Publié le 30 Avril 2017

Le dernier Noël de Prosper Beurier.

Au 4e bataillon de Chasseurs.

La famille Beurier était une famille connue sur Asnières-sur-Seine et Gennevilliers. Elle a d’ailleurs laissé son nom à un rue d’Asnières, appelée « Villa Beurier ».

 

Prosper Beurier nait le 11 novembre 1891 à Gennevilliers. La France est alors en plein doute : le général Boulanger qui avait, il y a peu, en tant que ministre de la Guerre, soulevé les foules par son patriotisme, son exaltation et ses provocations vis-à-vis de l’Allemagne, est maintenant complètement discrédité. Le ministre de l’Intérieur, Ernest Constant, lui donne l’ordre de cesser immédiatement ses actions pour renverser la République et mettre en place un pouvoir monarchique. La sanction tombe : un mandat d’arrêt est prononcé à l’encontre du général. Le 30 septembre 1891, Boulanger passe en Belgique, se recueille sur la tombe de sa maîtresse puis se tire une balle dans la tête. Clémenceau dira de lui : « Il est mort comme il a vécut. En sous-officier… ».

 

Prosper Beurier grandit et, jeune adulte, classe 1911 avec le matricule 2310 au corps, intègre le 4e bataillon de chasseurs en 1914. Créé en 1840, le 4e BCP prend le nom de « chasseurs d’Orléans » deux ans plus tard. Pendant la Guerre franco-prussienne, il est un élément de la Première division d’infanterie. Le 4e participe à la bataille de Beaumont dans les Ardennes. C’est une déroute. Le corps d’armée du général de Failly est écrasé et laisse à découvert l’armée de Chalons, commandée par Mac-Mahon… On connait la suite et la reddition de toute l’armée.

 

En 1914, le casernement du 4e bataillon de chasseurs est situé à Saint-Nicolas-de-Port, dans le département de Meurthe-et-Moselle, non loin de Nancy. Il fait partie de la 21e brigade d’infanterie, 11e division, 20e corps d’armée. Le régiment participe à la bataille de Morhange, en Lorraine, en août 1914, puis est porté sur le front de la Somme en septembre suivant. En novembre, il est de la bataille des Flandres.

 

Dans les Flandres.

Le général allemand Erich von Lindermann, chef d’état-major général, a renforcé les 4e et 6e armées allemandes autour de la ville d’Ypres. Depuis des semaines, les belligérants se font face et progressent d’est en ouest, dans ce qui est maintenant convenu d’appeler « la Course à la mer ».

 

Ypres, dans les Flandres belges, est tenue par les Anglais. Les Allemands veulent gagner les ports de Calais et de Boulogne. Pour cela, ils prévoient une offensive majeure. Mais les Belges, alliés des franco-anglais, ont fait creuser des tranchées, là où l’eau n’arrive pas. Car Ypres est une région de polders. Et les Belges ont ouverts les vannes des digues qui la protègent. L’eau inonde donc le théâtre des opérations, parfois de plus d’un mètre. De plus, ils complètent leur système défensif en se servant du remblai d’une ligne de chemin de fer surplombant la plaine. Les Allemands, obligés d’attaquer des troupes retranchées, sont handicapés par l’inondation. En dépit des centaines de milliers d’obus qui s’abattent sur la région, les Alliés tiennent bon.

 

En décembre 1914, c’est au tour des Français et des Anglais d’attaquer les troupes du Reich. Mais ces derniers ont appliqué la méthode utilisée par leurs ennemis : ils se sont placés dans des tranchées imprenables. C’est l’hécatombe du côté franco-anglais…

 

Arrive Noël…

 

La trêve de Noël.

Les soldats du front occidental sont épuisés et choqués par l’étendue des pertes qu’ils viennent de subir depuis le mois d’août. L’ambiance est morose dans les tranchées et les cantonnements de l’arrière. Mais au petit matin du 25 décembre, les Britanniques qui tiennent les tranchées autour d’Ypres entendent des chants de Noël provenant des positions ennemies. Lentement, des groupes de soldats allemands sortent de leurs tranchées et avancent jusqu’au milieu du « no man’s land ». Ils appellent les Britanniques à venir les rejoindre. Les deux camps se rencontrent au milieu d’un paysage dévasté par les obus, échangent des cadeaux et discutent. Ils vont même jusqu’à jouer un match de football.

 

La première bataille d’Ypres est un succès pour les Alliés, mais son coût est terrible. Les deux camps s’affairent maintenant à consolider leurs positions en aménageant un système de tranchées qui bientôt, courront de la mer du Nord à la frontière suisse. La Première Guerre mondiale ne dure que depuis six mois et les Alliées ont déjà perdu plus d’un million d’hommes. Parmi eux, Prosper Beurier dont le corps repose à jamais dans cette terre inondée des Flandres. Son tombeau se trouve au fond du cimetière de Gennevilliers.

 

 

 

Sources :

 

  • Encyclopédie Larousse.
  • Encyclopédie Britannica.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Pierre Miquel, Les Poilus, Terre Humaine Plon, 2000.
  • Bernard Destremau, Weygand, Perrin, 1989.
  • Site de la ville d’Asnières-sur-Seine : www.asnieres-sur-seine.fr
  • Site Internet du Ministère de la Défense : www.memoiredeshommes.sga.gouv.fr
  • Site Internet : www.chtimiste.com
  • Photographie prise au cimetière de Gennevilliers – Copyright : Délégation des Hauts-de-Seine du Souvenir Français.

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Publié le 15 Avril 2017

Bivouac de soldats français après la seconde bataille du Bourget (Alphonse de Neuville).

Bivouac de soldats français après la seconde bataille du Bourget (Alphonse de Neuville).

La première bataille du Bourget.

 

En 1870, le village du Bourget est juste un alignement de maisonnées s’étendant de part et d’autre de la route de Flandres (actuelle Nationale 2), sur une pente assez rapide, à un peu plus de cinq kilomètres des fortifications de Paris et à moins de trois kilomètres du fort d’Aubervilliers, place militaire majeure. C’est d’ailleurs au pied de ce fort que passe également la route des Flandres. Le village du Bourget est traversé par une petite rivière, appelée la Molette.

 

Après la capitulation de l’armée française et la capture de Napoléon III à Sedan, début septembre 1870, les Prussiens s’approchent à grands pas de Paris, but de leur campagne. Ils arrivent dans les environs du Bourget à la fin de ce même mois et n’y laissent que peu de soldats.

 

Le 28 octobre 1870, le général de Bellemare, commandant à Saint-Denis, envoie, sans l’autorisation du général Trochu, commandant la place de Paris, le commandant Roland avec 300 francs-tireurs. Le peu de soldats allemands se trouvant sur place est chassé sans ménagement. Aussitôt le général de Bellemare demande des renforts mais qui celle-ci est rejetée par Trochu.

 

Deux jours plus tard, les Allemands contre-attaquent avec un déluge d’artillerie. Les fantassins prussiens avancent de trois côtés du Bourget : Drancy, Dugny et Blanc-Mesnil. Cernés au nord, à l’est et au sud-est, les soldats français, pris de panique, fuient vers La Courneuve et Aubervilliers. Mais leur retraite est coupée au niveau de la commune de La Courneuve. Seuls les commandants Brasseur et Baroche demeurent avec leurs troupes au Bourget. Ils défendent comme ils peuvent chaque rue et se battent même à l’intérieur de l’église Saint-Nicolas. A 13h, tout est terminé : les Allemands ont récupéré la place et les Français, ceux qui n’ont pas été tués ou blessés, se sont enfuis dans un désordre sans nom.

 

Dès la fin des combats connue à Paris, un soulèvement populaire se produit. Il est réprimé. Le mois suivant, les Allemands fortifient le Bourget et font sauter la voie et la gare de chemin de fer qui relie le village à La Courneuve.

 

Les Français ne veulent pas en rester là…

 

La seconde bataille du Bourget.

 

Le 16 décembre 1870, un Conseil de guerre de la République française décide d’une importante offensive afin de dégager Paris. Il est prévu de progresser sur deux axes : l’un par le Bourget, le long de la route de Flandres, et l’autre par la ferme de Groslay et Aulnay par la route des Petits-Ponts à Drancy. L’opération doit se dérouler le 21 décembre.

 

Tôt au matin du 21, les Français décident de bombarder le Bourget depuis les forts d’Aubervilliers, des batteries placées à La Courneuve et sur des wagons blindés, positionnées sur la ligne de Soissons. L’offensive commence avec les fusiliers marins du capitaine de frégate Lamothe-Tenet. Les soldats s’emparent du cimetière, font une centaine de prisonniers allemands puis progressent vers l’église. Là, ils tombent sur une barricade tenue par les Prussiens. Elle est attaquée à la hache d’abordage. Quant au général Lavorgnet, sa brigade arrive par le sud-ouest et la route de Flandres. Mais elle ne peut entrer dans le village du Bourget, parfaitement fortifié. A midi, face à un ennemi qui n’a pas reculé d’un mètre, le général Trochu informe le général Ducrot de cet échec.

 

Non seulement Le Bourget n’a pas été repris, mais cette fois le village est pratiquement entièrement détruit.

 

Un mois plus tard, les Prussiens entrent dans Paris…

 

Sources :

 

  • Encyclopédie Larousse.
  • Encyclopédie Wikipédia.
  • Encyclopédie Britannica.
  • Napoléon Peyrat, Journal du siège de Paris, 1870.
  • Louis-Paul Rollin, La guerre dans l’ouest, campagne de 1870-1871.
  • François Roth, La Guerre de 1870, Fayard, 1990.
  • Lieutenant-colonel Rousset, Histoire générale de la guerre franco-allemande.
  • L’image est une reproduction de l’un des nombreux tableaux réalisés par Alphonse de Neuville sur la Guerre franco-prussienne.

 

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Publié le 8 Avril 2017

Le viaduc reliant Tréboul à Douardenez.

Le viaduc reliant Tréboul à Douardenez.

C'était pendant la guerre de 1939-1945 à Tréboul, dans le Finistère, en Bretagne. Cette commune a été absorbée par Douarnenez en 1945.

 

Nous étions au printemps de 1943 dans la classe de CM1 de Monsieur Pascal Bourdon. Il faisait une très belle journée ensoleillée et les fenêtres situées au sud étaient ouvertes.

 

Soudain, des coups énergiques ébranlèrent la porte de la classe.

 

Monsieur Bourdon se dirigea vers celle-ci et l'ouvrit. Dans l’entrebâillement, les élèves purent distinguer deux hommes portant un chapeau et un manteau de cuir, comme on a pu en voir dans les films sur la Deuxième Guerre mondiale. C’était la Gestapo. On saura par la suite qu'un cordon de troupes d'occupation entourait l'école.

 

Je supposai que Monsieur Bourdon s’était vu signifier son arrestation pour menées subversives et enjoindre de les suivre. Très calmement, l’instituteur leur demanda s’il pouvait aller prendre ses socques, des chaussures à semelles de bois qu'on portait avec des chaussons de tissu. Il referma la porte, pris ses socques déposées sur l'estrade sur laquelle était installé son bureau puis, toujours aussi calme, se dirigea vers la fenêtre la plus proche en nous faisant signe de nous taire. Il enjamba la fenêtre (nous étions au premier étage) et sauta sur le toit d’un bâtiment en contrebas. Se laissant glisser jusqu'au bord, il se suspendit à la gouttière – qu'il déforma – et s’élança dans la cour.

 

Par chance pour lui, ce côté était gardé par des gendarmes français. A sa vue, le plus proche fit semblant d'aller aux toilettes, ce qui permis à Monsieur Bourdon de disparaître par le jardin du directeur. Il ne fut pas rattrapé…

 

Au bout d'un moment, l’un des gestapistes ouvrit la porte, parcourut la classe du regard, alla voir sous le bureau et vit alors la fenêtre ouverte. En se penchant il remarqua la gouttière déformée puis, sans un mot, ressortit.

 

Nous étions de tout cœur avec notre instituteur et heureux qu'il soit parvenu à fuir les Allemands. Nous avons appris par la suite qu'il avait été pris en compte par son réseau de résistance, échappant ainsi à la torture et à la mort.

 

Peu de temps après, un autre instituteur, Monsieur Castrec, qui enseignait à la classe de CM2, disparut dans la nature. Lui aussi faisait partie du même réseau. Après la Libération nous avons su que cet enseignant avait rejoint un maquis dans le Périgord pour échapper aux recherches.

 

Tous deux avaient sans doute été dénoncés.

 

Le sang-froid de Monsieur Bourdon m'a beaucoup frappé. Je m'en souviendrai toute ma vie. Cela a été pour moi un exemple, un complément à son cours qui était par ailleurs extrêmement apprécié.

 

J'ai ensuite, de 1944 à 1945, été l'élève de Monsieur Castrec qui m'a préparé à l'examen d'entrée en 6e. J’ai gardé en mémoire les noms de quelques camarades de classe: Savina, Sévéléder, Couillon, Gargadennec. Je souhaiterais, s'ils sont encore de ce monde, qu'ils puissent lire ce récit et y apporter leur contribution.

 

Quant à elle, l’école, elle a été détruite pour laisser place à l'école de voile de Douarnenez.

 

 

 

 

Colonel (ER) Pierre Keraudren

Président honoraire du Comité de Châtillon du Souvenir Français

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Publié le 1 Avril 2017

L'alternative.

C’est un parcourant l’excellent mémoire d’une adhérente du Souvenir français des Hauts de Seine (1) que j’ai découvert cette lettre d’un soldat demeuré inconnu. Au premier abord, sa réflexion peut nous conduire sur la piste du fatalisme mais, dans le même temps, elle nous entraîne vers une espérance salutaire qui garde aujourd’hui toute sa force.

 

Voici donc la lettre que ce poilu adresse à sa marraine. Parti soldat, sous-lieutenant au début de l’année 1916 (2) il écrit : « Il y a toujours dans notre vie actuelle deux alternatives : l’expérience a prouvé que, dans aucune, il ne fallait s’en faire et voici pourquoi : étant au dépôt, par exemple, il y a deux alternatives ; ou vous êtes envoyé au front ou vous partez à l’arrière ; si vous allez vers l’arrière, vous ne vous en faites pas, c’est clair ; si vous partez pour le front, il y a deux alternatives : vous vous trouvez dans la zone marmitée ou dans une zone qui ne l’est pas ; dans ce dernier cas, vous ne vous en faites pas, bien entendu ; si vous êtes dans la zone marmitée, il y a encore deux alternatives : ou vous êtes touché, ou vous ne l’êtes pas ; si vous n’avez qu’une petite émotion, pas besoin de s’en faire ; mais si vous êtes touché, il y a deux alternatives : vous êtes blessé grièvement ou légèrement ; dans ce dernier cas, vous faites votre pansement et ne vous en faites pas du tout ; dans l’autre cas, il y a encore deux alternatives : vous en mourrez ou vous n’en mourrez pas ; dans la première c’est clair, vous ne vous en faites plus ; dans la seconde, il y a deux alternatives, on vous ampute ou on ne vous ampute pas ; si vous êtes amputé, vous êtes réformé et il n’y a pas à s’en faire. Dans les deux cas, on vous mène à l’hôpital ou vous êtes bien soigné et moins que jamais y n’faut s’en faire ; mais dans le second cas, il y a deux alternatives : vous êtes envoyé au dépôt ou en convalescence ; si vous allez en convalescence, c’est la bonne vie, on n’s’en fait pas ; mais si vous êtes envoyé au dépôt, il y a encore deux alternatives : ou vous êtes envoyé sur le front ou on vous envoie à l’arrière… voir le commencement … ».

 

Un siècle plus tard, la question sur l’alternative qui se présente au Souvenir français se pose selon moi dans les mêmes conditions mais se résume en une première et impérieuse nécessité : accroître le nombre de nos adhérents pour que notre association devienne dans l’écoulement du temps la grande association mémorielle de France.

 

 

 

Claude Guy

Délégué général du Souvenir Français

Département des Hauts-de-Seine

 

 

 

 

Notes :

 

1 - Patricia Pillorger, les poilus de Rueil, mémoire pour le diplôme universitaire de généalogie et histoire des familles, université de Nîmes, juin 2011.

2 - Société historique de Rueil-Malmaison, l’Abeille de Rueil in bulletin paroissial du 1er trimestre 1916.

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