Publié le 22 Mai 2022

Août 1944 : des résistants et des policiers découvrent les poteaux d’exécution.

Août 1944 : des résistants et des policiers découvrent les poteaux d’exécution.

 

7 – Le Mur d’amiante :

L’une des énigmes du Stand de Tir réside en un épais mur d’amiante, qui se trouvait derrière des poteaux d’exécution du pas de tir à 50 m. Il s’agissait d’un mur assez épais sur une hauteur d’environ 2,50 m et une longueur d’une dizaine de mètres.

 

7.1 – Les traces de mains :

Ce mur comportait de nombreuses traces de mains. Pas de traces laissées à plat, mais enfoncées dans le matériau, comme si l’on avait voulu s’y agripper. Dans son enquête, le commissaire Henri Danty fait la remarque suivante : « Au pas de tir, et sur une longueur de dix mètres, et sur toute leur hauteur, les murs sont tapissés d’une épaisse couche d’amiante et portent jusqu’à une hauteur de 2m50 des centaines d’empreintes de mains ».

Plusieurs hypothèses sont envisageables.

 

7.2 – Caractéristiques du matériau :

D’abord, il semble certain que les personnes qui ont posé ou fait poser ce mur d’amiante connaissaient parfaitement les propriétés du matériau. Des rapports font état des propriétés phoniques de l’amiante. Le mur aurait donc été construit pour limiter les nuisances sonores. De fait, cela peut s’expliquer par la nature même des activités exercées. Pour autant, le mur a-t-il été construit au moment de l’occupation allemande ou avant ? Il convient néanmoins d’indiquer qu’avant la présence allemande aucune note ni rapport ne fait mention de la construction spécifique.

Une deuxième hypothèse, présentée par Adam Rayski dans l’ouvrage Au Stand de Tir consiste en la supposition que les Allemands posèrent ce mur d’amiante et qu’ils le faisaient chauffer grâce à des câbles électriques placés à l’intérieur. Ainsi, monté à haute température, le mur d’amiante permettait d’ôter la vie aux suppliciés qui voulaient s’y accrocher pour échapper aux balles.

Cette hypothèse laisse sous entendre que les fusillés n’étaient pas forcément attachés et les yeux bandés, et que les Allemands pouvaient, par exemple, les faire courir et que les suppliciés s’accrochaient au mur dans l’espoir d’atteindre les soupiraux placés au-dessus du fameux mur. Cette macabre mise en scène est parfaitement illustrée dans le film l’Armée des Ombres de Jean-Pierre Melville, tourné en 1969.

 

7.3 – Une chambre à gaz :

Là encore, il convient d’être très prudent. L’astrophysicien Jean-Pierre Petit a fait des recherches sur le Stand de Tir de Balard. Sur le site internet de son association « Savoir sans Frontières », il commence par mentionner sa propre expérience :

« J’ai été élève à l’Ecole Nationale Supérieure de l’Aéronautique de Paris, Supaéro, de 1959 et 1961. Les élèves de différentes Grandes Ecoles bénéficiaient d’un traitement spécial, vis-à-vis d’une formation prémilitaire (…). Cet entraînement comportait des séances de tir qui se tenaient dans un stand situé à Issy-les-Moulineaux. Je me souviens parfaitement qu’une salle de ce stand était tapissée de grillage, qui retenait, plaqué au mur, d’épaisses plaques d’amiante, qui représente un assez bon isolant phonique. D’après les photographies prises au moment de la Libération de Paris, ce grillage fut apposé après. Un sous-officier, préposé au tir, m’expliqua qu’il s’agissait de traces de doigts des gens qui avaient été gazés dans ce local et qui avaient cherché à grimper au mur pour échapper au gaz mortel ».

Jean-Pierre Petit présente des témoignages :

  • Roger Réant : « Vu de mes yeux sur les lieux des cartouches de Ziklon B, des traces invraisemblables de mains sur le revêtement intérieur installé pour retenir les cris des mourants. Des cercueils en sapin à l’extérieur, des poteaux d’exécution criblés à hauteur des visages. Cette chambre à gaz jouxtait le bâtiment couvert du stand de tir. Elle comportait une fausse cheminée par laquelle un « gestapo » introduisait la cartouche mortelle de gaz. Des ventilateurs après l’exécution vidaient les gaz vers l’extérieur.
  • Maurice Grégoire : « Je soussigné Monsieur Grégoire Maurice, engagé volontaire le 9 octobre 1944 au 117ème Bataillon de l’Air, boulevard Victor à Paris, certifie avoir découvert avec horreur lors de mon arrivée à la caserne las endroits où étaient fusillés les patriotes après leur arrestation. Cinq étaient situés dans le Stand de Tir et quatre dans la chambre à gaz ».
  • Robert Vizet : « Je soussigné, Robert Vizet, parlementaire honoraire, ancien résistant, engagé volontaire pour la durée de la guerre 1939-1945, demeurant route de Villaine à Palaiseau, déclare me rappeler que lorsque j’étais de garde au Ministère de l’Air, en octobre 1944, d’avoir eu l’occasion de visiter le polygone d’Issy-les-Moulineaux où avaient été fusillés des résistants. Loin de là se trouvaient une bâtisse dont l’intérieur était tapissé d’amiante où l’on voyait encore des traces de doigts, de mains qui semblaient exprimer des tentatives de gens qui s’y trouvaient enfermés, pour se hisser vers les soupiraux vitrés mais hermétiquement clos, afin de se soustraire à la suffocation des gaz. C’était, d’après les témoignages de l’époque, une chambre à gaz destinée dans ce secteur à l’extermination certainement de résistants ou de personnes dont les nazis voulaient se débarrasser. C’est vrai que depuis je n’ai pas eu à connaître ce qu’était devenu le lieu de tortures et d’exécutions par les gaz ».

Il est vrai qu’en France occupée existaient des endroits de tortures et des chambres d’extermination (cas d’un camp de travail à Thil et de son four crématoire, près de Longwy). De fait, Adam Rayski dans son ouvrage fait également mention d’une salle, photographie à l’appui, parfaitement isolée du reste du stand, mais qui comportait une installation de fours, « alimentés au gaz ou, éventuellement, au charbon », selon ses propres termes. Il indique également que le pas de tir à 50 m avec son mur d’amiante était bien isolé du pas de tir à 200 mètres. Les suppliciés étaient-ils gazés et / ou leurs restes brûlés ? Nous n’avons pas de preuves irréfutables.

 

8 – Le Stand de Tir ne sera pas classé « Monument historique » :

Dès la fin de la guerre, des voix commencent à s’élever afin de proposer de conserver le Stand de Tir tel quel et d’en faire un lieu de mémoire.

Le 16 février 1946, le ministre de l’Education nationale, Marcel-Edmond Naegelen estime dans une lettre : « qu’il y aurait intérêt de faire classer comme monument historique le Stand de Tir d’Issy-les-Moulineaux afin de conserver dans son état actuel ce lieu qui aurait été le témoin des atrocités allemandes » (document recueilli par Adam Rayski).

Sur ordre du ministre de l’Intérieur, André Le Troquer, une enquête est demandée au préfet de Police de Paris, Charles Luizet, qui la délègue aux Renseignements généraux. Le document, en date du 8 avril 1946, est signé S. Allezain, par délégation du préfet Luizet et mentionne : « Il apparaît que le classement du Stand comme monument historique ne présente plus beaucoup d’intérêt, les traces d’atrocités commises ayant à peu près disparues ».

Le préfet ajoute : « Tour à tour, les marques et traces de la barbarie nazie disparurent : chacun voulant emporter chez lui un souvenir. Ainsi, les marques des mains sur l’amiante furent emportées par les uns. D’autres, stupéfiés par la hauteur des empreintes faites sur l’amiante par les malheureuses victimes dans leurs détentes éperdues s’essayaient à sauter aussi haut qu’elles et détérioraient les véritables marques ».

Il semble qu’André Le Troqueur ait confirmé cette décision.

Une précision s’impose : dans les mois qui suivent la Libération de Paris, le préfet Luizet est chargé par le général de Gaulle de remettre en marche l’Etat et principalement la préfecture de Police de Paris. Avec pour objectif secondaire d’afficher une volonté de réconciliation. Car des tensions existent, et elles sont importantes, entre les représentants des Forces Françaises de l’Intérieur (comprenant entre autres les résistants communistes ex-Francs Tireurs Partisans), les gaullistes, les représentants de l’administration, ceux qui se découvrent un passé de résistant... L’heure est également à l’épuration des personnes ayant collaboré avec les autorités allemandes. Mais à quel niveau de collaboration, un Français doit-il être jugé ? Un fonctionnaire qui a fait son devoir, c’est-à-dire obéi à sa hiérarchie, doit-il pour autant être considéré comme collaborateur de l’Allemagne nazie ? Les débats commencent, comme les procès, et un grand nombre de déclarations s’avère gênante. Vengeances personnelles, dénonciations, abus, lettres anonymes reprennent de plus belle, comme au temps de l’Occupation… Cela n’empêche pas la prononciation de près de 100.000 condamnations.

 

9 – L’inauguration de la plaque commémorative en 1961 :

Le 23 avril 1961, trois avant la destruction du Stand de Tir, une plaque commémorative est inaugurée à l’initiative de l’Association des familles de fusillés. La plaque rappelant les noms des 143 martyrs est placée sur le mur du parking du ministère de l’Air (Base Aérienne 117). Adam Rayski rappelle que cette association bénéficia des appuis des mairies du XVème arrondissement de Paris et d’Issy-les-Moulineaux.

Ce jour-là, Madame Decourdemanche, ancienne résistante, termine son discours par ces mots : « N’oubliez pas votre devoir de Mémoire ».

 

10 – La destruction de 1964 :

Une note du 14 février 1963 du Bureau Génie de la Direction de l’Infrastructure expose les conséquences en termes de superficie pour la construction de nouveaux bâtiments (« Casernement définitif de la B.A. 177 » – Base Aérienne). Précisément, pour construire les bâtiments nécessaires pour accueillir 500 sous-officiers, 2.000 hommes de troupe, un réfectoire, un mess (et d’autres bâtiments de services généraux), une surface de 4,7 hectares est indispensable De ce fait, il convient de prendre les parcelles, dénommées A, B et C. Le Stand de Tir est placé sur la parcelle A.

Dans une note du 24 juin 1964, le Bureau Travaux de la Direction de l’Infrastructure de l’Armée de l’Air, ayant pour objet le Déplacement du Stand de Tir dit « de la Porte de Sèvres », indique ceci :

  • « relatives au déplacement du Stand de Tir dit « de la Porte de Sèvres » dont le terrain d’emprise doit servir d’assiette à certaines installations du Casernement définitif du B.A. 117 ».
  • « Il est précisé que la zone concernée est destinée » (…) « à l’édification d’un bâtiment services généraux et logement troupe ».
  • « il conviendrait que soient examinés dès à présent les problèmes de principe posés par le transfert du Stand de Tir en cause ».

Un peu plus loin, le Bureau Travaux propose d’envisager le transfert du Stand de Tir sur la Base Aérienne de Villacoublay, « moyennant une participation financière de l’ordre de 1 million de francs au titre de la Section AIR ». Le colonel Arpurt, Chef du Bureau Militaire de la Direction de l’Infrastructure approuve cette note transmise à l’Etat Major pour avis.

Nous n’avons pas trouvé les éléments de réponse de l’Etat Major. Quoi qu’il en soit, par la suite, le transfert à Villacoublay est annulé et le Stand de Tir est bel et bien détruit pour être remplacé par les bâtiments dont il est question dans la note de juin 1964.

 

11 – Commémorations :

Depuis l’inauguration de la plaque de 1961, des commémorations ont régulièrement lieu à l’endroit où se trouvait le Stand de Tir. Elles sont l’œuvre de la mairie de Paris, du Souvenir Français du 15ème arrondissement, des associations d’Anciens Combattants.

 

Sources :

  • Journal d’Issy-les-Moulineaux « Point d’Appui » de novembre 2003.
  • Recherches du général de brigade aérienne Jean-Claude Ichac.
  • Archives militaires.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Encyclopédie Larousse.
  • Archives du Souvenir Français – Comité d’Issy-Vanves.
  • Livre « Au Stand de Tir » d’Adam Rayski.
  • La France au combat (éditions Perrin), Georges Caïtucoli.

 

 

La plaque commémorative et le mur d'amiante.
La plaque commémorative et le mur d'amiante.

La plaque commémorative et le mur d'amiante.

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Publié le 22 Mai 2022

Le Stand de Tir de Balard – 1.

 

1 – Création du Stand de Tir :

Le Stand de Tir de Balard fut créé en 1938 sur les terrains de l’Ecole Supérieure de l’Aéronautique. Il était destiné à l’entraînement des jeunes militaires. Les policiers venaient également s’y entraîner. Nous n’avons pas trouvé les raisons qui expliquent le choix de l’emplacement. Le Stand de Tir comportait deux pas de tir : le premier à 200m et le second à 50m.

 

2 – Lieu d’implantation :

Le lieu d’implantation du Stand de Tir a fait couler beaucoup d’encre. Etait-il sur la commune de Paris ou d’Issy-les-Moulineaux ? Les deux serions-nous tentés d’écrire. En fait, le Stand de Tir fut bâti sur l’ancien Champ de Manœuvres, endroit fort connu des anciens isséens, et qui fut berceau de l’aviation. Ce camp d’essais était situé à cheval sur les deux communes actuelles.

La localisation exacte du Stand de Tir, comme le montre le plan ci-après le situent juste au-dessus de l’actuel boulevard périphérique, à gauche de l’avenue de la Porte de Sèvres, quand on vient d’Issy. Plus précisément, il se situait sur la parcelle Ouest (dénommée également Parcelle A par les services de la Direction de l’Infrastructure de l’Armée de l’Air).

Un plan de 1963 montre également que le Stand de Tir se situait au sud des Services Techniques de la Marine Nationale.

 

3 – L’occupation allemande de 1940 et 1941 :

Après l’invasion de mai 1940, l’ensemble des bâtiments du ministère de l’Air et ceux jouxtant ce ministère, sont occupés par la Lutwaffe. L’armée et la police allemande s’installent dans plusieurs endroits de la capitale (hôtels, casernes, bâtiments administratifs) ; le plus célèbre étant l’hôtel Meurice sur la rue de Rivoli.

Depuis 1939, la police allemande est composée de la Geheime Staatspolizei (Gestapo – police secrète d’Etat) et du Sicherheitsdienst (SD – Service de Sécurité) de la SS (Schutzstaffel – initialement chargé de la protection du Führer, Adolf Hitler, puis devenu véritable Etat dans l’Etat). L’ensemble porte le sigle RSHA (Reichssicherheitshauptamt – Direction de la Sécurité du Reich).

Au départ, la Résistance française se manifeste principalement à l’extérieur, sous l’égide du général de Gaulle. C’est cette puissance qu’on appelle la France Libre, composée des Forces Françaises Libres. Peu à peu, d’abord sous forme d’actions de renseignement avant de passer à des actions de sabotage, d’exécution ou de signes contre l’Allemagne nazie, la Résistance française se montre également à l’intérieur du territoire national, que ce soit en Zone Occupée ou en Zone Libre.

 

4 – Le « tournant » de 1942 :

1942 marque un tournant. Il s’agit de la conjonction de la nomination d’un nouveau chef pour la police allemande, la collaboration accélérée et systématique de la police française et l’unification de la Résistance française par le préfet Jean Moulin, donc des actions de plus en plus visibles.

 

4.1 – L’application du décret d’Adolf Hitler :

Le 9 mars 1942, Adolf Hitler signe un décret qui dote la France d’un Chef suprême des SS et chef de la police, en la personne de Karl Oberg. Ce chef est en outre chargé d’organiser les rapports avec la police française.

Dès le mois d’avril, la Gestapo s’introduit en Zone Libre et commence ses enquêtes. Le décret entre en application en mai ; en juin, Karl Oberg prend ses fonctions (identiques à celles d’Himmler en Allemagne) et s’installe boulevard Lannes. Sous son commandement, deux entités sont créées : le BdS (Befehlshaber der Sicherheitspolizie und des Sicherheitsdienstes – 2.500 hommes), dont le quartier général se trouve avenue Foch (Helmut Knochen en est le directeur), et l’Ordnungspolizei (ORPO, de l’ordre de 2.400 hommes), dont le chef est von Schweininchen et qui s’installe rue de la Faisanderie.

En juillet 1942, Karl Oberg rencontre René Bousquet, Secrétaire général de la police française depuis le mois d’avril Ils se mettent d’accord pour collaborer. Adam Rayski, dans son ouvrage Au Stand de Tir en reprend les éléments principaux :

  1. « Autant que possible, communication au préalable au Secrétaire Général à la Police, de toutes les mesures de principe qui touchent le travail commun.
  2. Communication à la Police française, des instructions d’ordre général, par la voie administrative française, pour autant que l’urgence ne s’oppose pas à cette réglementation, et ceci pour obtenir une direction unifiée et énergique de la Police française.
  3. Collaboration étroite entre les Commandants de la Police de la Sûreté, les Commandants des S.S., les préfets régionaux et les services subalternes de la police, pour l’exécution de toutes les mesures policières.
  4. Il est posé en principe que les mesures de représailles (exécutions et déportation) seront exercées, à l’avenir, seulement à l’égard des personnes qui n’auront été ni désignées par la police française aux services dépendant du Commandement des S.S. et du Chef de la Police, ni arrêtées par elle.
  5. Poursuite, par les autorités françaises, des délits politiques qui ne sont pas dirigés directement contre les intérêts du Reich allemand.
  6. Armement meilleur de toute la police française.
  7. Création de groupes mobiles de réserve.
  8. Création d’écoles pour augmenter le rendement et la puissance de choc dans la lutte contre les ennemis communs ».

De plus, dans une ordonnance, Karl Oberg écrit :

« J’ai constaté que ce sont souvent les proches parents d’auteurs d’attentats, des saboteurs et des fauteurs de troubles, qui les ont aidés avant ou après leur forfait. Je me suis donc décidé à frapper des peines les plus sévères non seulement les auteurs mais aussi, au cas où ils seraient en fuite, les familles des criminels s’ils ne se présentaient pas dans les dix jours à un service de la police allemande ou française. En conséquence, j’annonce les peines suivantes :

  1. Tous les proches parents masculins, les beaux-frères et cousins des fauteurs de troubles au-dessus de l’âge de dix-huit ans seront fusillés.
  2. Toutes les femmes parentes au même degré, seront condamnées aux travaux forcés.
  3. Tous les enfants de toutes les personnes ci-dessus âgés de moins de dix-huit ans seront confiés à une maison de redressement. »

 

4.2 – La réorganisation de la police française :

René Bousquet a donc été nommé Secrétaire général de la police en avril 1942. Il commence par la réorganiser ainsi :

  • La loi du 23 avril 1941 créé la police nationale avec trois sections :
    • La Sécurité publique pour le corps de police urbains.
    • La police judiciaire (connue sous le nom de son sigle – PJ).
    • Les Renseignements généraux (RG).
  • Dissolution de la police anti-juive et son remplacement par les Brigades Spéciales (BS) des Renseignements généraux : 10 % des effectifs de chaque commissariat est dédié à la traque des ennemis du régime : dissidents, prisonniers évadés, juifs, résistants, puis, plus tard, les réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire).
  • Création des Groupes mobiles de réserve (GMR, dont l’idée sera reprise plus tard au moment de la création des CRS – Compagnies républicaines de sécurité). Enfin, une école de la police nationale est ouverte à Lyon. Plus tard, l’ensemble du dispositif sera complété par l’ajout de la Milice, mise au point par Joseph Darnand.

Avec son adjoint Jean Leguay, René Bousquet va ouvrir la voie à la collaboration active avec Karl Oberg. Les conséquences immédiates de cette collaboration sont :

  • Pierre Laval, chef du Gouvernement de Vichy, annonce à la radio la mise en place de la « Relève », qui engendrera le STO : pour trois travailleurs français partant en Allemagne, aider à l’effort de guerre, un prisonnier de l’Armée française sera libéré. « Je souhaite la victoire de l’Allemagne, parce que sans elle le bolchévisme s’installerait partout » ajoute-t-il.
  • La Rafle du Vel’ d’hiv – juillet 1942 au Vélodrome d’Hiver à Paris, situé à l’angle du boulevard de Grenelle et de la rue Nélaton – où 12.884 juifs sont rassemblés avant d’être envoyés vers les Camps de la mort.
  • Une chasse active envers tous les « terroristes » qui œuvrent contre les intérêts du Reich et de ses alliés.
  • La trahison de l’Etat français à l’encontre des populations juives de la Zone libre : Pierre Laval, chef du Gouvernement de Vichy fait livrer des milliers de juifs réfugiés dans cette zone.

Il faut ajouter que la rue Lauriston, donc à quelques encablures de Balard, abritait la Carlingue, officine dirigée par l’ancien policier Jacques Bonny et son adjoint, Henri Lafont, et qu’à ce moment-là, elle va considérablement aider les Allemands dans la traque des Résistants et des « terroristes ».

 

4.3 – L’unification et l’intensification des actions de la Résistance française :

Dans l’ouvrage La France au combat (éditions Perrin), Georges Caïtucoli, ancien de la France Libre, écrit ceci : « Au début de 1942, la Résistance est sortie de la phase initiale caractérisée par la multiplication d’initiatives isolées et fragiles. »

Des groupes comme Libération-Nord, l’Organisation Civile et Militaire, Front National s’organisent et font parler d’eux en Zone Occupée. D’actions de contestations (placardage d’affiches, mise en point de journaux clandestins), elles se transforment en acte de sabotage et d’assassinats, même si le total de 200 soldats allemands tués dans toute l’année 1942 peut apparaître comme infime.

 

5 – Les bourreaux du Stand de Tir :

Dans son livre, Adam Rayski présente les bourreaux du Stand de Tir. Il s’agit de la GFP et de groupes associés, appuyés et renseignés par la police française.

En 1942, Karl Oberg fait renaître à Paris la GFP (Geheime Feld Polizei), police militaire secrète, organe exécutif de l’Abwehr, contre-espionnage du Reich. Il s’agit d’accélérer la traque des Résistants.

Le « groupe 6/10 » est créé : il s’agit d’un « Kommando für Kapital Verbrechen », ou crime suprême, dont les hommes vont administrer le Stand de Tir en véritables barbares. En cela, ils seront aidés pour les filatures, les traques, les interrogatoires et les tortures par la Brigade Spéciale n°2 de la préfecture de Police de Paris.

 

6 – Les victimes :

A ce jour, nous n’avons pas trouvé les raisons qui poussaient les autorités allemandes à choisir le Stand de Tir ou le Mont Valérien, ou d’autres lieux encore, pour exécuter les Résistants et prisonniers.

Au Stand de Tir, 143 personnes (répertoriées) sont fusillées entre 1942 et 1944. Sur ces 143 personnes, 54 avaient moins de 25 ans, 22 avaient entre 18 et 20 ans, 4 n’avaient que 17 ans.

Les massacres commencent le 6 juillet 1942. Certaines journées voient les exécutions se succéder sans interruption : 6, le 20 août 1942 ; 12, le 28 août 1942 ; 17, le 5 octobre 1942 ; 15, le 21 octobre 1942 ; 16, le 7 mars 1944.

 

Parmi les fusillés, il convient de citer :

  • Les martyrs du lycée Buffon : Jean-Marie Arthus (15 ans), Jacques Baudry (18 ans), Pierre Benoît (15 ans), Pierre Grelot (17 ans) et Lucien Legros (16 ans).
  • Robert Beck, qui dirige un réseau de renseignements pour le compte de l’Internationale communiste.
  • Charles Bergeyre. En février 1941, il participe aux sabotages des usines Renault et protège la manifestation du 14 juillet 1942.
  • André Bernardeau, qui fait partie de Résistance-Fer.
  • Mary-Emile Besseyre, un des responsables des FTP (Francs-Tireurs et Partisans) de Paris, avec Gaston Carré et Raymond Losserand. Ils seront tous les trois fusillés.
  • Gaëtan Charpentier, membre du réseau Hector.
  • Georges Demesy, responsable des FTP de Villiers-sur-Marne.
  • René Dervaux, médecin engagé aux FTP en 1941.
  • Fernand Drouin, officier du 2ème Bureau de l’Air, agent de renseignement ayant, entre autres, organisé le passage de parachutistes anglais et canadiens en Zone libre.
  • Engros : famille de trois frères : Marcel, né le 20 décembre 1917, exécuté au Mont-Valérien le 23 mars 1942 ; Lucien, né le 15 mai 1920, torturé et massacré au Stand de Tir, le 28 août 1942 ; André, né le 21 novembre 1926, condamné à mort et fusillé au Mont-Valérien le 19 janvier 1943. Leur mère disparaît mystérieusement pendant cette période et n’a jamais reparue. Adam Rayski évoque l’hypothèse d’un rapt et d’une élimination par la Gestapo.
  • Maurice Feld, qui participe de nombreuses actions contre la Wehrmacht.
  • Fontaine père et fils : Jules Eugène, 39 ans, responsable FTP pour la région de Fougères, et son fils, Roger Joseph, 17 ans – mais 13 ans au moment de son entrée dans la Résistance – sont arrêtés en novembre 1943, alors qu’ils ont derrière eux plusieurs actes de sabotage, des déraillements, des coups de mains et des attaques à la grenade contre la feldgendarmerie locale.
  • René Froment, pilote d’essai, membre du réseau du Musée de l’Homme.
  • Georges Herrewyn, commissaire – lieutenant – aux opérations régionales (Bonnières, Mantes, Sartrouville, Versailles, Conflans) des FTP.
  • Raymond Jaclard, 24 ans, très tôt engagé dans les combats de la Guerre d’Espagne, il poursuit son engagement après 1940.
  • Ernest Julien Laval, tourneur, membre du réseau Front National.
  • René Legrand, Directeur de Service à la Compagnie France Navigation.
  • Emile Louys, capitaine au ministère de l’Armement, membre du BCRA (Bureau Central de Renseignements et d’Action), service monté par le colonel Passy, alias André Dewavrin, sous l’autorité du général de Gaulle.
  • Pierre Rebière, il participe à la Guerre d’Espagne – il est blessé à Madrid en 1937 – dans les Brigades Internationales. Il fait partie des créateurs de l’Organisation Spéciale, puis des FTP, dont il entraîne les premières troupes.
  • René Rodier, jeune résistant FTP sous les ordres du colonel Fabien.
  • Rémy Roussel, membre du réseau de résistance Libération-Nord, chef de groupe FTP.
  • Cadix Sosnowski, 17 ans, étudiant, membre de l’Union de la Jeunesse Juive, il s’engage dans un groupe de FTP d’Issy-les-Moulineaux.
  • René Vouhe, il s’engage dans les FTP en décembre 1941 sous les ordres de Jean Debrais.

 

 

Emplacement du Stand de Tir et martyrs du lycée Buffon.
Emplacement du Stand de Tir et martyrs du lycée Buffon.

Emplacement du Stand de Tir et martyrs du lycée Buffon.

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Publié le 16 Mai 2022

Au frères Wibrate de Malakoff.

Pour voir le carré militaire 39-45 / Indochine / Algérie de Malakoff, il faut se diriger tout de suite vers la gauche sitôt la porte d’entrée passée. Au cœur de ce carré figure une tombe qui rassemble les restes de deux frères : il s’agit des frères Wibrate.

Serge Wibrate, fils de Raoul et de Marcelle Fromentin, nait à Paris le 30 juillet 1925. Engagé dans l’armée de Terre, il appartient au 23e régiment d’infanterie coloniale, le régiment de Marcel Bigeard et de François Mitterrand ! Après s’être couvert de gloire pendant la Seconde Guerre mondiale, notamment dans le secteur de Nancy avec la dernière charge à la baïonnette de cette guerre, l’unité est envoyée en Indochine.

Serge Wibrate est marsouin. Il suit son détachement dans le Tonkin, et plus précisément dans la région de Quang Yen, non loin d’Haïphong. Le 27 mars 1947, il meurt pour la France, des suites de ses blessures. Il est décoré de la Croix de guerre TOE.

Quelques mois plus tard, son corps est rapatrié et placé dans la tombe de son jeune frère, Serge.

Né à Paris le 11 mars 1928, Serge Wibrate est une victime civile de la Seconde Guerre mondiale. Il meurt à l’hôpital d’Orléans le 7 septembre 1944, quelques jours après la libération de la ville et de sa région.

 

 

Sources :

http://www.memorialgenweb.org

Informations de Philippe et Claudine Deguillien et de Claude Richard.

Encyclopédie Wikipédia.

Archives photographiques de la DG92 du Souvenir Français.

La sépulture, Maurice puis Serge.
La sépulture, Maurice puis Serge.
La sépulture, Maurice puis Serge.

La sépulture, Maurice puis Serge.

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