Les chars d'assaut de 14-18 : 4/4 - Le char Renault.
Publié le 11 Novembre 2015
Genèse.
Comme vu précédemment, le colonel Estienne, en visite sur le front dans le secteur anglais en 1915, assiste à une démonstration d’un tracteur américain Holt 75 CV. Il en parle à l’industriel Louis Renault, mais ce dernier n’étant pas intéressé, l’officier se tourne alors vers la société Schneider. Plus tard, en mai 1916, Monsieur Charles Edmond Serre, directeur technique des usines Renault, est présent lors d’un essai d’un Baby Holt 45 CV dans le bois de Chaville. L’essai est réalisé par l’équipe du sous-lieutenant Fouché.
Avant de créer son propre char, Louis Renault essaye à Vincennes le char du service technique automobile de l’armée et n’est vraiment pas convaincu par ce prototype de char lourd, peu maniable et à la garde au sol insuffisante. Son choix va aller vers un char léger : le Renault FT.
Le symbole de la victoire de 1918.
Ce char, prototype de tous les chars modernes dont la formule n’a quasiment pas varié (compartiment de combat avec tourelle portant l’armement principal à l’avant, moteur à l’arrière) est devenu le symbole de la victoire de 1918. Les différents modèles se différencient uniquement par la tourelle qui peut être ronde en acier coulé ou octogonale en acier riveté.
Par mesure de discrétion, le char Renault est surtout essayé dans le parc de Chalais Meudon et très peu dans les allées des bois de Meudon et Chaville. Le parc de Chalais-Meudon étant alors un des établissements du service technique automobile de l’armée à Meudon.
Le prototype du Renault FT est mis au point au mois d’octobre 1916. Face aux réticences de la part de certaines autorités techniques, le général Estienne s’adresse directement au maréchal Joffre, lui demandant d’autoriser la construction de 1.000 chars de 4 tonnes, armés d’une mitrailleuse – ou pour certains d’un petit canon de 37 mm – placée dans la tourelle, d’une hauteur limitée, protégés contre les armes individuelles, et en mesure d’atteindre une vitesse de 12 km/h.
Une des qualités de l’engin est dans son aptitude à descendre dans les creux du terrain et à en sortir, au lieu de tenter de les enjamber. Dès le 22 février 1917, une première commande de 150 chars mitrailleurs est passée, suivie bientôt par une demande du général Pétain concernant 3.350 autres exemplaires. Les essais officiels du char baptisé FT par Renault ont lieu le 9 avril 1917, avec pour résultat immédiat de porter à 1.000 le nombre d’exemplaires commandés, en sus des premiers 150. Au cours de la seconde quinzaine de juillet 1917, on essaye la tourelle portant la pièce de 37 mm dont on a décidé d’armer 650 chars d’assaut. Il faut confier la production à plusieurs sociétés, et au total 7.820 chars FT sont commandés dont 3.940 à la firme Renault.
Au moment de l’armistice, 3.177 exemplaires seulement ont été livrés (dont quelques centaines ont été détruits au combat) mais la production se poursuit, si bien qu’en 1921 il en existe 3.728 (2.100 armés de mitrailleuse, 1.246 de canon de 37 mm, 39 de canon de 75 mm, 188 radio, dépourvus d’armement et 155 autres classés « école »). Le prix unitaire de l’époque étant de 56.000 francs.
La technique.
La conception du char léger prévoit une coque portante blindée, constituée de plaques boulonnées sur des profilés. Les patins de la chenille, d’une longueur de 340 mm, garantissent une bonne prise sur tous les terrains. L’intérieur de la caisse est divisé en deux parties distinctes : compartiment de combat et compartiment moteur. Dans le premier se trouve le pilote assis sur un siège à dossier réglable, et derrière, dans la tourelle, le tireur servant la mitrailleuse ou le canon. On accède à ce compartiment par deux trappes qui constituent le toit et la place avant. A l’origine, il n’y a pas d’autres ouvertures, mais le prototype est doté d’une écoutille à l’arrière de la tourelle, écoutille qui sera par la suite transformée en porte à deux battants. La visibilité du pilote est assurée par trois fentes de visée. Moteur, engrenages, radiateur et réservoir d’essence ne sont accessibles que de l’extérieur. On peut les vérifier en soulevant les trappes sur le toit du compartiment moteur. Le propulseur est un 4 cylindres en ligne équipé d’un carburateur Zénith alimenté en essence même si le char est fortement incliné grâce à une pompe à membrane.
L’allumage est à magnéto et la mise en marche manuelle (au moyen d’une manivelle) se fait aussi bien de l’extérieur que de l’intérieur du char. Le blindage des parties vulnérables a 16 mm d’épaisseur. Pour le franchissement des tranchées, le Renault FT est pourvu d’une queue amovible sur laquelle il peut s’appuyer.
Caractéristiques techniques :
- Constructeur : Renault (1.850), Berliet (800), SOMUA (600), Delauney-Belleville (280).
- Période de production ; 1917 – 1920.
- Type : char léger.
- Equipage : deux hommes.
- Dimensions : longueur (4,95 m), largeur (1,74m), hauteur (2,14 m).
- Poids en ordre de combat : 6.700 kg.
- Blindage maxi : 22 mm.
- Equipement radio : néant.
- Armement : une mitrailleuse Hotchkiss de 8mm ou un canon de 37 mm.
- Rotation : 360 degrés.
- Carburant : essence avec un réservoir de 100 litres ; consommation de 30 litres au 100 km et autonomie de 35 km.
- Vitesse sur route : 7,5 km/h.
- Largeur des chenilles : 0,34 cm et capacité de descente / montée de pentes de 10%
- Obstacle vertical de 0,60 m ; passage à gué de 0,70 m ; franchissement de 1,35 m.
Engagements.
Le char Renault FT est engagé pour la première fois le 31 mai 1918 à partir de Saint-Pierre-Aigle pendant la seconde bataille de la Marne. Puis il est employé en attaques de plus en plus nombreuses et de plus en plus efficaces, en compagnie des chars Schneider et du char Saint-Chamond. Jusqu’à l’armistice du 11 novembre 1918, il va équiper 21 bataillons. Le char Renault est le char de combat le mieux conçu de toute la guerre, à la fois efficace, économique et adapté à la production industrielle de masse. Adopté par l’armée américaine, il est fabriqué sous licence à 950 exemplaires aux Etats-Unis à partir d’octobre 1918, sous le nom de 6 Ton Tank.
Après la guerre, il est exporté dans de nombreux pays : Finlande, Estonie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Suisse, Espagne, Belgique, Pays-Bas, Brésil, Chine, Japon et Iran. Les chars FT sont désormais utilisés par la plupart des pays possédant une force blindée, en tant que char principal. Ainsi, ils prendront part à de nombreux conflits tels que la guerre civile russe, la guerre polono-soviétique, la guerre civile chinoise, la guerre du Rif, la guerre civile espagnole. L’Italie produira un char presque identique : le Fiat 3000. Les chars FT seront aussi utilisés au début de la Seconde Guerre mondiale, entre autres par la France et la Pologne, bien qu’ils soient devenus complètement obsolètes. Au 1er septembre 1939, il en existera encore 2.850 dans l’armée française et la Wehrmacht en récupérera 1.704 à l’armistice de 1940. L’armée d’occupation l’utilisera encore pour réprimer le soulèvement de Paris en août 1944.
Sources :
- Ce texte a été écrit dans sa version originale par Monsieur Jean-Pierre Fouché. Il a été repris pour partie.
- Ce texte a été l’un des supports d’une exposition présentée dans plusieurs villes en partenariat avec le Souvenir Français.
- Henri Ortholan, La guerre des chars : 1916-1918, Bernard Giovanangelis Editeur 2007.
- Arlette Estienne-Mondet, Le général J.B. Estienne – père des chars : des chenilles et des ailes, L’Harmattan, 2010.
- Alain Gougaud, L’aube de la gloire, les automitrailleuses et les chars français pendant la Grande guerre, Ocebur, 1987.
- LCL Malmassari, Les Chars de la Grande guerre, 14-18 Editions, 2009.
- Sites Internet : Chars français sur le net, hébergé chez OVH ; sites Internet du ministère de la Défense et du Service Historique de la Défense.
- Encyclopédies Wikipédia, Larousse.