Courbevoie et la caserne Charras.

Publié le 6 Juin 2015

Courbevoie et la caserne Charras.

A l’instar de nombreuses communes des Hauts-de-Seine, comme Rueil, Suresnes, Nanterre ou encore Saint-Cloud, Courbevoie a eu elle-aussi une caserne. Une caserne autrefois célèbre et qui permit à la ville de grossir rapidement. Une caserne dont maintenant seul le nom est connu car elle est devenue un centre commercial ! Il s’agit de la caserne Charras.

 

La caserne.

La Caserne Charras est l'une des trois casernes construites pour les Gardes suisses en application d'un décret royal de 1754, sur les plans de l'architecte français Charles Axel Guillaumot. Celle-ci date de 1756, et construite en même temps et sur le même modèle que celles de Rueil-Malmaison et de Saint-Denis. C'est de cette caserne que les Gardes suisses, commandés par le marquis de Maillardoz, partent le 10 août 1792 pour aller défendre les Tuileries, sur ordre de Louis XVI. Sur 950, seuls 300 soldats reviendront.

 

Durant le premier Empire, entre deux campagnes, la caserne abrite le 1er régiment de Grenadiers à pied de la Garde impériale. Pendant la révolution de 1830, des habitants de Courbevoie s'emparent de la caserne, défendue par le 3e régiment de la Garde. En 1886, elle prend le nom de « Caserne Charras » en hommage à deux officiers républicains, le général Joseph Charras et son fils le colonel Jean-Baptiste-Adolphe Charras.

 

A la déclaration de guerre, en 1914, s’y trouvent plusieurs compagnies du 119e régiment d’infanterie (d’autres étant sur Lisieux).

 

Le 119e.

Le 119e régiment d’infanterie de ligne est formé en 1808, à partir d’autres unités, pour aller combattre en Espagne. D’ailleurs, il s’illustre à Burgos et à Santander. Il reste en Espagne jusqu’en 1814 – date de la perte de cette conquête par la Grande Armée – et recule sur la France pour aller défendre la ville de Toulouse, sous les ordres du maréchal Soult. Ville qu’il ne peut tenir et qu’il doit évacuer le 12 avril 1814. Depuis six jours, l’Empereur napoléon 1er a abdiqué. L’encre parafant le traité qui le condamne à l’exil sur l’ile d’Elbe est à peine sèche…

Plus tard, le régiment est de la Guerre franco-prussienne et se bat héroïquement à Buzenval en janvier 1871. En 1914, le 119 se trouve établi dans deux casernes, à Lisieux et à Courbevoie, au quartier Charras. Le 119 fait partie de la 12e brigade d’infanterie, de la 6e division et du 3e corps d’armée.

Vincent Martin, caporal, a raconté ses premières impressions au 119e RI : « A Courbevoie, nous avons deux bataillons en garnison; le 1er commandé par le chef de bataillon Rignot et le 2ème par le chef de bataillon Carlier. Le Colonel, auquel sont adjoint un Lieutenant-colonel et un chef de bataillon adjoint, est avec nous. Nous sommes la portion principale du régiment. A Lisieux nous avons un troisième bataillon. C'est la portion centrale ou se tiendra le dépôt en cas de guerre. Chaque bataillon est composé de quatre compagnies : en temps de paix chaque compagnie est divisée en huit escouades numérotées : 1, 3, 5, 7, 9, 11, 13, 15. En temps de guerre, chaque compagnie comprend seize escouades. Les soldats de l'armée active sont répartis entre les escouades qui sont complétées par les réservistes appelés directement à leur lieu de mobilisation. Ainsi j'appartenais à la 5ème escouade et je fus versé, à la mobilisation, à la 6ème. Ce qui fait qu'a la mobilisation, nous avons par compagnie quatre sections de quatre escouades. A chaque bataillon est adjointe une section de mitrailleuses, bien peu à côté de ce que possèdent les allemands. Nous nous plaisions bien en garnison à Courbevoie; tous les samedis soir, nous allions en permission à Dennemont et rentrions le dimanche avant minuit à la caserne. »

 

Première Guerre mondiale.

A la déclaration de guerre, le 119e est envoyé en Belgique où il participe à la bataille de Charleroi, puis à celle de la Marne. L’année suivante, il est de l’offensive en Artois puis à Vimy et au Bois de la Folie dans la Somme. Lors de l’attaque du 25 septembre, le régiment connait l’une de ses pages les plus noires avec la mort de près de 240 de ses hommes : « les premières vagues escaladent le parapet ; mais elles sont aussitôt accueillies par un feu intense de mousqueterie et de mitrailleuses, car la préparation d’artillerie, très efficace sur la deuxième et la troisième ligne, a respecté la première. Nombreux sont ceux qui tombent avant d’avoir fait dix pas ; ceux qui ont pu parvenir jusqu’aux fils de fer, intacts, sont accueillis par un violent barrage de grenades. Les secondes vagues s’élancent néanmoins et ont le même sort ; le commandant Broquette, les capitaines Viguier, Roussel, sont tombés les premiers. Les survivants des vagues d’assaut, blottis dans les trous d’obus, doivent attendre la nuit pour regagner en rampant la parallèle de départ ».

En 1916, le 119e combat à Verdun entre avril et mai. Il est décimé au Fort de Vaux le mois suivant.

Sur l’Aisne, de mars à mai 1917, le régiment fait partie de ceux qui refusent de monter au combat. Il n’en est pas fait mention dans son « Journal de Marche et des Opérations ». Au contraire, le document insiste sur l’héroïsme dont fait preuve l’ensemble des soldats face aux attaques répétées de l’ennemi. Enfin, en 1918, en Picardie, le 119e RI participe à l’offensive victorieuse.

 

Le 16 novembre, la 6ème division, massée sur le terrain de manœuvres d’Epernay, est passée en revue par le général Poignon qui prononce l’allocution suivante :

« Camarades de la 6ème division,

Les combats ayant pris fin nous pouvons, avec une légitime fierté, porter nos regards sur le chemin parcouru depuis plus de quatre ans. Chemin âpre et glorieux le long duquel nous avons laissé des camarades aimés qui, par leur sublime bravoure, en nous donnant la Victoire, ont assuré le triomphe du Droit et de la Liberté. Soldats tombés à Charleroi, vainqueurs de la Marne, lutteurs obstinés du Godat, d’Aix-Noulette et de Verdun, défenseurs tenaces du Chemin-des-Dames et de Tahure, combattants victorieux de Ressons et de Canny-sur-Matz, de Pontavert et de Sissonne, malgré la terre qui vous recouvre, vous avez tressailli de joie le jour sacré où l’ennemi, battu et poursuivi, forcé d’avouer sa défaite, a demandé la paix,

Avant de nous éloigner de la zone dévastée où se livrèrent ces combats épiques, à vous ; héros glorieux de la 6ème division, en témoignage suprême de notre reconnaissance, nous adressons le salut de nos armées et de nos drapeaux.»

 

Par la suite.

En 1929, les bâtiments de la caserne sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques. Puis, en 1963, elle est démolie pour être remplacée par un centre commercial, qui en conservera le nom, de même que la façade… Une partie de celle-ci – l’avant-corps central – figure désormais dans le parc du château de Bécon les Bruyères.

 

Sources

Rédigé par Souvenir Français des Hauts-de-Seine

Publié dans #Lieux de Mémoire du département

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