Publié le 11 Février 2012
Les bombardements de la Seconde Guerre mondiale.
Chaque guerre est l’occasion du développement technologique, terrible, de l’armement. En 1870-1871, plusieurs unités françaises, notamment à la Défense, sont stoppées par une nouvelle arme prussienne : la mitrailleuse. Au cours du premier conflit mondial, la technologie et la mécanique des chars d’assaut et des avions donnent un avantage aux Alliés face au IIème Reich.
L’une des caractéristiques de la Seconde Guerre mondiale est la multiplication des bombardements. Ce ne sont plus des actions anecdotiques, isolées mais massives et elles sont un caractère stratégique : elles ont pour but la destruction de voies de communication, d’unités militaires ou industrielles œuvrant à l’effort de guerre. Elles ont aussi une action psychologique : il s’agit de traumatiser les populations civiles dans le but de maximiser la peur de l’ennemi à son approche terrestre.
Jacqueline Foveau : « Manquant de tout, persuadée que nous pouvons être arrêtés d’un moment à l’autre – c’est le temps du STO (Service du Travail Obligatoire) – nous décidons de partir dans le sud, en Zone libre, au Puy en Velay, où des amis ont une grande maison. Alors, nous laissons mon grand-père paternel pour veiller sur notre appartement et nous voilà, mon père, ma mère, mon frère, mes deux grands-mères, entassés dans notre voiture, sur les routes de France. Peu avant la ligne de démarcation, un gars nous hèle : « Ne prenez pas cette route, elle est bouchée. Passez à droite, c’est à couvert ». Bien nous en prend : moins d’un quart d’heure plus tard, nous entendons des avions qui foncent sur la route. Le bruit est épouvantable ; une sorte de sirène qui vous glace le sang. Des balles passent à quelques dizaines de mètres de nous. Des morts partout. Des gens que nous avions vus quelques instants plus tôt : ils étaient là. Par terre. Allongés dans des flaques de sang ».
Sur Boulogne-Billancourt.
Le 1er mars 1942, un groupe de la Royal Air Force britannique lance des milliers de tracts sur la ville de Boulogne-Billancourt : « Il y a quelques mois, nous avons annoncé notre intention de bombarder en France occupée les usines qui travaillent pour le compte d’Hitler. Nous savions d’avance que vous approuveriez cette décision. En France comme ailleurs, nos objectifs sont choisis d’après des renseignements précis. Nous viserons aussi exactement que possible, et nous connaissons notre affaire. Il y aura fatalement des bombes qui passeront à côté. Aidez-nous à éviter les pertes de vie françaises. Mettez-vous à l’abri ».
Deux jours plus tard, la même force lâche 475 tonnes de bombes sur les usines Renault. Sept ouvriers trouvent la mort, mais c’est infiniment moindre par rapport à la population civile qui n’a pas eu le temps, ou le réflexe, de se mettre à l’abri dans les caves ou les égouts : la ville et ses alentours comptabilise plus de 600 morts et 1.500 blessés. Alors que du haut de la Butte Montmartre des Français applaudissent à l’intervention anglaise, le gouvernement de Vichy, par les voix du maréchal Pétain et de Philippe Henriot, ministre de l’Information, parle à la radio et désapprouve l’action. Ils organisent en quelque sorte une émotion nationale et décrètent une journée de deuil national. « Rues soufflées, quartiers rasés, enfants précipités de leur berceau dans leur tombe, pauvres restes arrachés aux décombres sous la fumée suffocante, nous avons vécu minute par minute vos affreuses tortures. Elles ont atteint la France au plus profond de son âme », indique le maréchal.
En avril 1943, alors que la production aux usines Renault a repris depuis juin 1942, et que, de fait, les populations voisines sont inquiètes, un nouveau bombardement se produit. Il est l’œuvre de l’aviation américaine : une minute seulement après le déclenchement de l’alerte, 250 tonnes de bombes sont larguées depuis une hauteur de 400 mètres. Les dégâts sont considérables : près de 500 immeubles sont atteints par des fragments. On n’en dénombre pas moins de 400 morts.
Jacques Dubois, maire-adjoint honoraire de Boulogne-Billancourt : « Le 4 avril 1943, Boulogne-Billancourt subit un autre grand bombardement effectué en plein jour par un beau dimanche après-midi. Après le bombardement du 3 mars 1942, une grande partie de la population avait quitté Boulogne-Billancourt pour se mettre à l’abri, mais il restait encore de nombreuses familles sur place. Le bombardement nous surpris rue de l’Ancienne mairie, devant l’église Sainte-Thérèse, où la troupe scoute se préparait pour une sortie au parc de Saint-Cloud. Il ne dura que quelques minutes comme si les équipages qui volaient à haute altitude étaient pressés d’échapper à la défense antiaérienne. Elle s’était considérablement renforcée depuis l’attaque de 1942. La bombe qui tomba près de l’église, à quelques dizaines de mètres de moi, me précipita dans la crypte. Heureusement, elle éclata dans la terre meuble du jardin du curé, en faisant un entonnoir énorme, mais ne tuant personne. Je retrouvai dans la crypte toute la troupe scoute, avec les prêtres de la paroisse. Hélas, ce bombardement coûta la vie à notre mère qui périt dans le hall d’un immeuble du boulevard Jean Jaurès où elle avait cherché refuge. Notre père échappa lui, miraculeusement, à la mort. Les dommages furent considérables en pertes humaines et beaucoup de Boulonnais quittèrent définitivement la ville ».
Lucette Pontet : « Nous habitions Issy-les-Moulineaux. L’alerte était chaque fois terrible. Nous savions que les usines de Boulogne étaient visées. Que là-bas, à quelques kilomètres, des gens allaient mourir. C’était horrible. Nous savions aussi qu’à chaque fois des bombes tombaient à côté. Près de chez nous, la rue Auguste Gervais en souffrit particulièrement. Je revois ma mère en pleurs racontant la disparition de plusieurs familles ensevelies sous les décombres de leur immeuble ».
En septembre 1943, la situation est pire : une des bombes destinées à une usine de Renault tombe sur le champ de courses d’Auteuil. C’est un massacre. Et plusieurs bombardements se succèdent en quelques jours faisant plus de 300 victimes. Toutes les communes avoisinantes sont touchées. La propagande se déchaîne, dénonçant l’action soi-disant de libération par des titres dans les journaux comme « Un nouveau crime de Churchill », « Le peuple dénonce les assassins anglais », « Mon Dieu, faites qu’ils ne reviennent pas »…
Pour autant, globalement, la population ne désapprouve pas l’action des Alliés. Elle ne la revendique pas plus. La France courbe l’échine, supporte tant bien que mal la douleur et la honte de la défaite se cherchant un protecteur, à défaut d’un sauveur. Il en sera ainsi pendant de longs mois, avant que la Résistance ne commence son œuvre, et qu’elle soit, et c’est une autre histoire, approuvée par la vox populi.
En attendant, les bombardements sur Boulogne et la Région parisienne ont fait pendant quatre ans des milliers de victimes civiles. A l’époque, on ne parlait pas « frappes chirurgicales » et de « dommages collatéraux ». Victimes non combattantes, elles ne sont pas représentées par des associations, ne sont pas commémorées. Victimes mortes pour la France… qui les a souvent bien oubliées.
Thierry Gandolfo.
Conservateur du cimetière d’Issy-les-Moulineaux
Ancien sous-officier au 32ème RA.
Sources :
- Ville de Boulogne-Billancourt : www.boulogne.billancourt.com
- Entretien Madame et Monsieur Foveau, octobre 2007.
- Entretien Madame Pontet, janvier 2008.
- Témoignage de Monsieur Jacques Dubois, maire-adjoint honoraire de Boulogne-Billancourt. Ce témoignage a été recueilli par Monsieur Daniel Jouin, président du comité local du Souvenir Français.
- Encyclopédie Universalis, dictionnaire Larousse, encyclopédie Wikipédia.
- André Castelot et Alain Decaux : Histoire de la France et des Français, Larousse.
- Service historique de la Défense – Site « Mémoire des hommes » du ministère de la Défense.
- Site de « la Libération de Paris » par Gilles Primout.
- Site « Plaques commémorative » de François Tanniou.
- Image de guerre, Marshall Cavendish.
- Site internet de Renault SA : www.renault.fr