Publié le 31 Août 2014

Clamart, 2014-08-24-002

24 août 2014 : au carrefour des Trois communes, François-Xavier Philipp, président du Comité de Clamart du Souvenir Français prononce le discours de remerciements aux autorités civiles et militaires.

 

Clamart a participé le dimanche 24 août 2014, avec plus de 60 autres communes de France, au parcours mémoriel de la « Voie de la 2e DB ». Parcours historique. Des bornes sont la colonne vertébrale du parcours, permettant d’identifier le chemin emprunté par cette glorieuse unité blindée pour nous libérer.

 Des panneaux ont été posés pour apporter une explication rigoureuse des faits historiques. Ils sont placés au carrefour du rond point du Petit Clamart, au carrefour des Trois communes, devant le centre Jean Arp, sur la place Marquis, et devant l’hôpital militaire de Percy.

 Devant une foule de plusieurs centaines de personnes et en présence d’anciens de la 2e DB et de nombreuses personnalités civiles et militaires, la borne du carrefour des Trois communes et les 5 panneaux présents sur la commune ont été inaugurés, le dimanche 24 août 2014. Si ces derniers sont à l’initiative du Souvenir Français, il convient de noter qu’ils ont été financés par la mairie de Clamart et par souscription publique.

 * * *

 24 août 1944. Brouillard, pluie sur Clamart. Une agitation inhabituelle laisse présager des événements importants.

 

Un ordre a été donné. Il faut « empêcher les Allemands de fuir ».

 Les FFI (Forces Française de l’Intérieur) et des Clarmontois abattent les arbres, déversent des pavés pour dresser des barricades. Des sacs de sable, du bois, d’autres objets bouchent différentes artères de la ville ; un autobus à gazogène de la TCRP immobilise même la côte de Châtillon à la Tour Biret.

 Début de soirée, le soleil parvient à trouer les nuages, les cloches se mettent à sonner à toute volée. Les premiers chars de la 2e DB viennent de franchir le carrefour du Petit-Clamart, avec, à leur tête le commandant Massu. L’explosion de joie, d’enthousiasme et d’émotion n’effacera pas la tragédie survenue cinq jours plus tôt avec le martyre des quatorze mitraillés de la rue des Carnets dont deux enfants. Une famille anéantie : les Schmauder.

 Mais ces heures historiques sont vécues comme une véritable délivrance. La colonne passe le rond point des Trois communes, descend la rue du Plessis Piquet (devenue depuis rue de la Division Leclerc), la rue de Chevreuse (avenue Jean-Baptiste Clément), la rue de Sèvres (rue Paul Vaillant-Couturier). Arrivée place Marquis, les uns explorent l’avenue Adolphe Schneider, la rue de la Vallée du Bois, la rue de Fleury ; les autres, la rue du bois du Boulogne (rue Henri Barbusse). C’en est fait : Clamart est libéré !

 

François-Xavier Philippe

Président du Comité de Clamart du Souvenir Français

 

Clamart, 2014-08-24-001

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Publié le 23 Août 2014

 

Exode 1939 Villeneuve la Garenne

Madame Anne-Marie Bouy, du Souvenir Français de Villeneuve-la-Garenne, est née après la Seconde Guerre mondiale. Mais elle parle ici de souvenirs racontés par sa mère, Simone Allard : le départ précipité de la famille de Paris, en 1939.

 

« 39-40, la dernière guerre. La drôle de guerre ! On a tous un souvenir vécu ou transmis de cette période. Celui-là m’a été souvent raconté par maman. Avec à chaque fois autant d’émotion. L’exode… A cette période, les Parisiens quittèrent leur domicile. Direction le sud, car l’ennemi arrivait. Paris allait être envahie, le peuple avait peur. Il partait à pied, en voiture, avec une carriole à cheval ou à bras. Ma famille n’échappa pas à ce départ massif. Septembre 1939 : papa était mobilisé en Seine-et-Marne, à May-en-Multien, près de Lagny. Il fit dire à maman : « Pars, Paris va être prise, pars chez ton grand-père à Conforgien, près de Saulieu ».

 

Maman organisa alors le départ. Mon frère aîné Jean-Claude y participa – il était alors âgé de 5 ans – en rassemblant en quelques minutes ce qui lui semblait être essentiel. Un bruit ! Quelqu’un frappait à la porte. Maman ouvrit : la cousine Juliette. Elle était enceinte. Elle avait rencontré un jeune homme, qui s’était sauvé en apprenant la grossesse. Comme Juliette, orpheline de ses deux parents, vivait chez tonton Edouard, et que celui-ci était plutôt strict, elle avait été tout simplement mise à la porte. « Je pars chez grand-père à Conforgien, lui dit maman, viens donc avec nous. C’est ton grand-père aussi ! ».

 

Direction la gare de Lyon. Il y a du monde partout. Tous veulent entrer pour quitter Paris. A peine les portes ont-elles été ouvertes qu’il faut les refermer aussitôt. C’est l’émeute ! Des trains sont à quai. Ils sont bondés. Ils doivent partir, mais quand ? Les agents l’ont dit. Partiront-ils vraiment ? Maman et Juliette montent dans un train vide, qui doit normalement rester à quai. Le petit Jean-Claude peut enfin se reposer. Le temps passe, la fatigue l’emporte. Les trois passagers s’endorment. Ils sont réveillés bien plus tard par le ballotement du train ! Panique… Maman s’aperçoit qu’ils sont restés seuls. La meilleure tactique consiste à rester discrets et attendre que le train s’arrête. Il fait d’abord une halte à Auxerre. Un machiniste descend. Le train repart. Il semble se diriger vers le Morvan. Vaille que vaille ! Quelques heures plus tard, nouvel arrêt : Saulieu ! Dieu soit loué. Voilà les deux femmes et l’enfant presque arrivés à bon port. Mais Saulieu n’est pas Conforgien, il reste plusieurs kilomètres à faire.

 

Arrivés en centre ville, Maman appelle une vieille amie dont le mari est chauffeur de taxi et tout le monde se retrouve dans la soirée chez les grands-parents. Mais ceux-ci ne peuvent les accueillir. Le lendemain matin, un oncle et une tante passent et sont étonnés de leur découverte. Pas de radio ni de télé, peu de journaux informent les populations de la panique des Parisiens. Ils emmènent les réfugiés chez les cousines Adrienne et Yvonne. Le temps pour elles de prévenir le maire, celui-ci se débrouille pour faire ouvrir une maison qui servira de refuge (il s’agit d’une maison de vacances). Ainsi, Juliette, maman et le petit Jean-Claude y habiteront quelques mois. Juliette accouchera en décembre 1939 d’une petite Maryse. La maman et l’enfant repartiront sur Paris en 1940. Maryse, en tant que pupille de la Nation, sera confiée aux soins d’une institution à Auffargis, dans l’Essonne. Malheureusement, l’établissement sera bombardé le 14 juillet 1944 et l’enfant trouvera là une mort terrible. Elle repose à Bièvres, dans un carré de quatre petits. Maman aura été une éphémère marraine…

 

Quel destin tragique pour la pauvre enfant. Un destin que se renouvelait, hélas. La maman de Juliette, Marie Lombardi, avait rencontré un jeune gars du nom de Robert Anthony. Il était mort dans les tranchées de 14-18 et elle d’une phtisie galopante. La petite Juliette ayant été conçue le temps d’une permission… Je n’ai jamais su où est enterrée Marie Lombardi. Quant à Robert, son nom figure sur une colonne du cimetière de Levallois-Perret. »

 

 

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Publié le 21 Août 2014

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Le dimanche 24 août 2014, le Souvenir Français avec l’appui du Conseil municipal a décidé d’immortaliser l’itinéraire par l’installation d’une borne du « Serment de Koufra, voie de la 2e DB », à côté de la stèle du général Leclerc et de cinq panneaux signalétiques marquant le trajet suivi par les libérateurs.

 – 14h00 : carrefour du Rond Point du Petit-Clamart – Dévoilement des panneaux ; dépôts de fleurs.

 – 15h00 : carrefour des 3 communes – Inauguration de la borne ; revue des troupes ; allocutions ; dépôts de gerbes ; dévoilement des panneaux.

 – 16h45 : Centre Jean Arp ; dévoilement des panneaux ; dépôts de fleurs.

 – 17h15 : place Marquis ; dévoilement des panneaux ; dépôts de fleurs.

 – 17h45 : Hôpital militaire de Percy ; ancienne entrée, Henri Barbusse ; dévoilement des panneaux ; dépôts de fleurs.

 – 18h00 : mairie de Clamart ; fin de cérémonie ; pot de bienvenue.

 

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Publié le 8 Juillet 2014

Bao Dai et de Lattre Armee Vietnam

Le chef de l’Etat du Vietnam, Bao Daï et le général de Lattre parlent de la mise en place d’une armée du Vietnam. (copyright ECPAD).

 

Les Supplétifs.

 Etymologiquement, le terme « supplétif » vient de suppléer, à savoir « qui complète ». En matière militaire, c’est vrai de toutes les guerres quand elles sont faites à l’extérieur d’un pays. Et le meilleur exemple est bien celui des colonies : comment conquérir un pays dont vous ne connaissez ni la langue, ni les croyances et encore moins le mode de vie ? Les batailles gagnées par la seule force ne sont pas des conquêtes de long terme. Aussi, dès le 19ème siècle, la France s’est-elle penchée vers les habitants de ces territoires afin de former des unités locales.

 Ce qui était vrai en Afrique allait l’être aussi en Asie. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le but de bouter hors d’Indochine les troupes étrangères, le général Leclerc fait appel à la population pour combattre le Vietminh communiste.

 En 1950, cinq années après le début de la guerre, plus de 40.000 hommes composent les effectifs des forces supplétives : ils sont intégrés dans des CSM (Compagnies de Supplétifs Militaires) des unités du CEFEO (Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient) comme les bataillons de parachutistes, la Légion étrangère (CIPLE – Compagnie Indochinoise de la Légion Etrangère), les unités classiques de la Coloniale et d’autres unités dont les noms sont évocateurs : bataillons de marche d’Extrême-Orient, bataillons de marche indochinois, régiments de tirailleurs tonkinois, le bataillon annamite, le bataillon des forces côtières du Tonkin, les bataillons muongs, les bataillons thaïs, les bataillons de chasseurs laotiens, le régiment mixte du Cambodge.

 En juillet 1951, le général de Lattre veut aller encore plus loin. Son but consiste à créer une armée vietnamienne, digne de ce nom, pour maximiser la lutte. A l’occasion d’un discours à Saigon, le général indique : « Si vous êtes communistes rejoignez le Vietminh : il y a là des individus qui se battent bien pour une mauvaise cause. Mais si vous êtes des patriotes, combattez pour votre patrie car cette guerre est la vôtre ».

 

A la Mission vietnamienne à Paris.

 1987. Jean-Michel Fouquet est bénévole comme professeur de français à la Mission vietnamienne de Paris. Il œuvre pour l’intégration des réfugiés du Vietnam. On les appelle « Boat People » car ils ont fui par ce moyen le régime communiste mis en place dans la totalité du pays après la chute de Saigon en 1975.

 Jean-Michel, qui plus tard deviendra vice-président du Comité du Souvenir Français de Puteaux, enseigne donc la langue de Molière. Il fait la connaissance de Than Thi My Dung puis l’épouse. La nouvelle Madame Fouquet lui présente son père. Il s’agit du colonel Than Van Han, réfugié politique. En 1975, le colonel quitte précipitamment le Vietnam. Fiché par les communistes, il n’a eu que quelques instants pour partir. Il emmène avec lui ses plus jeunes enfants. Dix années plus tard, durée du délai légal au Vietnam, sa femme et les enfants les plus âgés réussiront à venir le rejoindre en France, et auront également droit au statut de réfugiés politiques.

 

Combats en Indochine.

 Dès les premiers combats en Indochine, le jeune Than Van Han s’engage dans les forces supplétives. En 1949, alors sergent à la 161e compagnie de supplétifs militaires, il est cité à l’ordre du régiment pour faits d’armes, par le général de division Alessandri, commandant les Forces Terrestres du Viet-Nam Nord et la Zone Opérationnelle du Tonkin : « Chef de section de partisans d’un courage et d’un calme exemplaires. Le 14 octobre 1949 à Bi-Noi (Tonkin), le 5 novembre 1949 à Ya-nam, le 15 novembre 1949 à Khang-Giang (Tonkin), encerclé par des rebelles supérieurs en nombre, a réussi en contre-attaquant brillamment à leur infliger des pertes sévères, tant en matériel qu’en nombre. Le 22 octobre 1949, a été l’âme de la défense du village rallié de Mo-Tho durement attaqué par de forts éléments rebelles. Ces citations comportent l’attribution de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs avec étoile de bronze ».

 L’année suivante, alors passé adjudant, Than Van Han s’illustre à nouveau. Le général d’armée de Lattre de Tassigny, Haut-Commissaire de France en Indochine, le fait citer à l’ordre de la division : « Chef de section de supplétifs d’un courage et d’un sang-froid admirables. A pris une part prépondérante aux coups de main de mars et d’avril 1950 aux environs de Mo-Tho (Tonkin), en détruisant 7 Vietminh, récupérant deux fusils et un pistolet automatique. Les 20 et 23 mai 1950, près de Bi-Moi (Tonkin), étant en embuscade, a tué trois rebelles et pris deux fusils, dix-sept mines et obus piégés. Vient à nouveau de se distinguer en novembre 1950, où, à la tête de ses supplétifs il a tué trois rebelles au cours d’embuscades de nuit, contribuant ainsi à faire cesser la dure pression exercée sur le village rallié de Ngia-Thuong. Par ses brillantes qualités guerrières, fait constamment l’admiration de tous. Ces citations comportent l’attribution de la croix de guerre des théâtres d’opérations extérieurs avec étoile d’argent ».

 Après 1951, Than Van Han rejoint l’Armée nationale vietnamienne, dans le cadre des accords passés entre le général de Lattre et Bao-Daï, chef de l’Etat du Vietnam. Il y restera en dépit du départ des troupes françaises, après la chute du camp retranché de Dien Bien Phu en 1954. Il continuera sa carrière militaire jusqu’au grade de colonel.

 Than Van Han n’est jamais retourné au Vietnam. Il est mort sur sa terre d’exil en 2005.

 

 

 

Sources :

 

  • Archives familiales Jean-Michel Fouquet, vice-président du Souvenir Français de Puteaux.
  • Patrice Gélinet, émission de France Inter 2000 ans d’Histoire : Indochine 1945-1954, histoire d’une guerre oubliée.
  • Général Bigeard, Ma vie pour la France, Ed. du Rocher, 2010.
  • Lieutenant-colonel Jean-Vincent Berte, Indochine : les supplétifs militaires et les maquis autochtones, Collège Interarmées de Défense.
  • Georges Fleury, La guerre en Indochine, Tempus, Perrin, 2003 et Nous, les combattants d’Indochine, Bourin Editeur, 2011.
  • Alexandre Le Merre, Lieutenant en pays Thai, Indo Editions, 2008.
  • Michel Bodin, Dictionnaire de la guerre d’Indochine, 1945-1954, Economica, 2004.
  • Gérard Brett, Les supplétifs en Indochine, L’Harmattan, 1996.
  • Site de l’association des Anciens combattants et des Amis de l’Indochine : www.anai-asso.org (dont article écrit par le colonel Maurice Rives).
  • Francis Agostini, les Unités Thaïes dans la bataille de Diên Biên Phù.

 

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Publié le 21 Juin 2014

 

Carraz 4

 

Pierre Carraz, membre du Souvenir Français de Bois-Colombes, a été officier des Affaires algériennes. Voici le compte rendu d’une visite effectuée le 6 juin 1960 dans le Sahara. Il convient de restituer le cadre de cette année-là en Algérie. Après l’espoir de 1958 et la victoire militaire de « l’Opération Jumelles » l’année suivante, le doute s’est installé : le général de Gaulle n’a-t-il pas évoqué « l’autodétermination » pour le peuple algérien ? La récente découverte d’immenses champs de pétrole et de gaz, et leur exploitation, permet un instant d’imaginer une nouvelle et possible solution française pour l’Algérie…

 

« Le 6 juin 1960, un coup de téléphone de la préfecture d’Alger : le cabinet des Affaires algériennes m’avise que le 11 juin, je serai de la partie pour un voyage – ou plutôt une visite au « puits du bonheur » à Hassi Messaoud. Départ à 6h à l’aérodrome militaire de Maison Blanche, avec retour le soir même. L’attaché du cabinet me précise de ne pas oublier les subsides : achat de pellicules photos, prise en compte de l’appareil photographique de la SAS (Section Administrative Spécialisée). Me voilà prêt pour aller visiter le pays de la soif !

 Le samedi 11 : débout de grand matin. Je me rends en jeep à l’aérodrome où des 6 heures une vingtaine d’officiers des Affaires algériennes attendent déjà. Je me présente. Le commandant Faret dirige les opérations. De petits groupes se forment. Tout le monde se connait, l’Algérie est finalement « petite » pour ces globe-trotters. Chacun parle de ses difficultés dans l’implantation des SAS : « Dans mon patelin, dit l’un d’entre-nous, le frère du maire a des propriétés. Quelle diplomatie dois-je faire ! Je te prie de me croire qu’il y a une différence avec la belle Kabylie que j’ai connue auparavant ! ». Mais nous sommes heureux de nous retrouver entre nous et les bonnes blagues comme les bons souvenirs sont rappelés à tous propos.

 L’heure tourne. Peu à peu, les rangs grossissent et à 8 heures, nous somme toujours devant la salle de réception au nombre d’une soixantaine, attendant le moment du départ. Une formalité : la pesée ! Il s’agit d’une grosse balance qui indique un peu plus que son poids, ce qui inquiète quelques officiers qui n’ont guère l’habitude de faire de longues marches ! Enfin, un haut-parleur nous indique que le moment est venu d’embarquer.

 Sur la piste, les Nord-Atlas 2501 sont alignés : bien entendu, c’est celui à la carlingue jaunâtre qui sera notre oiseau migrateur. Une charmante hôtesse de l’armée de l’air fait l’appel avant le départ. L’avion est commandé par un commandant de l’air, assisté de deux sergents-chefs, d’un mécanicien et d’un radio. Quelques aviateurs de la base prennent également place à bord avec nous. Les moteurs vrombissent, l’avion se dirige vers la piste d’envol. Les moteurs grondent de plus en plus ; par les hublots, nous observons une hélice qui semble vouloir couper la carlingue ! Le bruit est infernal, l’intérieur de mes oreilles commence à se compresser. Enfin, nous prenons de la vitesse et nous décollons…

 Maintenant la base est un tout petit champ, la route nationale 5 un fil, et les maisons de simples pions qu’on a déposé par hasard. Direction sud-est. Le mécanicien nous annonce : « Vous allez effectuer, à l’altitude de 1 300 mètres un voyage de deux heures et demie, à la vitesse de 300 km/h ». Le calcul est vite fait : il y a au moins 1 000 km jusqu’à notre destination. Un chef de SAS, de la région d’Aumale, vient de reconnaitre son petit « bordj », au sommet d’une colline. Nous prenons donc une direction un peu déviée de l’avis des routiers : Alger, Blida, Médéa, Djelfa, Ghardaia, Ouargla, Hassi-Messaoud. Un courant d’air parcourt la carlingue : le Sahara serait-il le pays des glaciers ? Certes, non. Simplement, la nuit a dû être froide et nous parcourons des zones aériennes fraîches. C’est tout de même abrutissant d’entendre constamment ce bruit sourd. Et l’avion est quelque peu secoué (il le sera encore plus au retour).

 Une feuille circule pour faire valoir ses services aériens. Quelques officies s’inscrivent. Des revues et des journaux (comme le Bled) circulent. Après les Hauts Plateaux et l’Atlas saharien, nous atteignons la grande étendue jaune : pas d’habitation, pas de piste, aucun point d’eau, aucune végétation…

 Bientôt une grande tache verte dans le désert : c’est une oasis et une grande piste qui semble carrossable. Des mouvements de camions apparaissent. Je comprends que le métier de routier n’est pas de tout repos sur ces routes droites et ensoleillées à l’excès. Là, une petite maisonnette qui se déplace lentement : ce sont des constructions préfabriquées que l’on monte à Alger et qu’on amène toutes faites. La traversée des sables est assez longue, de trente minutes à trois quarts d’heure. Que sera Hassi-Messaoud ? Une ville ? Un douar ? Pourtant, un officier SAS est installé dans cette région désertique.

 Bientôt, notre avion perd en altitude. L’observateur nous demande d’attacher notre ceinture. L’atterrissage, que nous suivons au hublot, se fait en douceur. Mais quelle différence avec les pistes de Maison Blanche !

 L’aérodrome d’Irara n’est pas vraiment encombré. Un DC3 d’Air France est sur la piste. Il doit assurer la liaison avec la côte. Les portières de 2501 s’ouvrent au désert et déversent le flot d’officiers avides de connaître les secrets de cette contrée lointaine. Un coup d’œil environnant permet de nous rendre compte qu’aux alentours, c’est le vide et que l’agglomération n’est pas proche. Par ci, par là, de grandes buttes de sable surgissent et donnent l’illusion de petites montagnes. Une chaleur oppressante s’abat sur notre groupe. Il est dix heures du matin et sans doute la température avoisine les 30 degrés. Dans deux heures, elle sera plus élevée.

 Le commandant Faret prend contact avec de jeunes civils qui nous attendent. Les installations de cet aérodrome ne sont pas importantes : un seul bâtiment et une tour de contrôle vraiment peu élevée, faisant aussi office de bar-buffet. Nous ne voyons aucune sentinelle en faction. Cela surprend les officiers. Ici, y aurait-il une trêve ou les hommes doivent plutôt lutter contre la chaleur ? Nous longeons une plantation assez importante de lauriers roses, protégés par de jeunes pousses de roseaux groupés en haies, une prouesse dans cette civilisation de solitude.

 Un jeune homme, notre hôte envoyé par la Compagnie de Pétrole SN Repal, nous explique que dans ce désert il y a facilement de l’eau mais qu’il faut la puiser à grande profondeur. Nous prenons place dans un autocar de la Satac, qui nous conduit au puits MDH 101, base d’origine de la SN Repal. Nous parcourons de longues routes goudronnées et surélevées qui traversent l’étendue désertique. Sur le côté, des panneaux indicateurs, des bornes toutes neuves donnant l’impression d’un endroit fictif, une véritable maquette. Cette image se renforce à notre arrivée au centre de production.

 Tiens ? Une 2Cv Citroën ! Cela nous ramène à la réalité.

 

 

Carraz 5 

 

Nous apercevons sur notre gauche de longs panaches de fumées, sortis de longues cheminées qui crachent le feu. Ce sont les torchères que nous avions survolées en avion. Nous arrivons à la base de la SN Repal, où nous nous empressons d’entrer pour nous abriter dans une baraque climatisée. Tout près se trouvent un réservoir, ou plutôt des tuyaux de canalisations, entourés d’une clôture. On nous donne des indications précises sur la latitude, la température, la profondeur des puits. Nous voyons deux ingénieurs préparant le mélange boueux dont la densité devra assurer une résistance supérieur à la pression du pétrole qui devra jaillir.

 

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En face, dans le lointain, brûlent des torchères, indiquant la présence d’un autre puits. Mais nous écoutons notre hôte avec attention nous donner toutes les explications techniques sur Hassi-Messaoud et son pétrole. Des cartes murales électriques, des graphiques nous donnent la situation réelle des productions et des puits. A ces données s’ajoutent des chiffres sur les projets futurs. Avec pour conclusion : « Le pétrole est une réalité sur laquelle il faut et il faudra compter. C’est un poids important dans la balance pour le règlement du conflit ».

 Après cette passionnante visite, nous sommes raccompagnés à 14 heures vers l’aérodrome et nous regagnons notre Nord-Atlas pour le voyage du retour. Il est temps pour moi d’écrire mon rapport, depuis ma SAS des Ouled Sultan ».

 

Aux Accords d’Evian, le pétrole et le gaz algériens, après d’âpres discussions, seront cédés à l’Algérie.

 

 

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Publié le 8 Juin 2014

Sevres Manufacture 1942

Sèvres 1942 : des collections de céramiques de la Manufacture après un bombardement (copyright Sèvres, cité de la céramique).

 

Olivier Maurion, président du comité du Souvenir Français de Sèvres a recueilli le témoignage de Madame Madeleine Berthault.

 

« Nous sommes le 3 mars 1942, aux alentours de 21h. La nuit est claire, pas de nuages, ciel limpide. Brusquement, une vague d’avions anglais envahit le ciel. L’alerte n’est pas donnée et une pluie de bombes s’abat sur la ville.

Les sirènes alors, se mettent à retentir. Nous n’avons pas le temps de se rendre aux abris. Au travers des vitres, on aperçoit des fusées éclairantes, plein de ballonets. La DCA tire, les bombes tombent, surtout ne pas sortir ! Tous les voisins se sont regroupés dans l’escalier et regardent pétrifiés. Le bombardement durera deux heures. Les avions anglais arrivent par vague.

Au matin, les dégâts sont terribles. Les usines étaient la cible du bombardement. L’usine Renalt, l’usine Farman sont très touchées, mais aussi les maisons environnantes et le bas de Sèvres, place du Parc et surtout la rue Troyon.

Une famille entière est anéantie : la grand-mère, les enfants et les petits-enfants : les Decominck (huit morts). Plus loin, la famille Chevrier a subi le même sort : la maman tuée, le fils emmené très blessé, seul le père s’en sort.

Bombes un peu partout dans Sèvres : rue des Fontaines, maison à gauche après le pont de chemin de fer, rue Annne Amieux, pavillon détruit. A la manufacture, tout le côté gauche du pavillon du personnel est tombé, heureusement, les habitants se sont réfugiés dans la cave. La famille Gordet qui demeurait dans le petit pavillon des gardiens à gauche du musée est également touchée, alors qu’elle se rendait se réfugier dans la cave du personnel logé. Le chien est tué. Monsieur Gordet, grièvement blessé, décèdera quelques mois après. Quant à Madame Gordet, très blessée également, elle s’en remettra, mais chaque année devra subir des opérations pour retirer des éclats de bombes qu’elle gardera dans son corps.

Un autre couple se rendant dans les tranchées creusées dans les jardins du personnel sera touché. Les parents seront sauvés, mais leur jeune fille mourra écrasée, étouffée par la tranchée qui s’est éboulée.

Les habitants du bas de Sèvres fuiront pour demeurer dans les hauts de Sèvres : famille Derny, rue Vicor Pauchet ; famille Brelivit, villa Kildin rue Brancas ; famille Germont, rue Brancas ; famille Guillon, rue Léon Cloudel.

Le parc de Saint Cloud est truffé d’énormes cratères faits par les bombes. La nuit du 3 mars 1942 fut une nuit de cauchemar ! »

 

 

Site du Souvenir Français de Sèvres : www.souvenirfrancais.fr

 

 

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Publié le 25 Mai 2014

 

Pichard Robert

Robert Pichard.

 

Robert Pichard, né le 30 décembre 1913 est décédé le 7 mars 2014.

 Sapeur, il est incorporé au Régiment des Sapeurs-Pompiers de Paris, le 7 mars 1935, et intègre les rangs de la 8e compagnie pour la formation initiale. En juillet de la même année, il est affecté à la 2e compagnie. Nommé ‘’Clairon’’ en janvier 1935, il est élevé à la distinction de 1e classe en octobre 1938, puis caporal en décembre 1939 et, alors qu'il est affecté au centre de secours ‘’Blanche’’ (Paris IXe), il est envoyé sur la Ligne Maginot, près de Metz, comme porteur de lance-flamme.

 Après la campagne de France, il est réaffecté en centre de secours en août 1940 au sein de la 5e compagnie, nommé caporal-chef et sert à la compagnie Hors-Rang. En 1949, il est nommé sergent et est affecté à la 28e compagnie où il est nommé sous-officier de carrière puis sergent-chef en 1955. En avril 1959, il est muté sous-chef de centre au centre de secours de Nanterre, relevant de la 21e compagnie. Promu adjudant le 1er octobre 1960, il quitte le service actif l’année suivante. Il entame alors une seconde carrière dans le domaine de la prévention incendie au sein de la société Dubernard.

 Robert Pichard était le doyen de la brigade des militaires des Sapeurs-Pompiers de Paris. Il avait créé le comité garennois des membres de l’Ordre national du Mérite et présidé l’Amicale Ouest-Seine-Val-d’Oise-Yvelines des Anciens Sapeurs-Pompiers de Paris. Il était vice-président honoraire du Comité d’Entente. A ce titre, il avait fixé les bases des protocoles des cérémonies patriotiques à La Garenne qui nous valent des compliments des autorités départementales. Il était titulaire de la Médaille militaire, chevalier de l‘Ordre national du Mérite, titulaire du Titre de Reconnaissance de la Nation.

 Ses obsèques ont été célébrées avec beaucoup de solennité en l’église Saint-Urbain le vendredi 14 mars 2014, en présence de Philippe Juvin, maire de La Garenne, Jacques Kossowski, député-maire de Courbevoie, du général Gaëtan Poncelin de Raucourt, commandant la Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP), du colonel Roger Barreau, commandant le 3e groupement d’incendie et de secours, d’un important détachement BSPP, accompagnés de Membres de l’Association Nationale des Anciens Cadres d’Active des Pompiers de Paris, de trente-et-un porte-drapeaux dont quatorze garennois, et d’une importante délégation des associations patriotiques de La Garenne conduite par Yves Perrée, Premier adjoint au maire délégué aux Associations patriotiques, et Pierre Lucas, président du Comité d’Entente.

 Son cercueil a été porté par des sapeurs-pompiers dont trois sous-officiers nommés en 2013 et faisant partie de la promotion "Adjudant Robert Pichard". Ensuite, avant l’inhumation dans le caveau familial, lors d’une courte cérémonie face au monument aux Morts, le lieutenant Joël Allenne, trésorier de la 1831e section des Médaillés militaires des Sapeurs-Pompiers de Paris, a rendu un dernier hommage à Robert Pichard, au nom de cette section, et en présence du major Marcel Wisslé, président de cette section, d’une quinzaine de drapeaux et de quelques membres des associations patriotiques.

 Le Comité d’Entente exprime à Nicole, sa fille, à ses petits-enfants et à toute sa famille, sa peine face au départ d’un ami d’exception dont le glorieux passé éclaire notre chemin lors des commémorations d’évènements de notre Histoire. Le Comité d’Entente n’oubliera jamais ce qu’il nous a appris et il garde l’espérance que son exemple sera aussi utilisé par tous pour entretenir son souvenir.

 

Pierre Lucas

Président du Comité d’entente

Extrait du numéro 40 de la Gazette des Associations patriotiques

de La Garenne-Colombes

 

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Publié le 23 Mai 2014

Versailles Chapelle Royale

 

Les Chœurs de Paris, chers à Madame Françoise-Marie Belin, présidente du Comité du Souvenir Français de Châtenay-Malabry, animeront la messe de 18h00 en la Chapelle du Château de Versailles, le 1er juin 2014, avec en première audition la Messe pour quatre voix mixtes de Christian Gouinguené.

 Venez nombreux !

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Publié le 18 Mai 2014

Du terrail Philippe Algerie

 

Arrivée en Algérie.

 

« Ce dimanche matin le bruit d’une étrange animation, qui me rappelait le souvenir du milieu familial, me réveilla et ouvrant les yeux, j’aperçus des lits superposés, des uniformes et des havres sacs pendus pêle-mêle me confirmant que j’avais dormi en réalité au Dépôt des Isolés Militaires d’Alger.

Quelques semaines auparavant, en rentrant au Quartier Pajol-Champrosay, caserne du 1er R.A.Ma (régiment d’artillerie de marine) à Melun, d’un stage de spécialisation, le capitaine s’étonnait de me voir, alors que la batterie était partie en Algérie. Je prenais donc une permission puis je ralliais le camp Sainte Marthe d’où j’embarquais sur le « Ville d’Alger ».

Ce n’était pas sans appréhension, que les appelés se retrouvaient sur les quais de la Joliette avec armes et bagages avant de monter à bord. Je m’installai sur le pont, il faisait déjà beau en ce jour d’avril et regardai les côtes de France disparaître à l’horizon.

Au petit matin, Alger la Blanche se découvrait dans la grisaille du lever du jour avec au cœur une interrogation quant à l’incertitude sur l’avenir.

J’errais plusieurs jours dans le D.I.M. Je fis la connaissance d’un « gus », rapatrié sanitaire, qui avait été grièvement blessé dans le secteur de Palestro. Enfin, je reçus mon affectation pour Tizi Reniff que je devais rejoindre par mes propres moyens. Le guichetier de la gare me vendit un billet pour Dra el Mizan en me précisant de descendre à la station Aomar !

Après la patrouille des C.R.S., le train quitta Alger et bientôt le paysage grandiose de la plaine de la Mitidja se laissa admirer dans ses couleurs, avec des orangers à perte de vue au pied de collines sombres qui fermaient l’horizon. Je me sentais rassuré car je remarquais un poste militaire dans chaque gare du parcours. Le train longeait alors l’oued Isser et traversait les sinistres gorges de Beni Amran avant d’arriver à Palestro. Le 18 mai 1956, dix-neuf appelés du 9e régiment d'infanterie coloniale avaient été tués et massacrés dans une embuscade.

Enfin, le train arriva à Aomar. La station était située en plaine, à l’écart de toute agglomération. Le quai fut désert une fois le train reparti. On entendait parfois un âne braire. Et au loin apparaissait un poste isolé qui surveillait la région.

J’ai attendu plusieurs heures avant qu’un convoi sous escorte d’half-tracks n’arrive enfin. Dans les mois qui suivront, je ferai souvent cette protection du vaguemestre ou pour recueillir  des nouvelles recrues.

La patrouille me conduisit à Dra el Mizan et de là je rejoignais Tizi Reniff où j’étais affecté à la 4e Batterie du 1/43ème RA (régiment d’artillerie) dans la 27ème DIA (division d’infanterie alpine), sur le piton Bégasse à 922 mètres d’altitude dans le djebel kabyle.

Le soir même le poste essuyait des coups de feu. Dans le noir de la mechta qui m’abritait pour la nuit, je fus envahi d’un étrange sentiment. D’abord, cela allait être comme cela pendant les deux ans à venir. Et ensuite, il fallait me blinder. Je décidai de rompre avec mon éducation pour assurer la mission qui serait maintenant la mienne. Cette attitude m’isolait de mes camarades qui s’accrochaient à leur vie de civils, mais me permettait de me protéger de toute agression extérieure. L’ennemi n’était pas franchement désigné car il ne pouvait y avoir d’état de guerre dans un département français. Mais il fallait cependant protéger des populations du terrorisme ».

 

En opération.

 

« Aux premières heures de ce matin de mai 1961, la section « intervention » est réveillée pour accompagner et protéger un convoi de troupe d’infanterie sur les lieux d’une opération montée dans le plus grand secret par l’état-major, afin de garder le maximum de chance de surprendre un commando fellaghas qui traverse le secteur de Dra el Mizan. Cette section est généralement chargée de la protection des autorités, des blessés, des convois et du bouclage des opérations.

Un half-track, composé d’un équipage de six hommes et armé de mitrailleuses de 12.7 et de 30, prend la tête du convoi. Les véhicules roulent en black-out (NB : tous feux éteints), pour ne pas être repérés et les chauffeurs se guident sur les carrés blancs peints sur les camions. Un second half-track avec la radio ferme la marche. La progression est lente dans la nuit. Le regroupement se fait au départ de la piste de la S.A.S. de Pirette sur la route de Boghni et qui conduit dans la forêt du Bou Mahni.

La mise en place doit se faire dans le plus grand silence. Mon groupe qui assure la protection de cette mise en place aperçoit subitement, dans le jour qui se lève, des ombres qui se découpent sur la crête. L’instant de surprise passé, il s’agit d’une section de chez nous que nous avons failli prendre pour des « fells » si elle n’avait pas fait autant de bruit !

Un message me parvient : il faut appeler le garage car un chauffeur a versé volontairement son Dodge 4x4 dans un ravin en prévenant les hommes de sauter. La rumeur a couru qu’il a eut peur de participer à cette « opé ».

Le ratissage du secteur dure plusieurs heures. Le « crapahute » se fait dans un maquis sous le soleil. La gorge est sèche, les tempes battent, les pieds humides de sueur dans les pataugas. Parfois, il faut monter des pentes raides. Un foulard de couleur, attaché au cou dès un premier coup de feu, permet de se reconnaître. Vers 16 heures, le commando est accroché : une grenade vient soudainement d’exploser en pluie au-dessus de la pièce F.M. dont le chargeur est sectionné et les pourvoyeurs sont blessés par les éclats. Les « fells » sont cernés mais difficile à déloger. Aussi, l’aviation est-elle appelée à la rescousse pour les mitrailler. En fin de compte, un bidon de napalm est largué mettant le feu aux broussailles. On dénombrera 14 tués carbonisés parmi les HLL (hors la loi).

Il nous faut, lors du décrochage, en fin d’opération, rester vigilant pour parer à toute réaction adverse au moment de rembarquer dans les camions.

Ce jour-là, il y avait près de deux cents hommes sur le terrain pour un résultat qui peut paraître mince. Mais voilà l’exemple type de cette guerre d’embuscades, d’attentats et de désinformation, car quelques jours auparavant, nous étions huit seulement à accompagner l’officier de renseignement venu en repérage de ces lieux sauvages, décrétés « zone interdite », dans la perspective de cette opération ».

 

 

Philippe du Terrail est membre du Souvenir Français de Bois-Colombes.

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Publié le 27 Avril 2014

 

Tranchee de Calonne

 

Isabelle Moity-Legrand a eu une remarquable idée : placer dans un ouvrage destiné à sa famille et ses amis, les récits et lettres de trois de ses aïeux, trois « morts pour la France ». Il s’agit de Julien Sandrin (se reporter à l’article intitulé « La victoire de Coulmiers »), oncle de son grand-père, mort en 1871, de Joseph Legrand, son grand-père, mort lors de la Première Guerre mondiale et de son père, Raoul Legrand, mort en déportation à Buchenwald.

 

Cet ouvrage a été publié par les Editions Lacour, installées à Nîmes, en décembre 2010.

 

 

Les Eparges.

 

« Joseph Legrand nait le 15 février 1889 à Noyon, dans l’Oise, où réside sa famille. Après une scolarité picarde et un apprentissage effectué dans une imprimerie, Joseph devient typographe à Paris. Il épouse en 1913 Cécile Thiercelin, dont la famille est installée à Malakoff. Un fils, Raoul, nait de cette union le 15 mai 1914.

 

Au déclenchement de la guerre, Joseph est incorporé au 54ème régiment d’infanterie qui tient caserne à Compiègne. L’unité fait partie de la 12ème division d’infanterie et de la 23ème brigade. Elle participe à la prise de Mulhouse (perdue deux jours plus tard) puis retraite face à la poussée allemande. Du 5 au 12 septembre, Joseph contribue à la bataille de la Marne, puis à la « course à la mer ».

 

En 1915, le 54 est envoyé dans la Meuse, à la Tranchée de Calonne, qui doit son nom à Alexandre de Calonne, ministre de Louis XVI, qui fit cette route forestière pour desservir directement son château. Elle forme une ligne de vint-cinq kilomètres située à égale distance des villages de Mouilly, des Eparges et de Saint-Rémy-la-Calonne. Alain Fournier, l’auteur du Grand Meaulnes, y a trouvé la mort le 22 septembre 1914.

 

En l’absence de son mari, Cécile s’occupe seule de son fils. En février 1915, le petit Raoul a neuf mois et se tient debout. Elle se fait photographier avec lui et envoie la photo à l’absent. Elle a le même air triste et résigné que toutes ces très jeunes femmes devenues, à cause de la guerre, chefs de famille malgré elles. En retour, elle en reçoit une de Joseph, dans la tranchée. Il a tracé une croix au crayon au-dessus de sa tête pour qu’on le reconnaisse sous son passe-montagne. Au verso de la photo, il a noté : « A mon petit gars, ce souvenir de la campagne 1914-15. Son papa qui l’aime très fort. Joseph ».

 

L’attaque sur les Eparges débute le 17 février par des sapes que font sauter les hommes du génie. Les premières positions allemandes sont facilement conquises par les 23ème et 24ème divisions. Mais la riposte ne se fait pas attendre. Dès le lendemain, les nouvelles positions françaises sont pilonnées par des milliers d’obus. Après près de trois heures d’un matraquage inouï de violence, ayant perdu une grande partie des officiers, les soldats français se retirent sur leurs positions initiales.

 

Un autre régiment se trouve tout à côté du 54. Il s’agit du 106ème RI, qui fait partie de la même division. Le 106 est resté célèbre, outre ses exploits, par le récit du grand écrivain Maurice Genevoix, futur secrétaire perpétuel de l’Académie française, et qui a raconté sa guerre dans Ceux de 14.

 

Maurice Genevoix : « Et toujours les obus pleuvaient. Les canons-révolvers de Combres démolissaient les parapets que nous refaisions, inlassables, avec les mêmes sacs à terre. Par crises, les gros arrivaient. Il en tombait cent, deux cents, qui ne faisaient point d’autre mal qu’ensevelir quelques hommes, vite dégagés. Mais tout d’un coup, il y en avait un qui trouvait la tranchée, et qui éclatait, en plein dedans : alors c’étaient les mêmes cris que naguère, les mêmes hommes qui couraient, ruisselants de sang frais et rouge ; et, tout autour de l’entonnoir brûlé, empli encore de fumée puante, les mêmes cadavres déchiquetés… Les autres restaient là, les jambes prises dans ce ruisseau lourd, profond, glacé, les jambes engourdies et mortes. »

 

Le 24 avril, une énième attaque allemande surprend le 54ème RI par sa rapidité et son intensité. Maurice Genevoix écrit : « Dans une des guitounes délabrées monte une voix : « Oui, les pièces sont perdues… Nous avons été surpris… par l’infanterie allemande, oui… Il a fallu se battre au mousqueton. Le capitaine a une balle dans la tête… Mes hommes ? Non, mon général, je suis seul… Si nous avons eu le temps de faire sauter les pièces ? Deux seulement : des grenades dans les tubes… ».

 

Le lendemain, alors qu’il s’apprête à sortir du boyau à la tête de sa compagnie, le lieutenant Genevoix reçoit deux balles au bras gauche et une troisième vient lui entailler le torse : « Il faut me lever, me traîner ailleurs… Est-ce Sansois qui parle ? Est-ce qu’on me porte ? Je n’ai pas perdu connaissance ; mon souffle fait un bruit étrange, un rauquement rapide et doux ; les cimes des arbres tournoient dans un ciel vertigineux, mêlé de rose et de vert tendres ». Puis le 26 avril, à quelques mètres de là, le soldat Joseph Legrand est tué à l’ennemi. Il avait 26 ans.

 

Maurice Genevoix : « Notre guerre… Vous et moi, quelques hommes, une centaine que j’ai connus. En est-il donc pour dire : « La guerre est ceci et cela » ? Ils disent qu’ils comprennent et qu’ils savent ; ils expliquent la guerre et la jaugent à la mesure de leurs débiles cerveaux.

 

On vous a tué, et c’est le plus grand des crimes. Vous avez donné votre vie, et vous êtes les plus malheureux. Je ne sais que cela, les gestes que nous avons faits, notre souffrance et notre gaîté, les mots que nous disions, les visages que nous avions parmi les autres visages, et votre mort.

 

Vous n’êtes guère plus d’une centaine, et votre foule m’apparaît effrayante, trop lourde, trop serrée pour moi seul. Combien de vos gestes passés aurai-je perdus, chaque demain, et de vos paroles vivantes, et de tout ce qui était vous ? Il ne me reste plus que moi, et l’image de vous que vous m’avez donnée.

 

 

Presque rien : trois sourires sur une toute petite photo, un vivant entre deux morts, la main posée sur leur épaule. Ils clignent des yeux, tous les trois, à cause du soleil printanier. Mais du soleil, sur la petite photo grise, que reste-t-il ? »

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