Sèvres et ses infirmières militaires.

Publié le 27 Novembre 2010

 

Infirmières militaires

 

 

 

Infirmières, médecins et militaires devant la baraque d’un hôpital militaire – Nord de la France, septembre 1917.

 

 

Sur le monument aux morts de Sèvres, pour la Première Guerre mondiale, figurent plusieurs noms de femmes : Germaine Geslin, Alyette Poirot-Delpech, Marie Daull Barret. Autant pendant la Seconde Guerre mondiale, les listes comprennent de nombreux noms de déportées, de victimes civiles ou de résistantes, autant cela était beaucoup plus rare trente-cinq ans plus tôt. Généralement, il s’agissait d’infirmières militaires déclarées mortes pour la France. Au nombre de deux-cent-mille dans les troupes alliées, surnommées « anges blancs », des milliers d’entre-elles se sont sacrifiées pour sauver des soldats.

 

 

Les Sections d’infirmiers militaires.

 

Les Sections d’infirmiers militaires sont dirigées par des médecins, qui peuvent avoir des galons différents selon leur âge, leurs années de services (…). Ils ont le titre de médecin attaché devant leur grade.

 

Les Sections d’infirmiers militaires sont des entités du Service de Santé des Armées et sont des éléments organiques de corps d’armée, au même titre que l’état-major, les sections du train des équipages, les secrétaires, le recrutement, les commis et ouvriers militaires d’administration ou encore les légions de gendarmerie. Les Sections d’infirmiers comportent bien entendu des infirmiers, et aussi des brancardiers, des chauffeurs, des médecins, des aides-soignants, des auxiliaires. Des infirmières également.

 

Il y a des années de cela, pour la revue « Je sais tout », le journaliste Paul Fuchs interrogea Charlotte Maître, infirmière militaire pendant la Grande guerre : « Il y a deux sortes d'infirmières : les unes dépendent d'associations libres et donnent gracieusement leur concours à l'État ; les autres, dont je suis, sont réellement incorporées dans l'armée et sont des soldats, en tout et pour tout. Assimilées aux officiers subalternes, nous touchons les mêmes rations qu'eux, nous voyageons avec les mêmes feuilles de route. Nous n'avons sur eux qu'un avantage, une indemnité d'habillement de cent francs par an ».

 

 

La Croix-Rouge.

 

La Croix-Rouge française, créée en 1864, se matérialise via plusieurs entités : la Société de Secours aux Blessés Militaires (SSBM) et le Comité des Dames de la SSBM. Des scissions interviennent qui donnent naissances à deux autres œuvres : l’Association des Dames de France (ADF) et l’Union des Femmes de France (UFF).

 

Dès les premiers jours du conflit, la SSBM se rend sur les champs de batailles. A l’arrière, l’ADF et l’UFF œuvrent à l’organisation d’hôpitaux militaires provisoires et/ou auxiliaires. En 1918, on dénombre près de mille-quatre-cent hôpitaux. De nombreuses écoles, des lycées, des châteaux (Chenonceau par exemple), sur tout le territoire national, sont transformés en unités de soins et de repos, en sanatorium ou encore en centres de tris pour l’envoi de colis aux soldats.

 

Ce sont près de soixante-huit-mille femmes qui s’engagent au sein de la Croix-Rouge française pour défendre la France et son armée.

 

 

Les religieuses.

 

Au même titre qu’il existe au sein de l’armée un service des aumôneries militaires, de très nombreuses religieuses se portent volontaires pour aider et soigner les blessés. Sœur Gabrielle à Clermont-en-Argonne, sœur Julie à Gerbéviller, sœur Cléophas de l’hôpital de Rochefort-en-Yvelines, sœur Thérèse, qui accompagne le corps expéditionnaire français dans les Dardanelles en 1915, les Sœurs franciscaines Missionnaires de Marie qui œuvrent à Paris, sont restées parmi les plus célèbres.

 

Il faut également mentionner les sœurs des ordres religieux originaires des pays alliés et qui interviennent sur le front.

 

Les religieuses reçoivent des décorations, comme la Médaille de la Reconnaissance française ou la Médaille des Epidémies (et de nombreuses décorations étrangères). Elles sont aussi citées à l’Ordre du corps d’armées ou de l’armée, comme Victoire Perrin, de l’ordre des Sœurs Hospitalières de Saint-Charles de Nancy : « Supérieure à l’hôpital de Blâmont, est restée à la tête de la maison pendant toute l’occupation allemande. D’une charité et d’un dévouement sans bornes, a donné ses soins, en pleine bataille des 14 et 22 août 1914, aux blessés français. Par la suite, au cours de la campagne, a caché à plusieurs reprises des patrouilles égarées dans les lignes allemandes et les a aidées à regagner nos lignes, sans souci des représailles ennemies auxquelles elle s’exposait.»

 

 

Les Armées alliées.

 

Il convient ensuite de distinguer les services de santé des armées présentent sur le sol français pendant la Première Guerre mondiale des associations caritatives et des dons de personnalités étrangères à l’Armée française.

 

Comme pour le Service de Santé de l’Armée française, des hôpitaux militaires de campagne et des centres de convalescence sont constitués sur le sol français pour, et parfois par, les armées belges, anglaises (et troupes du Commonwealth), américaines, canadiennes… C’est l’explication par exemple de la présence de nombreuses tombes militaires belges dans le petit village d’Avon-les-Roches en Touraine.

 

Les interventions des YMCA (Young Men’s Christian Association) anglaises et américaines, des œuvres caritatives canadiennes, sud-africaines ou encore australiennes sont primordiales pour suppléer ou aider les infirmières militaires.

 

Quand les Etats-Unis lèvent un corps expéditionnaire pour aider son alliée la France, en 1917, il y a déjà près de deux ans que l’association américaine American Ambulance Field Service fournit des ambulances modernes pour le front occidental. Et au moment même où ce même corps expéditionnaire débarque en France, il est accompagné de bataillons entiers d’infirmières.

 

Autre exemple : les ladies de la Société londonienne se dévouent corps et âmes pour créer et administrer des antennes en Belgique et dans le nord de la France, payant elles-mêmes les matériels et les médecins.

 

 

Le dévouement, quelque soit la patrie du soldat.

 

Les Services de Santé agissent d’abord et principalement pour leurs armées. Mais il ne faut oublier que la Convention de 1906 pour l’amélioration du sort des blessés et malades dans les armées en campagne, signée à Genève, est souvent respectée et est associée à un esprit « chevaleresque » encore présent dans les armées.

 

De fait, il n’est pas rare que des infirmières soient désignées pour s’occuper de blessés ennemis récupérés sur le champ de bataille.

 

C’est le cas d’Elisabeth Ridell Henderson, infirmière écossaise, qui raconte, bien des années plus tard, une demande particulière de sa supérieure : « Dans la matinée, un jeune scout est venu dans l’aile en saluant brièvement. Avec une étincelle espiègle dans les yeux, il m’a dit : « Ma sœur, la directrice veut vous voir dans son bureau immédiatement. » Il savait très bien qu’un tel message a le don de mettre une personne à l’envers ! Voici ce que la directrice avait à me dire : « Ma sœur, je veux que vous prépariez vos bagages immédiatement : je vous envoie à une école dont nous avons pris possession afin de préparer les lieux pour que nous puissions recevoir trois-cents blessés allemands ce soir même. » Je suis restée clouée sur place, puis, j’ai répondu, désespérée : « Madame, ne pourriez-vous pas envoyer quelqu’un d’autre qui n’ait pas les mêmes sentiments que moi ? Le frère dont je suis le plus proche est porté disparu, le frère de mon fiancé a été tué en ramenant des prisonniers qui s’étaient rendus, et le fiancé d’une de mes sœurs, grièvement blessé, est à l’hôpital Cambridge, à Aldershot, depuis près d’un an. Je ne pourrais pas toucher aux Allemands !» ai-je lancé fougueusement. La directrice a répondu doucement : « Ma sœur, c’est un ordre. »

 

 

Pourquoi s’engagent-elles ?

 

Les infirmières s’engagent par devoir, par sentiment patriotique, par fidélité à un amour parti à la guerre, en souvenir d’un frère, d’un mari, d’un aïeul tombé au champ d’honneur. Les infirmières proviennent de toutes les classes sociales, de tous les milieux : de l’aristocrate à la paysanne, de l’ouvrière à la femme au foyer. Il n’est que de citer sa majesté Elisabeth, reine de Belgique, Madeleine Jacquemaire, fille aînée du Président Georges Clémenceau, Louise de Bettignies, surnommée « la Jeanne d’Arc du Nord », qui, prisonnière des Allemands, refuse de fabriquer des pièces d’armement pour les ennemis de son pays, et finit par mourir de privations et de maladie dans les geôles du IIème Reich.

 

Ou encore Edith Cavell, infirmière anglaise, qui organise en 1915 l’évasion de nombreux blessés alliés de la zone d’occupation allemande. Pour ce fait de résistance, elle est arrêtée et exécutée le 12 octobre 1915. « J’ai pensé que c’était mon devoir de faire cela pour mon pays. Je suis anglaise et j’ai agi en patriote ».

 

Léonie Bonnet dans son journal de la Grande guerre écrit : « C’est dans le travail et la prière, qu’un très grand chagrin dont personne ne peut soupçonner l’existence, peut trouver un certain apaisement. Aujourd’hui plus qu’hier, et demain davantage, je penserai à ces deux mots : « Travail, Prière » (placé en exergue du livre Aimer et travailler, Léonie Bonnet, d’Alexandre Lafond et Céline Piot, Ed. Nérac).

 

 

Monuments et stèles.

 

A Pierrefonds, dans le département de l’Oise, le 20 août 1918, un bombardement aérien tue l’infirmière Elisabeth Jalaguier. Depuis un monument a été érigé en sa mémoire et pour toutes les infirmières tombées au combat : « In memoriam. Gloire aux infirmières militaires de France. Ce monument est érigé dans le parc ou fut tuée Elisabeth Jalaguier. »

 

Dans plusieurs édifices religieux se trouvent des stèles à la mémoire du sacrifice de ces femmes merveilleuses, comme par exemple à Reims, où est inauguré en 1924 un monument à la gloire des infirmières de la Première Guerre mondiale. A Paris, sur un des piliers de la nef de l’église Saint-Louis des Invalides, une plaque a été posée et représente un hommage des soldats français à leurs infirmières. A Berck-sur-Mer, le monument représente un Poilu sur un brancard (« Aux infirmières françaises, les combattants reconnaissants »).

 

« Il fallait quand même consoler, distraire, encourager ceux qui, dans les trente lits de la salle, gisaient et souffraient pour la Patrie ; il fallait rire et sourire durant douze heures par jour, mais le soir, dans le dortoir sans feu, bien lasse, si lasse qu’elle avait à peine touché à sa ration, la jeune infirmière tirait alors clos les rideaux de son alcôve et sanglotait en appelant « sa maman » qui la gâtait si fort et la soignait si bien, elle, la pauvre gosse à peine sortie elle-même de l’enfance » (Louise C., infirmière belge, citée par Hubert Depester dans son ouvrage Nos héros et nos martyrs de la Grande Guerre – Ed. Tamines).

 

Rédigé par Souvenir Français des Hauts-de-Seine

Publié dans #Témoignages-Portraits - 1914-1918

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