Raymond Picco et le désastre de la RC4.

Publié le 10 Juin 2009

Légionnaires en Indochine (copyright 3ème REI)

 

 

 

Le 30 mars 1926, Raymond Picco nait à Meudon. Il s’engage dans la Légion étrangère et est envoyé en Indochine. Sergent à la 1ère compagnie du 3ème Régiment étranger d’Infanterie, il meurt le 5 octobre 1950, au poste 41 Est sur 50, de la RC4, dans le nord du Tonkin. La RC 4 est la Route Coloniale n°4. Elle suit la frontière chinoise entre Cao Bang et Lang Son.

 

Le « désastre de la RC4 » est aussi connu sous le nom « l’affaire de Cao Bang ». Sur cet événement, le général (2S) Jacques Maillard, Chef de corps du 503ème Régiment de Chars de Combat entre 1986 et 1988, a écrit : « La RC4 n’avait de route que le nom. C’était une piste élargie (d’environ cinq mètres) et empierrée, tout juste suffisante pour permettre le passage des camions et des blindés légers qui l’empruntaient pour aller ravitailler Cao Bang, ainsi que les agglomérations et les postes intermédiaires. Cette route reliait des massifs rocheux, « les calcaires », par un itinéraire sinueux, parfois escarpé, passant par des cols élevés et des gorges profondes, et franchissant de nombreux ponts ou radiers. La saison des pluies (mai à septembre) était éprouvante. On ne pouvait pas trouver mieux pour tendre des embuscades aux convois. Le Vietminh installait ses bases de feu sur les points dominants, « les calcaires », et ses bases d’assaut près de la route, bien camouflées dans la végétation luxuriante. Sur plusieurs dizaines de kilomètres, c’était un véritable coupe-gorge. Les blindés sautaient sur les mines. Les camions étaient incendiés. Les blessés agonisaient. Les légionnaires (mais aussi les coloniaux, les tirailleurs indochinois et nord-africains, les goumiers et les sénégalais) mouraient dans des combats violents et inégaux ».

 

L’évacuation de Cao Bang a été en fait décidée un an auparavant, à la suite d’un rapport du général Revers, chef d’état-major de l’Armée de Terre. La RC4 n’a jamais été totalement maîtrisée depuis la fin du 19ème siècle. Elle coûte trop cher, en vies humaines et en moyens. Mais il faut ménager les susceptibilités des officiers généraux en place. L’opération est reportée à plusieurs reprises. En Mai 1950, grâce à une attaque éclair, la Brigade 308 du Vietminh prend un poste situé sur cette RC4, entre Cao Bang et Lang Son : Dong Khé. Le 27 mai, le 3ème GCCP du commandant Decorse est parachuté et, aidé du 10ème Tabor marocain, reprend rapidement le poste. L’Armée française pense la situation stabilisée et décide finalement l’évacuation de Cao Bang pour le début du mois de septembre 1950.

 

L’opération est confiée au colonel Constans qui commande le secteur depuis Lang Son. C’est-à-dire très loin de la zone même des opérations. Le succès de l’évacuation repose sur le recueil de la colonne de Cao Bang du colonel Charton par la colonne du colonel Lepage, lui-même venant de Lang Son. Au même moment, le poste de Dong Khé est à nouveau attaqué, et pris, par les Bodoïs. Le plan de Giap, chef militaire du Vietminh fonctionne parfaitement : le colonel Lepage commence par porter secours aux légionnaires qui défendent Dong Khé. Puis, apprenant que la colonne Charton a quitté Cao bang, le colonel Lepage, alors qu’il est dans une position critique, décide de remplir sa mission initiale. Il lance ses hommes à travers la jungle afin de récupérer la colonne Charton. Dans le même temps, plutôt que de rebrousser chemin, la colonne Charton, lassée d’être harcelée par les Bodoïs, progressant avec une lenteur infinie sur des pistes déformées par les pluies, finit par abandonner ses matériels et équipements et applique l’ordre de défendre la colonne Lepage durement touchée par la guérilla.

 

C’est une catastrophe. Sortant des routes, les hommes du CEFEO (Corps Expéditionnaire Français en Extrême-Orient) sont massacrés par les troupes communistes vietnamiennes. Face à 5.000 soldats français se trouvent plus de 20.000 ennemis, qui connaissent parfaitement le terrain. Se sentant perdus, les officiers français donnent l’ordre de constituer de petites unités afin qu’elles puissent, par chance, s’exfiltrer des griffes du Vietminh. Seuls 12 officiers et 475 soldats parviennent à regagner That Khé, camp qui sera lui-même évacué quelques temps plus tard, dans des conditions tout aussi dantesques.

 

L’un des régiments les plus touchés est le 3ème REI. Le chef de bataillon Forget est mortellement blessé avec bon nombre de ses hommes et de sous-officiers, parmi lesquels figure donc le sergent Raymond Picco.

 

Quant aux survivants des combats, encerclés, ils sont emmenés dans des camps : les officiers et certains sous-officiers sont envoyés au Camp n°1, situé dans cette région du Haut-Tonkin. La majeure partie des soldats sont envoyés dans d’autres camps, souvent dans des conditions encore plus épouvantables.

 

Ainsi, sur plus de 10.000 prisonniers après la défaite de Diên Biên Phù, seuls 3.200 rentreront en France…