps pour eux d’intervenir s’ils ne veulent pas être débordés. L’Opération Mei est décidée.

 

L’Opération Mei.

 

Elle est d’autant plus décidée que l’aviation américaine fait bombarder Tokyo par 300 B-29, faisant en deux jours, près de 100.000 victimes.

 

Dans les premiers jours de mars 1945, les troupes japonaises sont déployées autour des garnisons françaises. Le 9 mars au soir, l’amiral Decoux, gouverneur général de l’Indochine reçoit l’ambassadeur japonais Matsumoto pour une réunion de routine. A 19 heures, l’ambassadeur présente un ultimatum exigeant que les troupes françaises passent immédiatement sous commandement japonais. Decoux essaie de gagner du temps, mais les premiers coups de feu éclatent dans Saigon. L’Opération Mei est déclenchée. A 21 heures, les garnisons françaises, Decoux et ses adjoints sont mis aux arrêts. Entre 20 heures et 21 heures, les garnisons françaises sont attaquées par surprise par l’armée impériale japonaise. Plusieurs officiers administrateurs et officiers français sont exécutés : à Lang Son, le colonel Robert et le résident Auphelle, invités à dîner ce soir-là par leurs homologues japonais, sont arrêtés par surprise et décapités à coup de sabre, de même que le général Lemonnier qui refusait de donner l’ordre de capituler. A Thak Khek, l’administrateur Colin et l’inspecteur Grethen sont également tués. A Dong Dang, le commandant Soulié est tué après avoir repoussé trois assauts ; le capitaine Anosse, qui a pris le commandement de la contre-attaque, tient trois jours et trois nuits mais doit cesser le feu également à court de munitions et sa garnison décimée. Les Japonais l’honorent de cet exploit puis le massacrent aussitôt ainsi que 400 prisonniers. A Hanoi, marsouins et tirailleurs de la citadelle tiennent vingt heures à un contre dix, menés par le capitaine Omessa, et repoussent trois assauts dont le dernier est qualifié de fait d’armes, mais qui finit par lâcher à court de munitions. Toujours à Hanoi, le capitaine Regnier est torturé et massacré pour avoir refusé la reddition. Son adjoint, le lieutenant Damez, repousse pendant quatre-vingt-dix heures les Japonais en leur occasionnant de lourdes pertes et finit par s’enfuir en forçant les lignes japonaises, après avoir incendié le poste. Au quartier Balny, le lieutenant Roudier tient jusqu’à l’aube. On relève particulièrement le fait d’armes de la vingtaine d’hommes, artilleurs, et leurs trois sous-officiers, retranchés dans « La Légation ». A Hué, le capitaine Bernard et le lieutenant Hamel résistent toute la nuit contre trois compagnies de Japonais équipés de blindés et d’artillerie. Le capitaine Bernard, blessé, est fait prisonnier et sera miraculeusement épargné. Il passera, comme des milliers de soldats et de civils français, le reste de la guerre en camp de concentration, sous le commandement japonais, puis Vietminh.

 

Sur les 34.000 Français métropolitains présents dans la région, plus 12.000 militaires d’origine métropolitaine, plus de 3.000 sont tués en moins de 48 heures. L’administration coloniale est détruite de fait. Les postes militaires français à travers tout l’Indochine (Annam, Tonkin, Cochinchine, Laos, Cambodge) sont touchés. Les troupes japonaises prennent notamment les citadelles d’Hanoi et de Lang Son et y massacrent les Européens et les troupes annamites, malgré les promesses faites en cas de reddition. Des camps de prisonniers sont créés pour y parquer civils et militaires. A Hanoi, les généraux Mordant et Georges Aymé commandent la résistance, mais celle-ci doit finalement capituler au bout de quelques heures.

 

Au Tonkin, le général Sabattier, méfiant, a transféré peu avant le coup de force son poste de commandement hors d’Hanoi, tout en mettant en garde son subordonné le général Alessandri. Tous deux dirigent une résistance de quelques milliers d’hommes. Une partie des troupes françaises est faite prisonnière, tandis que d’autres « prennent le maquis ». Les groupes français, dont la tête de chaque soldat est mise à prix, baptisés plus tard « colonne Alessandri », parviennent en Chine, où ils se mettent à la disposition de la Mission militaire française.

 

 

Fernand Cron.

 

Fernand Cron est téléphoniste au sein de la garnison de Dong Dang. Prisonnier, il est conduit comme beaucoup de ses compagnons d’armes, ainsi que des Annamites présents dans le camp, dans un entrepôt des douanes.

 

Georges Fleury, dans son ouvrage La guerre en Indochine, a raconté l’aventure de Fernand Cron : « A la nuit tombée, les Japonais font irruption dans le magasin. Ils obligent les prisonniers à se dénuder, même les femmes. Ils les entravent et les poussent à coups de crosse vers la route de Lang-Son.

 

Parvenus près de la mission japonaise, les prisonniers sont obligés de s’agenouiller au-dessus d’une fosse d’où s’évade la lourde puanteur des eaux sales de Dong Dang. Des porteurs de torches éclairent la scène. Des Japonais dégainent leurs sabres. Un ordre domine tous les bruits de la nuit. Les lames s’abattent dans des bruits mats. Des têtes tombent dans la fosse, toute de suite rejointes par des corps d’où jaillissent des flots de sang. Des bourreaux ont manqué leur coup. D’horribles plaintes montent de la tranchée. Les maladroits sautent dans le cloaque pour achever leurs victimes.

 

Un deuxième alignement de condamnés bascule dans le noir. Puis un troisième se met en place. Fernand Cron devance le coup de sabre d’une fraction de seconde. Il plonge sur le corps des suppliciés. La lame l’a entaillé de biais à hauteur des vertèbres cervicales. Derrière Cron, le soldat Bravaqui s’écroule en hurlant « Vive la France ! ». Comme il répète son cri de bravade, l’homme qui l’a sabré se laisse tomber sur lui pour terminer la besogne. Cron reçoit encore quelques corps mais contient à chaque choc ses cris de douleur.

 

Une fois le dernier condamné exécuté, les assassins descendent tous dans la fosse et lardent de coups de baïonnettes les corps emmêlés. Epargné, Fernand Cron décide de laisser passer du temps après le départ des brutes. Le sang de ses compagnons ruisselle sur lui. La large plaie de son cou irradie d’intolérable douleur chaque fois qu’il respire. Au bout de quelques temps, le miraculé s’enhardit à appeler un par un ses compagnons. Personne ne lui répond. Il est seul parmi le magma de chair, de boue et de sang dont il s’extirpe au prix d’efforts surhumains.

 

Le blessé à demi étêté rampe dans un boyau fétide, se redresse, tâte sou cou où il découvre une plaie large comme la main, reconnaît une piste menant à la montagne, rassemble ses dernières forces, prend sa tête à deux mains, la maintient bien droite et se lance à la course. Derrière lui, Dong Dang flambe. Cron court sans lâcher sa tête jusqu’à ce qu’il bute contre deux Tonkinois échappés du fort. L’un d’eux a le dos troué par deux coups de baïonnette. L’autre est indemne. Le trio parcourt encore cinq kilomètres et pénètre dans un village habité par des Thôs. Cron est à bout de forces. Ses bras mordus de crampes ne peuvent plus maintenir sa tête. Son menton tape sur sa poitrine étroite. Le tirailleur indemne s’aperçoit soudain de son état. Il pousse un cri d’horreur et s’enfuit à toutes jambes.

 

Fernand Cron perd conscience sitôt que des montagnards l’allongent sur un bat-flanc. Lorsqu’il émerge de sa torpeur douloureuse, il est lavé, vêtu à la tonkinoise, sou cou est pris dans une pâte brune. Les montagnards décident de le cacher dans une grotte avec son compagnon.

 

Quelques jours plus tard, alors que quelques défenseurs de Lang Son errent encore dans les montagnes calcaires proches de la frontière, le capitaine Michel, qui a échappé avec certains de ses hommes du 3e RTT, repère un paysan vietnamien. Il est tout petit, penché sur bâton de marche. Ce dernier suit les soldats français depuis quelques centaines de mètres. Sur leurs gardes, les hommes de Michel le laissent approcher. Le capitaine se rend compte qu’il est européen. Fernand Cron a les larmes aux yeux. Il parle difficilement et ne peut redresser sa tête penchée sur sa poitrine. Il se met à genoux devant Michel, place ses mains derrière son dos et, en articulant difficilement, répète à plusieurs reprises :

 

  • C’est comme ça qu’ils m’ont fait…

 

L’officier donne à boire au miraculé. Un infirmier fait bouillir de l’eau afin de débarrasser son horrible plaie de la crasse miraculeuse dont les Thôs l’ont ointe. Et la marche vers la Chine reprend ».

 

Bien plus tard, de retour en France, Fernand Cron reprendra son métier et terminera sa vie du côté de Cognac, où il était viticulteur.

 

 

 

 

 

Sources :

 

  • Encyclopédies Universalis, Larousse, Wikipédia.
  • Site de l’ANAI : Association Nationale des Anciens et des Amis de l’Indochine.
  • Bulletins de l’ANAI.
  • André Teulières, l’Indochine, guerre et paix, 1985.
  • Georges Fleury, La guerre en Indochine, Perrin, 2000.
  • Pierre Montagnon, La France coloniale, Pygmalion, 1990.
  • Jacques Dalloz, La guerre d’Indochine, Seuil, 1987.
  • Lucien Bodard, La guerre d’Indochine, Grasset, 1965.
  • Jean Sainteny, Indochine 1945-1947, Amiot-Dumont, 1953.

 

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Publié le 20 Avril 2016

Parachuté chez les "Japs" !

Il y a un an disparaissait notre ami Robert, dit « Bob » Maloubier. En juin 2015, le magazine TIM (Terre Info Magazine) avait publié dans son numéro 265 une interview de Bob Maloubier, racontant son aventure indochinoise. Il était alors l’un des derniers survivants des ces parachutistes qui avaient été envoyés en Indochine pour semer la zizanie dans les troupes japonaises.

Au service de Sa Majesté.

« Quand on est partis pour être largués sur le Laos, on nous a dit au briefing : « En arrivant au sol, vous trouverez peut-être des partisans pro-français et antijaponais qui s’appellent les Viêts quelque chose », confie Bob Maloubier, figure légendaire des Services spéciaux. « En fait, il s’agissait du Vietminh, les communistes vietnamiens, et ils n’étaient pas du tout pro-français. Quand on les a rencontrés la première fois, le 8 septembre 1945, ça a été notre fête ! ».

Bob Maloubier, comme quelques dizaines de jeunes officiers issus des forces spéciales ayant participé à la libération de la France, est envoyé dans le Sud-est asiatique pour combattre les Japonais qui occupent encore d’immenses territoires, dont l’Indochine française. Agé d’à peine 22 ans, il est capitaine et titulaire d’un palmarès exceptionnel. Parachuté comme saboteur en Normandie en août 1943, il opère clandestinement jusqu’en décembre quand il est grièvement blessé par balle. Exfiltré vers l’Angleterre, il revient en France dans la nuit du 6 au 7 juin 1944 pour encadrer les maquis limousins, harcelant les Allemands qui cherchent à rejoindre le front normand.

« On m’avait offert de me joindre à la Force 136 qui recrutait des agents pour des opérations contre les Japonais », continue M. Maloubier, plus tard fondateur des nageurs de combat français et un des créateurs du 11e bataillon de choc.

La Force 136 était la branche extrême-orientale du Special Operations Executive (SOE), le service action britannique qui coiffait toutes les nationalités qui allaient entreprendre des actions dans la région.

Force 136.

« C’était gigantesque : il y avait des Birmans, des Indiens, des Malais, des Chinois, des Anglais, des Sud-Africains et des Australiens. Beaucoup venaient des forces spéciales et avaient opéré en France, en particulier du SOE et des équipes franco-anglo-américaines Jedburgh. On a été récoltés comme les enfants perdus que nous étions pour continuer la guerre en Malaisie, en Chine, en Birmanie et en Indochine », poursuit M. Maloubier.

Les Français sont regroupés dans la French Indochina Country Section, le service action français pour l’Asie. Certains sont parachutés ailleurs qu’en Indochine, tel Pierre Boulle, planteur en Malaisie, qui plus tard écrira le roman Le pont sur la rivière Kwaï, basé sur ses expériences du combat en jungle. Les agents sont entraînés au Sri Lanka. « Nous étions des centaines d’agents et on parlait toutes les langues » s’amuse M. Maloubier. Le colonel Jean Sassi, alors sous-lieutenant, raconte dans ses mémoires (« Opérations spéciales, 20 ans de guerres secrètes », Editions Nimrod) que les Français reçoivent la visite d’un compatriote haut-gradé venant d’Afrique et sans aucune expérience de l’Asie. Il leur déclare que « le Japonais est un petit homme aux jambes torses habillé en vert. Mauvais tireur, il raterait un éléphant dans un couloir ».

Les instructeurs britanniques, vétérans des campagnes de Birmanie, modèrent le jugement. « Surtout, évitez le corps-à-corps. A la baïonnette, le soldat nippon est insurpassable. Il ne s’avoue jamais vaincu et pousse le fanatisme jusqu’au sacrifice. Ne vous approchez pas d’un cadavre avant de l’avoir inspecté ; il a peut-être été piégé par ses collègues. Même méfiance vis-à-vis d’un blessé : il vous attend peut-être avec une grenade dégoupillée. Pour eux, la vie n’est rien ».

Bob Maloubier est parachuté avec une petite équipe au Laos le 15 août 1945. Il doit harceler les Japonais. Puis, quand le Japon se rend après les bombardements atomiques de son sol, il rejoint le Vietnam comme administrateur de province. « Mais on s’est fait flinguer par les Viêts avant d’arriver, alors on m’a dit, vous êtes dans une province laotienne donc c’est vous qui l’administrerez ».

Tenir le Laos.

« Et on a tenu le Laos et empêché les Viêts de s’y installer. Les Vietnamiens étaient 30 millions d’habitants et nous n’étions au départ que 60 Français et plus 2.000 partisans laotiens qui ne pouvaient pas sentir les Viêts. On faisait le coup de feu et on bougeait continuellement pour donner l’impression que nous étions beaucoup plus nombreux. Mais moi je n’avais que 120 partisans et les autres missions à peu près les mêmes effectifs » se souvient M. Maloubier. « Si on a survécu, c’est parce qu’il y avait des grands espaces et la brousse et que les Japs s’étaient tirés du Laos. Mais ils avaient quand même laissé à la frontière les forces Viêts ».

Les maquis franco-laotiens vont tenir jusqu’en avril 1946 quand ils seront relevés par des troupes régulières françaises arrivées de Saigon.

Bob Maloubier est décédé le 20 avril 2015, quelques semaines après avoir accordé cette interview. Les honneurs lui ont été rendus aux Invalides à Paris le 29 avril.

NDLR : si l’Armée française et la Direction Générale des Services Extérieurs de la France ont rendu à Bob Maloubier l’hommage qu’il méritait, il convient de signaler que Sa Majesté la reine Elisabeth II, de visite à Paris, lui a elle-même remis les insignes de l’Ordre de l’Empire britannique.

Sources :

Terre Info Magazine n°265 – Juin 2015 – Texte de Bernard EDINGER.

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