La bataille de Pondichéry.

Publié le 31 Juillet 2018

Les magasins de ravitaillement de la Compagnie des Indes à Pondichéry

Les magasins de ravitaillement de la Compagnie des Indes à Pondichéry

Nous sommes pendant la Guerre de Sept Ans (1756-1763). Sur terre comme sur mer, Anglais et Français se font la guerre. La bataille de Pondichéry est la troisième bataille navale qui les oppose. Elle se déroule le 10 septembre 1759.

 

Situation en Inde.

 

La guerre, qui en est à sa quatrième année en Europe et à sa deuxième en Inde commence à mal tourner pour les Français. Le baron Lally-Tollendal, arrivé en 1758 avec la division du lieutenant général des armées navales d’Aché est en difficulté. Le chef français, après quelques succès dans le Dekkan (prise des cités de Gondelour et du Surate dans le sud de l’Inde) a échoué lourdement en essayant de prendre la grande cité de Madras en novembre 1758. Le port anglais a résisté au siège grâce à la défense énergique du général Laurence, et surtout à cause de l’absence de soutien naval à l’offensive française. La division navale de d’Aché, après les deux combats difficiles où les forces de l’officier de marine britannique Pocock ont été tenues en échec, a dû en effet quitter les eaux indiennes à l’arrivée de la mousson d’hiver. La côte étant impraticable pendant cette période, les vaisseaux français sont allés se mettre à l’abri sur leur base habituelle de l’Isle de France (île Maurice), à deux mois de navigation de Pondichéry. Les Anglais, mieux installés en Inde, disposent sur la côte occidentale du port de Bombay où leurs vaisseaux peuvent hiverner en sécurité en restant proche du théâtre d’opération. Les résultats ne se sont pas fait attendre : dès février 1759, à la fin de la mousson, l’escadre de Pocock est reparue devant Madras pour la ravitailler.

 

Les deux adversaires attendent des renforts pour reprendre la campagne qui s’annonce peut-être décisive pour la suite de l’année 1759. Côté anglais, on joue avec un coup d’avance, puisque Pocock, sorti de l’hivernage de Bombay en avril, est de facto en position d’assurer le blocus de Pondichéry où s’est replié le gros des forces françaises. Côté français, la situation est beaucoup plus délicate, car la Marine royale est sur la défensive dans l’Atlantique où sont engagés l’essentiel de ses moyens. Elle a maintenant bien du mal à assurer les liaisons avec les Antilles alors que celles avec le Canada sont presque rompues depuis la chute de Louisbourg (située en Nouvelle-Ecosse au Canada) et que tous les postes sur la côte d’Afrique sont tombés (entre autres Saint-Louis et Gorée au Sénégal).

 

À l’Isle de France on s’ingénue pour rassembler des troupes et renforcer la division navale de d’Aché. Cette dernière est maintenant formée de quatre vaisseaux de guerre grâce à l’arrivée de trois vaisseaux de 64 canons commandés par Froger de l’Eguille, qui s’additionnent à sept vaisseaux armés de la Compagnie des Indes. Celle-ci — comme le veut d’ailleurs sa mission — fait des efforts considérables pour armer et financer cette force.

 

Le combat.

 

Pocock, parfaitement au courant de l’arrivée de la force française guette celle-ci entre Pondichéry et Negapatam. Cette dernière appartient aux Néerlandais depuis quelques années. Pocock dispose maintenant d’une véritable escadre. Sa division, composée de 9 vaisseaux en 1758, est maintenant passée à 11 unités, dont neuf de guerre.

 

Pocock, qui n’a pas reçu l’autorisation du gouverneur néerlandais de faire de l’eau à Negapatam cherche à se ravitailler sur l’île de Ceylan, à Trinquemalay. Le 2 septembre au matin, la frégate Revenge repère les voiles françaises au large des côtes de l’île. Pocock lance la poursuite, mais les vents et les courants ne sont pas favorables au chef anglais qui ne peut entrer au contact des Français que le 10 septembre. On est maintenant au large de Porto Novo, pas très loin au sud de Pondichéry. Les deux amiraux forment la traditionnelle ligne de bataille. D’Aché, déterminé à passer coûte que coûte malgré l’infériorité de ses forces, ne s’esquive pas. La bataille s’engage vers 16h00. Les deux lignes se canonnent violemment. Les Français concentrent leur tir sur les mâtures pour tenter de neutraliser les vaisseaux adverses, mais le feu anglais cause des dégâts importants. Au bout de deux heures de combat, la ligne française commence à se disloquer, plusieurs vaisseaux sortant de la ligne pour tenter de réparer leurs avaries, dont le navire amiral, le Zodiaque, à la suite d'une confusion dans le commandement. À son bord, l’officier en second est tué à son poste alors qu’il est à la manœuvre. L’officier qui le remplace donne l’ordre de sortir de la ligne, puis c’est d’Aché qui est grièvement blessé à la cuisse par une décharge de mitraille alors qu’il veut faire annuler l’ordre.

 

Il est 18h00. À la vue du navire amiral qui décroche, les autres vaisseaux suivent l’exemple et toute la division française fait retraite. Côté anglais, on est cependant bien en peine de poursuivre car les mâtures sont en trop mauvais état : « Après l’engagement, aucun navire anglais ne pouvait hisser la moitié de sa voilure. Tous les vaisseaux français, excepté un à qui il manquait la voile supérieure, possédaient la totalité de leur voilure » note un historien anglais. Comme souvent après un combat en ligne de file, on clame victoire des deux côtés. Pocock reste maître du champ de bataille déserté par les Français, mais l’avantage tactique revient cependant à d’Aché qui a réussi à faire passer sa division. Pocock doit se rabattre sur Négapatam pour faire les premières réparations. On ne connait pas les pertes humaines, mais il semble qu’elles soient équivalentes des deux côtés.

 

Victoire tactique.

 

Sur le papier, c’est une victoire tactique française. Le 15 septembre 1759, Pondichéry est en vue. Les renforts y sont débarqués avec une forte somme d’argent. Pourtant elle est sans lendemain, car les troupes mises à terre ne seront pas suffisantes pour redresser la situation alors que l’état-major français est en crise. Lally-Tollendal, bon combattant mais mauvais diplomate, a rejeté les alliances avec les nababs (noms donnés aux souverains indiens), ne comprend pas les Hindous, qu'il considère comme des Sauvages, ne veut faire la guerre qu'à l'européenne et méprise les cipayes (soldats indiens à la solde des puissances européennes, dont le Royaume de France). Le chef français, dont le caractère est très difficile, s’est brouillé aussi avec ses officiers et les administrateurs de la Compagnie. Les efforts faits par d’Aché pour ravitailler Pondichéry se révèlent donc illusoires. Dès le 27 septembre, soit 12 jours après son arrivée, d’Aché lève l’ancre pour se replier sur l’Isle de France, abandonnant la place à son sort. L'arrivée de la mousson d'hiver, en octobre, n'est pas la seule explication à ce départ précipité : tout indique que d'Aché, qui témoignera après la guerre contre Lally-Tollendal, s'est brouillé à son tour avec ce dernier. Accusé de lâcheté et de trahison, Lally-Tollendal se rend en France afin d’y assurer sa défense. Peine perdue, il est décapité sur ordre du Roi le 9 mai 1766.

 

Le conflit, encore indécis en 1759, va basculer en faveur des Anglais qui reçoivent aussi des renforts importants et n’hésitent pas, eux à s’appuyer sur des troupes indiennes nombreuses. Ils font la reconquête du terrain perdu dans le Carnatic (Tamil Nadu plus une partie de l’actuel Andhra Pradesh), puis viennent mettre le siège devant Pondichéry en mars 1760 avec 4 000 hommes débarqués d’Angleterre et plus de 10 000 cipayes soutenus par 16 vaisseaux de ligne. La ville, soumise à un blocus complet, ne sera plus ravitaillée et tombera en janvier 1761 après une résistance désespérée. Elle sera ravagée de font en comble par les vainqueurs peu de temps avant que d’Aché ne rentre en France. Le Royaume de France récupérera Pondichéry et les autres comptoirs avec le traité de paix de 1763 (qui met fin à la Guerre de Sept Ans), mais en se contentant désormais d'y faire du commerce et en renonçant à toute influence politique en Inde.

 

 

 

Sources.

 

  • Encyclopédie Wikipédia, utilisée comme source principale pour la rédaction de cet article.
  • Michel Vergé-Franceschi, La Marine française au XVIIIe siècle, Sedes, novembre 1996.
  • Michel Vergé-Franceschi, Dictionnaire d'Histoire maritime, Ed. Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2002.
  • Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ed. Ouest-France, 1994.
  • Patrick Villiers et Jean-Pierre Duteil, L'Europe, la mer et les colonies XVIIe-XVIIIe siècle, Hachette supérieur, coll. « Carré Histoire », 1997.
  • Guy Le Moing, Les 600 plus grandes batailles navales de l'Histoire, Marines Éditions, mai 2011

 

Rédigé par Souvenir Français des Hauts-de-Seine

Publié dans #La Coloniale

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