A la mémoire des Déportés.

Publié le 14 Février 2011

Déportés Nanterre

 

 

 

Commémoration du Souvenir Français et d’associations d’anciens combattants et patriotiques au Monument Départemental aux Déportés.

 

 

A la mémoire des Déportés.

 

Nanterre abrite pour les Hauts-de-Seine, le Monument Départemental aux Déportés.

 

Avant d’être déportées, des populations entières (étrangers, juifs, résistants, tziganes, homosexuels…) ont été raflées en France, souvent avec le concours direct des forces de police françaises, voire à leur propre initiative.

 

Notre mémoire collective est particulièrement marquée par la rafle du Vel’ d’Hiv, le 16 juillet 1942. Ce jour là plus de douze-mille personnes juives sont arrêtées (quatre-mille-cinquante-et-un enfants, cinq-mille-huit-cent-deux femmes et trois-mille-trente-et-un hommes). Cinq-mille partiront rapidement pour le camp de Drancy et sept-mille seront regroupées et surveillés durant cinq jours par des policiers français dans l’enceinte du Vélodrome d’Hiver, situé dans le 15ème arrondissement de Paris. Cette rafle représente à elle-seule, plus du quart des quarante-deux-mille juifs envoyés de France à Auschwitz en 1942, dont seuls huit-cent-onze reviendront chez eux après la fin de la guerre.

 

Les rafles.

 

Mais il y eut d’autres rafles avant et après celles du Vel’ d’Hiv.

 

La première grande rafle de juifs a lieu le 14 mai 1941 à Paris. Des milliers de juifs étrangers, polonais pour la plupart, sont convoqués par la Préfecture de police de Paris, à 7h du matin, «pour examen de situation». Ceux qui se présentent, soit trois-mille-sept-cent-dix personnes, sont arrêtées et envoyées dans les camps du Loiret, à Pithiviers et à Beaune-la-Rolande.

 

La deuxième rafle se déroule du 20 au 25 août 1941, toujours à Paris. Quatre-mille-deux-cent-trente-deux hommes sont appréhendés par des policiers français, sous la direction de militaires allemands. La plupart sont des étrangers, mais il y a tout de même mille-cinq-cent Français parmi eux. Cette rafle conduit à la création du camp de Drancy, situé dans la banlieue nord de la capitale.

 

La troisième rafle a lieu le 12 décembre 1941, à Paris. Sept-cent-quarante-trois juifs, uniquement des hommes, sont arrêtés par des policiers allemands, avec l’aide de policiers français. La plupart des juifs sont Français, tous de milieux aisés : avocats, hommes politiques ou industriels. Ils sont internés pendant une nuit à l’Ecole militaire, puis envoyé au camp de Compiègne-Royallieu.

 

Le 26 août 1942 a lieu la grande rafle de juifs étrangers de la Zone Sud. Par un accord de collaboration policière, le gouvernement de Vichy accepte de livrer aux Allemands dix-mille juifs étrangers qui se trouvent en zone non-occupée. Il livre tout d’abord les juifs internés dans les camps français, puis ceux qui ont été incorporés dans les Groupements de travailleurs étrangers. Cela prend les trois premières semaines d’août 1942.

 

Enfin, une rafle massive est organisée, le 26 août. Toutes les régions de la Zone Sud sont concernées. Les résultats ne sont pas aussi élevés que prévus, car beaucoup de juifs sont prévenus. Ils sont transférés en train jusqu’à Drancy et de là, déportés. Au total, dix-mille-cinq-cent juifs sont transférés de zone non-occupée vers Drancy. Ces déportations depuis la Zone Sud de la France sont les seules en Europe depuis un territoire qui n’est pas occupé par les troupes allemandes !

 

Il y a par la suite de nombreuses autres rafles, mais moins massives. A partir de 1943, le gouvernement français refuse d’apporter son aide à l’arrestation de juifs. Les Allemands doivent se contenter de leurs propres forces de police, ce qui réduit largement l’efficacité des rafles. Elles se poursuivent jusqu’au mois de juillet 1944, juste avant la libération de la France. Entre le 21 et 25 juillet, deux-cent-trente-deux enfants sont arrêtés dans les maisons d’enfants de l’UGIF, par la Gestapo.

 

Un témoignage.

 

Il existe un témoignage poignant et révolté de ce que fut la survie des raflés du 16 juillet ; c’est cette lettre qu’une jeune assistante sociale affectée le 18 juillet 1942 au Vel’ D’Hiv écrivit à son père. Nous vous la livrons in extenso :

 

« Au Vel d'Hiv', 12 000 Juifs sont parqués. C'est quelque chose d'horrible, de démoniaque, quelque chose qui vous prend à la gorge et vous empêche de crier. Je vais essayer de te décrire le spectacle, mais ce que tu vois déjà, multiplie-le par mille, et tu n'auras seulement qu'une partie de la vérité. En entrant, tu as d'abord le souffle coupé par l'atmosphère empuantie, et tu te trouves dans ce grand vélodrome noir de gens entassés, les uns contre les autres, certains avec de gros ballots déjà salis, d'autres sans rien du tout. Ils ont à peu près un mètre carré d'espace chacun quand ils sont couchés, et rares sont les débrouillards qui arrivent à se déplacer de 10 mètres de long dans les étages. Les quelques WC qu'il y a au Vel'd'Hiv' (tu sais combien ils sont peu nombreux) sont bouchés ; personne pour les remettre en état. Tout le monde est obligé de faire ses déjections le long des murs. Au rez-de-chaussée sont les malades. Les bassins restent pleins à côté d'eux, car on ne sait où les vider. Quant à l'eau, depuis que je suis là-bas, je n'ai vu que deux bouches d'eau (comme sur les trottoirs), auxquelles on a adapté un tuyau de caoutchouc. Inutile de te décrire la bousculade. Résultat : les gens ne boivent pas, ne peuvent pas se laver.

 

Le ravitaillement : une demi-louche de lait par enfant de moins de neuf ans (et encore tous n'en ont pas), 2 tartines épaisses de 2 cm de gros pain pour toute la journée (et encore tous n'en ont pas) ; une demi-louche de nouilles ou de purée pour les repas (et encore tous n'arrivent pas à en avoir). Cela va encore, car les gens ont des provisions de chez eux, mais d'ici quelques jours, je ne réponds plus de rien.

 

L'état d'esprit des gens – de ces hommes, femmes et enfants, entassés là – est indescriptible ; des hurlements hystériques, des cris : « libérez-nous », des tentatives de suicide (il y a des femmes qui veulent se jeter du haut des gradins) ; ils se précipitent sur toi : « tuez-nous, mais ne nous laissez pas ici », « une piqûre pour mourir, je vous en supplie », et tant d'autres, et tant d'autres. On voit ici des tuberculeux, des infirmes, des enfants qui ont la rougeole, la varicelle. Les malades sont au rez-de-chaussée ; au milieu se trouve le centre de la Croix-Rouge. Là, pas d'eau courante, pas de gaz. Les instruments, le lait, les bouteilles pour les tout-petits (il y en a qui ont treize mois), tout est chauffé sur des réchauds à méta ou à alcool. Pour faire une piqûre, on met trois quarts d'heure. L'eau est apportée dans des laitières plus ou moins propres. On tire l'eau avec des louches. Il y a trois médecins pour 15 000 personnes et un nombre insuffisant d'infirmières. La plupart des internés sont malades (on est allé chercher même les opérés de la veille dans les hôpitaux, d'où éventrations, hémorragies, etc. J'ai vu aussi un aveugle et une femme enceinte). Le corps sanitaire ne sait où donner de la tête ; de plus, le manque d'eau nous paralyse complètement et nous fait négliger totalement l'hygiène. On craint une épidémie.

 

Pas un seul Allemand ! Ils ont raison. Ils se feraient écharper. Quels lâches de faire faire leur sale besogne par des Français ! Ce sont des gardes mobiles et des jeunes des « chantiers de jeunesse » qui font le service d'ordre. Inutile de te dire ce qu'ils pensent. Nous - assistantes sociales et infirmières – avons reçu comme consigne de nos monitrices : « Surtout ne racontez rien de ce qui se passe ici au dehors ! ». C'est ignoble. On voudrait faire silence autour de ce crime épouvantable !

 

Mais non, nous ne le permettrons pas. Il faut qu'on sache. Il faut que tout le monde soit au courant de ce qui se passe ici. »

 

 

 

Antoine Junqua.

Membre du Souvenir Français.

 

 

 

Sources :

 

André Kaspi, Les Juifs pendant l’Occupation, Seuil, 1997

Léon Chertok, Isabelle Stengers, Mémoires : les résistances d’un psy, Odile Jacob

Lettres et Histoire, Académie de Rouen, http://lettres-histoire.ac-rouen.fr/spip/