Pierre Guillaume, dit le Crabe-Tambour.

Publié le 23 Décembre 2013

 

Pierre Guillaume

 

De la Bretagne à l’Indochine.

 

Né le 11 août 1925 dans une famille de militaires – son père est général de division – Pierre Guillaume est le troisième enfant d’une fratrie de quatre: les filles Monique et Claude succèdent aux garçons Pierre et Jean-Marie.

 

Après des années d’études chez les Jésuites à Paris, il intègre le collège de Saint-Malo. Grand, mince, blond – presque roux – avec des yeux bleus, Pierre Guillaume semble destiné à un métier au grand large. Après la Seconde Guerre mondiale, il intègre l’Ecole navale dont il sortira diplômé en 1948. Dès 1945, alors qu’il est encore matelot de 3e classe sans spécialité, il embarque sur le navire le Duquesne pour la Cochinchine et sa capitale, Saigon pour un premier séjour. En décembre 1947, de retour à Brest, le jeune marin passe ses examens, qu’il réussit, et est nommé au grade d’enseigne de vaisseau. Retour en Indochine l’année suivante où il sert à bord de l’aviso Commandant de Pimodan. Il reçoit le baptême du feu au Cambodge où son navire est chargé de faire la chasse aux contrebandiers. A plusieurs reprises il n’hésite pas à mettre pied à terre pour aller débusquer ceux qu’il doit arrêter sur mer…

 

Quelques mois plus tard, il est envoyé en Chine à Shanghai pour récupérer les quelques Français restés en dépit de l’avancée des communistes de Mao Zedong. Pierre Guillaume revient très marqué de son séjour où il a vu des massacres de Chinois nationalistes. Il poursuit sa mission contre les contrebandiers et les rebelles du Vietminh au Tonkin jusqu’en 1950.

 

Par la suite, il fait encore un séjour en Indochine entre 1953 et 1955. Après les accords de Genève (mai – juillet 1954), Pierre Guillaume, désobéissant aux ordres qui lui ont été donné, organise la sortie de milliers de catholiques du Tonkin. Il ne veut pas revivre les horribles massacres de Chine. Son bateau, la Pertuisane, devient terre d’accueil. Dans son livre On l’appelait le Crabe-Tambour, Georges Fleury indique : « Tout autour de la Pertuisane, la mer heureusement très calme est couverte de radeaux et de sampans. Des cris d’enfants se mêlant à des cantiques, un curé étreint Pierre qui, soudain saisi par une puissante vague d’émotion, se laisse embrasser. Le prête le lâche, s’agenouille, se signe, balbutie une prière et baise le pont comme s’il s’agissait de la Terre promise ». En quelques semaines, près de quinze mille catholiques seront recueillis par Pierre Guillaume et son équipage.

 

Bien des années plus tard, à l’occasion d’une interview, Pierre Guillaume indiqua : « Qui se souvient de ces curés vietnamiens qui pleuraient en embrassant le pavillon français à l'arrière de nos bateaux ? Qui se souvient de ces jonques, de ces sampans, de ces radeaux de bambou portant des familles entières qui chantaient des cantiques ? Ils voguaient à demi immergé, vers la terre promise symbolisée par le pavillon français … J'ai vu des réfugiés chanter les matines sur des bateaux, en actions de grâce. J'ai vu des femmes mettre un enfant au monde sur un radeau de bambou. Chaque paroisse avait sa bannière. C'était cela la chrétienté ! Chaque transport était un miracle ».

 

Terriblement affecté par ce qu’il considère comme un abandon de territoires et de populations, Pierre Guillaume rentre seul en France, à bord d’une jonque. Le voyage n’est pas simple. Il finit par s’échouer sur les côtes de Somalie où un temps il est retenu prisonnier.

 

En 1956, enfin il rentre en France et retrouve son épouse et ses enfants. Mais le malheur ne le quitte pas. Il apprend le décès de son frère, alors jeune lieutenant en Algérie au sein d’un commando parachutiste.

 

 

En Algérie.

 

Pierre Guillaume demande son transfert dans l’armée de terre et intègre le commando que commandait son jeune frère. Comme Jean-Marie a été le premier tué de l’unité, elle prend son nom. Pendant près d’une année, le Commando Guillaume monte des embuscades et des raids dans la région de l’Ouarsenis, réduisant fortement les forces des fellaghas. Puis, il est nommé à l’état-major et devient l’adjoint marine du général Challe. Il suit les idées de son supérieur pendant le putsch d’Alger et est arrêté. Il est condamné à quatre années de prison avec sursis. Poursuivant ses idées jusqu’au bout, Pierre Guillaume rejoint l’Algérie en 1962 et s’enrôle dans l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète). Il verse dans la clandestinité. De nouveau arrêté en mai 1962, il va effectuer quatre années de prison en métropole, à Tulle, où il côtoie ses camarades putschistes comme les généraux Salan et Jouhaud, les colonels de Sèze, La Chapelle ou encore les commandants Camelin, Robin et Hélie Denoix de Saint-Marc.

 

Après ses années de captivité, il travaille pour des sociétés d’affrètement maritime et devient conseiller à la sécurité maritime du Royaume d’Arabie Saoudite. En 1978, il affrète le bateau qui emmène le mercenaire Bob Denard aux Comores, où un coup d’Etat est déclenché peu après…

 

Défenseur du peuple karen en Birmanie, tenant des chroniques sur l’antenne de Radio Courtoisie pendant des années, emblème de la France pour les nationalistes, la vie de Pierre Guillaume devient une saga grâce à l’ouvrage de Pierre Schoendoerffer – lui-même ancien d’Indochine et ami du lieutenant de vaisseau – le Crabe-Tambour, qui sort en 1976.

 

 

La légende.

 

A la suite du livre, l’auteur réalise un film deux années plus tard, qui connait un grand succès avec plusieurs Césars à la clé. La légende est en marche…

 

Pierre Schoendeorffer : « C’était un de ces capitaines légendaires ! Donc on a fait connaissance, et l’on s’est pris de sympathie. Quand j’ai commencé à écrire mon livre, Le Crabe-tambour, je me suis dit qu’il y avait dans son histoire quelque chose qui m’intéressait. Ce n’est pas sa biographie, c’est mon histoire telle que je l’ai rêvée... J’ai dédié mon roman à mon fils cadet, Ludovic, parce qu’enfant, il avait un petit ventre rond sur lequel il tambourinait, et comme il marchait à quatre pattes et de travers, je l’appelais le crabe. D’où le Crabe-tambour ! Vous voyez, c’est quelque chose de tout à fait personnel. Ce n’est pas sa vie, ce n’est pas la mienne. C’est autre chose ».

 

Pierre Guillaume, qui vivait depuis des années sur un bateau dans le port de Saint-Malo, meurt le 3 décembre 2002. Alors, il rejoint son jeune frère Jean-Marie dans le caveau familial placé au cimetière de Rueil-Malmaison.

 

 

Sources :

 

www.wikipedia.org/fr

www.larousse.fr

Site des anciens du Commando Guillaume : www.commandoguillaume.com

Pierre Guillaume, Mon âme à Dieu, mon corps à la Patrie, mon honneur à moi, Ed. Plon, 2006

Georges Fleury, On l’appelait le Crabe-Tambour, Ed. Perrin, 2006.

Article sur Pierre Guillaume dans la Revue historique des armées.