Vaucresson et Martelange unis depuis le 7 août 1914.
Publié le 3 Mai 2015
Hommage au brigadier Georges Martel et au cavalier de 1ère classe Henri Pecchini, de Vaucresson, premiers morts de la Grande guerre en territoire belge.
Depuis le 11 novembre 2014 une plaque distingue le tombeau de la famille Martel au cimetière de Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine. L'écriteau mentionne que le monument en pierre grise renferme les cercueils de deux combattants de la Première Guerre Mondiale : le brigadier Georges Martel et le cavalier de première Classe Henri Pecchini.
Ces deux soldats français sont les premiers à avoir perdu la vie en Belgique le 7 Août 1914. Si l'Histoire a bien souvent retenu l'identité du caporal Jules André Peugeot pour personnifier la première victime du million et demi de Français emportés lors de ce conflit meurtrier, d'autres s'arrêtent sur les noms de Martel et Pecchini car le caporal Peugeot est décédé le 2 août or l'Allemagne a déclaré officiellement la guerre à la France le 3 août. D'autres historiens recensent de leur côté une première victime militaire française le 3 août en Meurthe-et-Moselle. Mais, au fait, posons-nous cette question : que venaient faire ces deux dragons le 7 Août 1914 à Martelange ?
En 1870, la France ayant été vite vaincue, on entreprit dès 1874 la construction de forts. Les principales constructions se portèrent sur l'est et le nord-est, car les neutralités de la Belgique et du Luxembourg avaient été respectées en 1870.
Suite à l’assassinat de l’archiduc d’Autriche à Sarajevo, les Allemands et les Autrichiens regardèrent surtout vers l'est car la Russie mobilisait pour protéger la Serbie. Le 1er Août, l'Allemagne déclara la guerre à la Russie, mais liée par une alliance militaire avec la Russie la France mobilisa aussitôt le 1er août.
Comprenant qu'elle devait alors se battre sur deux fronts, l'Allemagne voulut agir vite. Premier objectif : battre la France rapidement, pour se reporter ensuite sur la Russie. Les Allemands suivirent le plan Schlieffen qui consistait à passer par la Belgique et le Luxembourg et effectuer un mouvement tournant afin d'encercler les forces françaises cantonnées surtout à l'est. Dès le 2 août, les allemands violèrent la neutralité du Luxembourg et le 3 août déclarèrent la guerre à la France. Le 2 août, le régiment du 9e dragons d'Epernay quittait sa caserne pour "monter" en Belgique.
Le 4 août 1914, les Allemands étaient à Rombach-Martelange (Luxembourg) et des éclaireurs passèrent la frontière avec la Belgique. Le lendemain, les premières troupes Françaises arrivaient à Etalle qu'elles allaient occuper jusqu'au 14 août. Le 5 août à 17h00, le capitaine Yvart, adjoint du colonel Claret, commandant du 9e régiment de dragons effectua une reconnaissance automobile vers Florenville, Neufchâteau, Libramont, Bertrix, Bouillon avec retour le 6 août à 5h00 du matin.
Le 6 août 1914, à 5 h 30 le 3e escadron partit vers Neufchâteau pour reconnaître les routes vers Martelange, Bastogne. Une automobile, réquisitionnée pour deux officiers s’en alla reconnaître la route nationale 4. Ils rapportèrent que des patrouilles de cavalerie allemande surveillaient la frontière du Luxembourg. Le même jour, il y eut des escarmouches entre Uhlans et hussards.
Le Vendredi 7 août à 2h00 du matin le 3e escadron de Fontenay, précédé par l'automobile réquisitionnée la veille, partit vers Martelange sans rencontrer d'Allemands. Vers 7h30 environ 200 Dragons français passèrent à Radelange. Le drapeau flottait sur l'église et la population fit une ovation à ces cavaliers en pantalon rouge et casque à crinière.
A 9 h 45 ce même escadron poussa une reconnaissance jusqu'à Wolwelange. Des contacts eurent lieu avec des patrouilles allemandes. Celles-ci furent repoussées mais les Français constatèrent que les lisières des forêts étaient occupées par les Uhlans. Sur ordre du capitaine de Fontenay, l'escadron se scinda en deux groupes. Le second, un peloton sous les ordres des Lieutenants de Lassardière et Bertrand fut envoyé vers la route de Bastogne. Le brigadier Georges Martel et le cavalier Henri Pecchini constituaient l'avant-garde de l'escouade. De la ferme familiale le jeune Pierre Kauten, âgé de 8 ans vit alors passer les deux éclaireurs.
Entre temps, un petit nombre de cavaliers allemands traversèrent la route nationale, là où elle fait une grande courbe. Les Uhlans mirent pieds à terre et se postèrent en embuscade dans un petit bois de sapins appelé : "Hinter des Hart". Alors que Martel et Pecchini s’approchaient, sans voir les ennemis, ils furent abattus par une salve tirée à bout portant. L'une des montures fut tuée sur place, l'autre s'échappa et, terrorisée, fut arrêtée, tant bien que mal par le père de Pierre Kauten.
Aussitôt, les Uhlans retraversèrent la route et disparurent en direction du Grand-Duché. Les Allemands s'étant retirés, l'escadron de Fontenay pu se diriger vers les lieux. Le brigadier Georges Martel avait été tué sur le coup à 11h00 et le cavalier Henri Pecchini, grièvement blessé, décéda peu après à 12h00. On les avait retrouvés couchés ou adossés aux banquettes du chemin. Les deux Français furent ramenés à Martelange dans la voiture du docteur Malget, chez les religieuses Maristes françaises établies route de Bastogne. Les corps furent ensevelis pieusement au cimetière de Martelange. M. et Mme Spoiden prirent soin de leur tombe jusqu'au moment du transfert des corps en France.
Plus tard, Armand Martel, le père de Georges entreprit les démarches nécessaires pour rapatrier le corps de Georges, son fils unique. Comme Pecchini n'avait plus de proches pour réclamer sa dépouille, Armand Martel dans un grand geste de solidarité fit ramener les deux corps à ses frais. Le 3 mai 1921, l'exhumation eut lieu à Martelange en présence de la famille Martel et de nombreuses personnalités. Les deux héros reçurent la médaille Militaire et la Croix de Guerre. Le lendemain, un service religieux eut lieu puis des discours furent prononcés par le Bourgmestre et plusieurs personnalités. Enfin, les corps furent escortés jusqu'aux limites de la commune où toutes les maisons avaient été pavoisées.
Le dimanche 8 Mai 1921, après une magnifique cérémonie funèbre dans l'église de Vaucresson trop petite pour recevoir la foule, les deux frères d'armes furent inhumés. Pour l’Eternité, ils reposent côte à côte dans le caveau de la famille Martel dans le cimetière de Vaucresson (Hauts de Seine).
Le 31 Août 1924 à Martelange, un monument érigé à l'endroit où ils avaient été tués. Aujourd’hui encore, on peut y lire l’épitaphe suivante:
1914-1918
A L'HONNEUR DE LA CAVALERIE FRANCAISE
EN SOUVENIR
de
MARTEL Georges, brigadier
PECCHINI Henri Cavalier de Première classe
du 9e régiment de dragons
Les deux premiers soldats Français
tombés sur le sol Belge le 7 août 1914
sur le territoire de la commune de Martelange
Dans le cadre du centenaire de 1914, Le comité du Souvenir Français de Vaucresson a inauguré le 11 novembre 2014 une plaque qui rappelle ces évènements en reprenant l'épitaphe du monument de Martelange. L’inauguration s’est déroulée en présence de nombreuses personnalités et des descendants de la famille Martel.
Alain Goussard – Président du comité de Vaucresson
Grâce aux recherches approfondies du Cercle d'Histoire de Martelange
et aux archives de la famille Martel-Lafosse.