« Que reste-t-il sur la petite photo grise ? »
Publié le 11 Novembre 2020
11 novembre 1920 – Le cercueil du soldat inconnu est transporté sous l’Arc de Triomphe (© Gallica – BNF).
Maurice Genevoix – Ceux de 14 : « Notre guerre… Vous et moi, quelques hommes, une centaine que j’ai connus. En est-il donc pour dire : « La guerre est ceci et cela » ? Ils disent qu’ils comprennent et qu’ils savent ; ils expliquent la guerre et la jaugent à la mesure de leurs débiles cerveaux.
On vous a tué, et c’est le plus grand des crimes. Vous avez donné votre vie, et vous êtes les plus malheureux. Je ne sais que cela, les gestes que nous avons faits, notre souffrance et notre gaîté, les mots que nous disions, les visages que nous avions parmi les autres visages, et votre mort.
Vous n’êtes guère plus d’une centaine, et votre foule m’apparaît effrayante, trop lourde, trop serrée pour moi seul. Combien de vos gestes passés aurai-je perdus, chaque demain, et de vos paroles vivantes, et de tout ce qui était vous ? Il ne me reste plus que moi, et l’image de vous que vous m’avez donnée.
Presque rien : trois sourires sur une toute petite photo, un vivant entre deux morts, la main posée sur leur épaule. Ils clignent des yeux, tous les trois, à cause du soleil printanier. Mais du soleil, sur la petite photo grise, que reste-t-il ? »
11 novembre 2020, Maurice Genevoix (1890-1980) – lieutenant au 106e RI, blessé gravement aux Eparges en 1915, écrivain, prix Goncourt, académicien, secrétaire perpétuel de l’Académie française de 1958 à 1973 – entre au Panthéon. « Au moment où les voix des Poilus se sont éteintes pour toujours il est incompréhensible que « Ceux de 14 » ne figurent pas au Panthéon. Ils en franchiront tous le seuil avec leur porte-voix que fut Maurice Genevoix » a écrit Emmanuel Macron, président de la République.